Agent comptant
L'agent de joueur est un spécimen marquant de la faune footballistique. Notre étude confirme formellement qu'il s'agit bien d'un parasite.
Auteur : Matthieu Belbèze
le 7 Août 2006
Le football moderne obéit à un ordre très naturel. Il a ses prédateurs, son environnement et ses chaînes alimentaires. Dans cet écosystème, on trouve même, comble de perfectionnement, des parasites. Pendant plusieurs semaines, nos scientifiques ont traqué un spécimen particulièrement virulent en cette période de l'année: Bruno H., forme singulière d'agentibus riberis. Observons donc l'agent dans son milieu naturel, celui des zones troubles de fond de loges.
Gavage
Les effets de la présence du parasite sur son hôte sont multiples et variés. A un niveau assez simple, le parasite, en "détournant une partie des nutriments" (1), l’amène par exemple à devoir manger beaucoup plus.
Ainsi l’agent de joueur, sorte de ténia du football, crée un gonflement incontrôlé du poste transferts des clubs infectés. Rolland Courbis, accusé dans le procès des comptes de l’OM d’avoir – entre autres – fait grimper le montant du transfert d’Arthur Moses de 3 à 12 millions de francs au bénéfice de commissionnaires divers et variés, en sait quelque chose.
Infection
Mais l’agentibus peut engendrer des préjudices de manière beaucoup plus sournoise. Dommages des tissus, troubles divers, il peut "inhiber le rôle des membres ou des organes touchés".
En menant sa lente entreprise de destruction, le parasite mène ainsi son joueur hôte au doute, à l’interrogation, et entraîne une singulière baisse d’implication et d’efficacité du malheureux. Michael Essien, infecté l’été dernier par un fabinus piveautonus d’une vigueur remarquable, avait plongé dans un délire hallucinatoire l’incitant à refuser de prendre part au Trophée des champions contre Auxerre. Le chirurgien avait alors décidé de mesures drastiques, préconisant l’amputation du joueur malade et sa greffe sur un club londonien.
Empoisonnement
Mieux, le parasite crée aussi des désordres chimiques, en "libérant des toxines qui provoquent des interférences avec le sang". Ces émissions sporadiques de toxines deviennent plus fréquentes à l’approche de la saison des transferts: paroles assassines, présomptions infondées, rumeurs et coups de bluff se succèdent à un rythme effréné.
L’agentibus riberis est particulièrement nocif en ce domaine, multipliant les allégations contradictoires jour après jour. Littéralement empoisonné, le joueur ne sait plus que croire: en témoignent ces paroles dramatiques d’Emmanuel Adebayor, qui traduisent le déboussolement profond du malade: "l'entraîneur des Eperviers est-il entraîneur ou manager? Je m'étais posé la question lorsqu'il m'avait proposé d'être mon manager sous prétexte qu'il connaît plusieurs clubs en Angleterre (…) Je crois qu'il n'est pas bien lorsqu'il fait croire aux gens que j'ai des problèmes de santé et que je ne suis préoccupé en réalité que par mon contrat à Arsenal. Aujourd'hui, à cause de tout ça, je suis incapable de jouer et de donner le meilleur de moi-même parce que je suis moralement éteint" (2).
Autodestruction
Pire, cet empoisonnement physique et mental amène parfois le joueur à des comportements suicidaires. Un exemple connu de manipulation est celui de la petite douve du foie, Dicrocelium dendriticum, qui oblige les fourmis (hôte intermédiaire) à grimper au sommet des brins d'herbes jusqu'à ce qu'un mouton (son hôte final) les ingère en broutant (3).
Ainsi, un parasite rusé amènera son joueur à multiplier les clubs hôtes intermédiaires jusqu’à ce qu’il se fasse recruter par un club hôte final au portefeuille bien garni, cible ultime de tout parasite qui se respecte. Cette stratégie souvent payante se fait malheureusement souvent aux dépens de l’intérêt sportif du joueur, qui peut ainsi se retrouver absorbé sans crier gare par un prédateur de la féroce famille du G14, ou, pire, aller finir sa vie dans le silence et l'anonymat des déserts qataris.
Pour reprendre les paroles de Me Paul Lombard, avocat des parties civiles dans le procès des comptes de l’OM, dans un « marécage où le fric est roi », il n’est pourtant pas étonnant de croiser des parasites parmi les plus sournois de la planète foot. Curieusement ignorés par les laboratoires de médecine de la FIFA, l’espèce a aujourd'hui de beaux jours devant elle.
(1) Lire ici.
(2) RFI : lire ici.
(3) Là aussi.