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Raspou le 02/10/2012 à 19h12
Le parallèle avec la conscription, il vient du côté "obligatoire" de la "convocation" en équipe de France. C'est à mon sens le seul cas, avec l'armée, où l'on force quelqu'un à pratiquer sa discipline pour son pays sous peine de sanctions le touchant dans sa pratique professionnelle privée (suspension en club en cas de refus de convocation en sélection). Il me semble que la justification de cette bizarrerie se nourrit de l'idée que le sportif "représente son pays".
Tu noteras que ce n'est pas vrai pour toutes les disciplines: aux olympiades d'échecs, Etienne Bacrot peut refuser de jouer pour l'équipe de France parce que les conditions financières ne lui vont pas, sans pour autant être suspendu de compétitions individuelles ou de club.
Cette logique que j'appelle "de conscription", on peut tout à fait la défendre: personnellement, je n'ai pas de problème à ce qu'une nation exige de certains de ses membres éminents dans leur secteur de porter ses couleurs à l'occasion d'événements symboliquement forts pour l'affirmation de son identité collective - c'est une façon comme une autre de "servir son pays", qui n'est pas pour moi un concept ringard. Ca me fait juste un peu rigoler qu'on fasse porter cette responsabilité sur les épaules de sportifs, qui ne semblent pas forcément les mieux indiqués pour incarner la fine fleur d'une nation - mais enfin, cela aussi peut se discuter: les communions collectives se construisent souvent autour d'exaltations viriles, de glorification d'une jeunesse courageuse, dure au mal, capable de dépassement de soi.
Bref, tout ça pour dire que cette logique qui rend obligatoire la représentation de la nation lors d'épreuves sportives, cette logique est nécessairement à l'opposé de la logique entrepreneuriale qui guide un club privé. Un club, comme toute entreprise, voudrait avoir le choix: le choix d'envoyer son salarié à une phase finale s'il pense que c'est pour lui une vitrine valorisante, le choix de lui refuser d'aller jouer un amical en Géorgie si ça perturbe son programme d'entrainement, etc. Pour un club, le joueur est SON salarié: hors périodes de congés, il en fait ce qu'il veut en fonction de ses intérêts.
Dès lors, je ne suis vraiment pas sûr que l'argument des clubs ("c'est nous qui payons les salaires") soit de l'enfumage rhétorique; je pense qu'ils sont vraiment convaincus de leur bon droit et que, faute d'avoir le choix d'envoyer ou retenir leurs joueurs, ils estiment qu'une compensation financière, même assez modeste, est le minimum qu'ils méritent.
A l'arrivée de ce développement tortueux, ma conclusion serait qu'opposer au club des arguments du style "ça ne vous pénalise pas vraiment", "vous n'avez qu'à pas avoir d'internationaux" (que Platini affectionnait fut un temps) ou "ça n'empiète pas sur le calendrier de vos compétitions", ça ne me semble pas très convaincant... dans leur logique, ils verront toujours ça comme une contrainte entravant la libre gestion de leurs salariés.
L'argument le plus convaincant me semble donc être celui changeant complètement de terrain et disant "stop les gars, ici il n'est pas question de business, il n'est pas question de salarié pas salarié, il est question que le sport est une vitrine de notre communauté nationale, et que les sportifs sont tenus de lutter pour leur pays, point final". Que veux-tu qu'ils répondent à ça? Ils se soumettront, c'est tout. La nation contre le capital, un classique.
Sauf qu'ensuite, ton football d'eau fraîche, où les joueurs ne sont pas des héros populaires, où ils ne sont pas censés incarner les valeurs de la France, sur lesquels l'on ne fait pas reposer la fierté nationale, où le sport n'est qu'un jeu, un moment de plaisir pas sérieux, eh beh tu peux repasser... Tu n'es pas prêt de sortir des tambours du triomphe patriotique dans la victoire, ni des vindictes pour haute trahison dans la défaite.
En fin de compte, alors que j'ai passé la moitié de la journée à cogiter là-dessus, je ne sais vraiment pas ce que je préfère, entre le foot business et le foot célébration patriotique.
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José-Mickaël le 03/10/2012 à 01h39
Tonton Danijel
02/10/2012 à 11h01
> tu es dur avec Platini, Josémi. La réforme de la LdC permets de voir quelques clubs comme Nicosie ou Copenhague de faire de bons parcours [...]
En ce moment il y aussi BATE Borisov, étonnant... Effectivement, il y a du positif dans ce que fait Platini, mais on dirait que ce qu'il donne d'un côté, il le reprend de l'autre. Imaginons un ministre du Front Populaire (1936) qui dirait : OK, on établit 2 semaines de congés payés ! Mais on supprime le dimanche chômé.
