David 1899 Hoffenheim
Mélange de Guingamp et de Chelsea, le TSG est l'étonnant promu-leader de la Bundesliga qui défie ce soir le Bayern à l'Allianz Arena.
Auteur : Toni Turek
le 5 Dec 2008
Hoffenheim, leader? Du grand n’importe quoi, aurait-on dit en juin dernier. La TSG 1899 Hoffenheim, c’était le petit club au petit stade d’une petite ville (lire "Hopp, Hopp, Hopp, voilà Hoffenheilm!"). Un club appartenant au mécène multimilliardaire Dietmar Hopp, lequel y est sentimentalement attaché pour y avoir joué dans ses jeunes années.
Le petit poussait
Comme pour tout promu, le maintien était l'objectif annoncé. Faire chuter une à une les places fortes de la Bundesliga n'était pas au programme, et l'on attendait le Bayern en tête du classement à l’endroit, Hoffenheim dans le peloton de tête du classement à l’envers.
Mais rien ne se déroule comme prévu quand il s’agit de Hoffenheim, et la belle aventure qui a déjà vu le club du sud-ouest de l’Allemagne réaliser la Durchmarsch (1) de la troisième à la première division se poursuit de plus belle. On ne sait pas encore si Hoffenheim rééditera la performance réalisée par les Roten Teufeln voici dix ans (2), mais cela semble dans les cordes du club entraîné par Rangnick, qui n'a pas quitté les deux premières places du classement depuis la septième journée. Pour ce qui est du maintien, celui-ci est presque déjà assuré: les 34 points atteints actuellement par Hoffenheim avaient suffi la saison passée à l'Arminia Bielefeld pour terminer premier non-relégable. Et depuis que la victoire vaut trois points, aucune équipe ayant atteint 40 points n’a jamais été reléguée en 2. Bundesliga.
En-Avant Hoffenheim
Jalousé, méprisé, détesté à cause de son richissime président engagé dans ce club depuis vingt ans, Hoffenheim mériterait pourtant mieux. Car le 1899, c’est l’animation, le mouvement, l’envie d’aller vers l’avant et surtout la quasi-assurance de voir des buts marqués – le tout pourtant réalisé par une bande d’anonymes (mais plus pour longtemps). Un jeu à l’opposé des purges absolues infligées par le hérisson cottbusien. Le plus bel exemple est peut-être ce match à Brême, certes perdu 5-4, mais où la bande à Rangnick est d’abord revenue à 1-1, puis a remonté trois buts, à 4-4.
Au contraire d'un Klinsmann qui aligne généralement deux attaquants et laisse Podolski ruminer sur le banc, Rangnick aligne dès qu'il le peut son trio magique Obasi-Ibisevic-Ba, qui avait déjà fait tant de misères aux défenses de la deuxième division, la saison dernière. Ce choix de l'offensive paie, puisque l'attaque du club de Hopp est la meilleure de toute la Bundesliga avec ses 40 buts en 15 matches (dont 30 à l’actif du trio). Une attaque plus efficace que celle du Werder, pourtant la référence allemande en la matière ces dernières années. Ba et Obasi en sont actuellement à sept et six buts respectivement, mais la révélation majeure est l'ex-Parisien Ibisevic, largement en tête du classement des buteurs avec 17 réalisations (3) – dont cinq doublés – soit six buts de mieux que Helmes et l’ex-Manceau Grafite. Certes, tout comme la "Ribéry-dépendance" bavaroise, le promu pourrait bien se révéler trop soumis à son joyau Ibisevic, mais par chance, l’attaquant fétiche a jusqu’ici disputé ses quinze matches de championnat en restant épargné par les blessures.
Passerelle vers la sélection nationale
En fonction de la présence ou non de son trio offensif d’étrangers, Rangnick ajuste alors le schéma de son milieu à trois ou quatre joueurs, avec comme principaux titulaires les deux Brésiliens Luiz Gustavo (devant la défense) et Carlos Eduardo (derrière l'attaque) ainsi que l’Allemand Weis (convoqué par Löw contre l’Angleterre).
Derrière, à part deux accidents de parcours chez les "gros clients" que sont Leverkusen et Brême, et les deux fois cinq buts encaissés qui ont au final coûté sa place de titulaire au défenseur suédois Nilsson, la défense n'a rien de la passoire de Mönchengladbach. Dès le début, Rangnick a opté pour un dispositif en ligne à quatre, et il s’y est tenu – avec le plus souvent l'Autrichien Ibertsberger côté gauche, l'ex-Stuttgartois arrivé cet été Beck sur le flanc droit, le duo allemand Jaissle-Compper composant la charnière.
Les très bonnes performances de Compper – unique joueur de l’effectif à avoir disputé l’intégralité des dix-sept rencontres officielles de Hoffenheim depuis août – lui ont même permis de connaître sa première sélection en équipe nationale en amical face à l’Angleterre, où il a évolué pendant 75 minutes à un inhabituel poste de latéral gauche à la place de Lahm.
Un leader de bonne humeur
Solidité défensive, efficacité offensive: avec ses onze victoires (dont huit par au moins deux buts d’écarts), Hoffenheim mérite sa place de leader de la Bundesliga. Jusqu’à récemment aussi méconnu que les joueurs qui composent son groupe professionnel, le 1899 s’avère être le meilleur club promu tous championnats européens confondus, avec une moyenne de 2,26 points par match qui vaut celle du leader anglais Liverpool, et ce alors que le club badois ne dispose pas encore de son nouveau stade et doit toujours disputer ses matches "à domicile" au Carl-Benz Stadion de Mannheim. De quoi nourrir beaucoup d'espoirs pour la suite, quand la Rhein-Neckar-Arena sera enfin disponible à Sinsheim.
En attendant l’inauguration de la nouvelle enceinte prévue pour 2009, la bande à Rangnick va défendre crânement sa place de leader à l’Allianz-Arena. En préambule à ce premier duel entre le Rekordmeister et le Dorfverein (l'équipe de village) côté terrain, celui des petites phrases assassines côté coulisses a évidemment déjà commencé (merci Hoeness). Du côté de la Silbergasse, on reste cependant serein. Si Hopp a annoncé qu’il verrait bien un score de 2-2, l’heure ne serait pas à la crise en cas de défaite à Munich. Pas sûr qu’on puisse en dire autant côté bavarois.
(1) Le terme Durchmarsch désigne (au moins) deux accessions successives.
(2) En 1996-97, le 1. FC Kaiserslautern entraîné par Rehhagel a terminé champion de 2. Bundesliga ; la saison suivante, il a été couronné Champion d’Allemagne… devant le Bayern.
(3) Ses 17 buts font à ce jour d’Ibisevic le meilleur buteur des cinq "grands championnats", et il pointe à la deuxième place au classement du Soulier d’Or européen avec 34 points, derrière les 43,5 points de l’Autrichien Janko (Red Bull Salzbourg).