Je pense qu'il ne peut pas faire tout ce qu'il veut, du coup il ne tient pas ses promesses.
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José-Mickaël le 03/10/2012 à 01h49
Je viens de lire le texte de Raspou.
1) Je ne suis pas sûr qu'il soit interdit de refuser une sélection. Pas mal de joueurs français, par le passé (mais les règles ont peut-être changé ?) l'ont refusée à un certain moment de leur carrière, notamment Chiesa et la moitié de l'équipe de France de 1986.
2) Le métier de footballeur est un métier particulier, un métier où il existe des compétitions internationales - on joue pour son pays. C'est contraignant ? Peut-être, mais les joueurs le savent avant de choisir ce métier. Pour moi, ce qui légitime l'existence des sélections internationales, ce n'est pas le côté patriotique, mais le fait que c'est une compétition encore plus relevée, et qui fait encore plus rêver les footeux.
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Raspou le 03/10/2012 à 10h23
Si si, il est interdit de refuser une sélection (je te mets l'article des règlements généraux de la FFF ci-dessous). Enfin, on ne va pas te mettre en prison, mais le joueur peut être suspendu en club. Ensuite, il y a la règle et la pratique: nombreux sont les joueurs qui "annoncent leur retraite internationale", ce qu'ils n'ont pas le droit de faire (ils peuvent arrêter de jouer au foot, mais pas arrêter de jouer en sélection).
Article - 175 Obligations des joueurs sélectionnés
1. Tout joueur retenu pour un stage, un match de préparation, de sélection ou une rencontre
internationale est à la disposition de la Fédération.
2. Il est tenu de répondre aux convocations adressées par l'intermédiaire de son club et
d'observer les directives qui lui sont données.
a) S'il est malade ou empêché, il doit, dès qu'il est dans l'impossibilité de se rendre à la
convocation qui lui est adressée, avertir personnellement ou par l'intermédiaire de son
club, l'entraîneur national responsable de la sélection concernée.
S'il le juge utile, ce dernier alerte le médecin fédéral national et le charge de s'assurer, par
tous les moyens, de l'état de santé du joueur et de lui en rendre compte.
En l'absence de cette procédure ou en cas de maintien de la convocation, le joueur est
susceptible d’être suspendu pour une ou plusieurs rencontres officielles de son club.
b) Si son absence est consécutive à un autre motif, il est susceptible d’encourir, de la même
manière que précédemment, une suspension lors des matchs officiels disputés par son
club.
[...]
3. Sauf dispositions particulières, le joueur sélectionné ne peut également disputer une
rencontre officielle ou amicale dans les trois jours qui précèdent la date du match pour
lequel il a été sélectionné.
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Raspou le 03/10/2012 à 10h43
Cela étant, en y repensant, on peut argumenter que l'obligation de répondre aux "convocations" en équipe nationale n'est pas liée à la dimension patriotique et n'a pas de rapport avec la "logique de conscription" que j'évoquais hier. On peut se dire que c'est une obligation conçue par les fédérations pour assurer la qualité de leurs produits phares: les équipes nationales et les compétitions qu'elles disputent.
Car, après tout, ce n'est pas l'Etat qui impose à certains citoyens de représenter la nation à la coupe du monde ou à l'euro: c'est la fédération, c'est-à-dire une structure associative rassemblant les clubs pros et amateurs. Du coup le sportif convoqué ne servirait pas son pays, mais les intérêts de sa fédé.
Bon, là où ça devient compliqué, et où je vais m'arrêter, c'est que la fédé a une délégation de l'Etat pour organiser et promouvoir la pratique sportive, cela incluant l'objectif de figurer au mieux dans les compétitions internationales...
Alors? Les équipes nationales, vitrines patriotiques ou produits phares (et lucratifs...) des fédérations? Vous avez quatre heures.
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José-Mickaël le 03/10/2012 à 23h17
Raspou
aujourd'hui à 10h43
> après tout, ce n'est pas l'Etat qui impose à certains citoyens de représenter la nation à la coupe du monde ou à l'euro: c'est la fédération
Bonne remarque ! Pour moi ça balaie définitivement l'hypothèse patriotique.
Sinon, concernant l'obligation de venir en sélection, je n'imaginais pas que c'était si strict. Comme tu le soulignes, ça n'empêche pas que des joueurs ont pu annoncer leur retraite internationale. Peut-être que la règle est stricte pour éviter qu'un club refuse la sélection de son joueur ?