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Après la crise, la désintégration du football?

Le football de l'immédiat post-Covid, avec ses tribunes vides et ses matches joués coûte que coûte, annonce-t-il le football que Jorge Luis Borges, Enki Bilal et Umberto Eco avaient prédit? 

Auteur : Jacques Blociszewski le 13 Juin 2020

 

 

Le football survivra-t-il au Covid-19? Sous sa forme actuelle – jusqu’à mars dernier – sûrement pas. Mais alors laquelle? Avec la pandémie, ce qui semblait relever de la pure science-fiction est tombé sur le plus grand sport du monde comme un aigle sur sa proie.

 

Les scénarios de ce type ne sont pas nouveaux, au moins dans l’imaginaire de certains auteurs. Quatre génies avaient, entre les années 60 et 90, prévu la fin du football avec spectateurs.

 

 


Hors jeu, de Enki Bilal et Patrick Cauvin.

 


Sport de studio

En 1967, ce sont Jorge Luis Borges et Adolfo Bioy Casares qui émettent l’hypothèse d’un football entièrement mis en scène par les médias: "Aujourd’hui tout se passe dans les studios de radio et de télévision (…) Le football est devenu un genre dramatique, sous la responsabilité d’un homme, seul dans un studio, ou d’acteurs en maillots devant un cameraman" [1].

 

Pourquoi en effet se fatiguer à organiser des événements énormes si la seule chose qui compte est que le public y croie et vibre?

 

En 1987, Patrick Cauvin et Enki Bilal publient la bande dessinée Hors jeu, une fresque somptueuse et sinistre sur la mort du football, écrasé par la violence, les manipulations, les expériences médicales pour un rendement sportif optimum au mépris de la santé des joueurs.

 

Là encore, les tribunes des stades de béton – colossaux – sont vides, car la folie destructrice y a fait des milliers de morts. Toutefois, même alors, les fans du foot ont continué à le suivre. D’abord parce qu’on ne se défait pas aussi vite d’une passion dévorante, ensuite en raison du lien établi entre la possession d’un téléviseur et l’obligation de parier en direct (système PCP, "Pari en cours de partie").

 

En 2015, un attentat manqué, au Stade de France, aurait pu faire des dizaines de morts dans les travées. Aujourd’hui les paris sportifs imprègnent le football, et voilà qu’un virus suffit à cloîtrer chez elle la quasi-totalité de l’humanité… Les prévisions de Bilal et Cauvin étaient donc loin d’être absurdes.

 


Public de synthèse

En juin 2020, dans les championnats qui ont "rouvert" ou vont le faire, l’heure est aux matches à huis clos. Le silence qui s’est installé dans les immenses enceintes et la vue de gradins déserts placent les télévisions face à un rude défi.

 

Dans ce vide vient alors s’engouffrer le "faux" façon Umberto Eco [3]. La télé tente de (faire) bricoler des ersatz de public-foules et de chants. En Allemagne, des effigies de supporters en carton sont placées dans les gradins et des simulations d'ambiance "meublent" tant bien que mal l’espace sonore. En Espagne, la Liga a recours à des images de synthèse pour peupler les tribunes.

 

La télévision du sport aspire à montrer les stades non pas tels qu'ils sont, mais tels qu'ils devraient être : toujours pleins! Mais ces matchs sans public sont-ils encore des matches?

 

Il est à craindre que nous entrions dans une période de pandémies à répétition. Faudra-t-il à l’avenir ouvrir les championnats, les fermer, les rouvrir, confiner-déconfiner sans cesse, alterner les huis clos et les "vrais" matches au gré des virus? Injouable.

 

Le Covid-19 vient juste – mais avec une si terrible efficacité – consacrer un constat: avant lui, le football professionnel était déjà en voie de désintégration.

 

Rôle exorbitant de l’argent et des agents de joueurs, corruption à la FIFA, pouvoir écrasant de la télévision et écrans géants dans les stades, individualisation croissante des réalisations télévisuelles, gouffre entre le football professionnel et le si important foot amateur, nocivité de l’arbitrage vidéo…

 


Éloignement du réel

À ce football à cinq, six, dix vitesses, le virus impose, lui, de façon dramatique, son universalité! Restent alors "seulement" les disparités existant d’un pays à l’autre en fonction de la circulation du virus sur leurs territoires.

 

L’avenir appartient-il donc à ces chocs à huis clos, à la télévision comme seule voie d’accès aux exploits des actuels et futurs Rapinoe, Neymar et Mbappé?

 

Et si non, quelle alternative? Des fanzones et des pubs conviviaux mais suragencés et aseptisés, des réunions entre supporters à domicile, autour des ordinateurs et réseaux sociaux, les jeux vidéo de foot successeurs de l’événement brut? Tout cela est possible.

 

La "post-vérité" triomphant un peu partout, ce ne serait là au fond qu’une expression de plus de notre éloignement du réel et de la dissolution du sport dans le télévisuel et le virtuel. La pratique du football amateur et du football féminin, moins soumis aux foules géantes – sauf lors de très grandes compétitions – pourrait, elle, bénéficier de cet éclatement. Ils le mériteraient.

 

Le foot pro va rester un produit télévisuel, et sans doute pour longtemps. Mais alors, financièrement, à combien l’évaluer dorénavant? Le poste "billetterie" ne représentant qu’une part minoritaire de ses recettes, le public des stades est devenu davantage une gêne qu’un atout. Les dirigeants du foot n’hésiteront pas à le sacrifier sur l’autel du profit. À moins que…

 

Combien vaudra en effet ce spectacle sans public en chair et en os? Quelle valeur ajoutée ce dernier représente-t-il par rapport aux seules images et aux spectateurs en carton-pâte? L’avenir le dira.

 

Dans Hors jeu, Cauvin et Bilal font dire au narrateur : "Je crois encore que l’absence de public est l’une des raisons qui a fait disparaître ce sport (…) Rien n’a remplacé pour moi la voix vibrante de la foule, sa chaleur et sa folie".

 

Les prochaines négociations des droits télévisés s’annoncent en tout cas aussi étranges que passionnantes.

 


Jacques Blociszewski est l'auteur de : Le match de football télévisé (éd. Apogée, 2007, épuisé) et Arbitrage vidéo: Comment la FIFA tue le foot (éd. de L’ARA, 2019).


[1] "Esse est percipi" (exister c’est être perçu), court texte des Chroniques de Bustos Domecq, éd. Denoël, 1970.
[2] Hors jeu, de Patrick Cauvin et Enki Bilal, éd. Autrement, 1987.
[3] La Guerre du faux, d'Umberto Eco, éd. Grasset, 1985.

 

 

 

Réactions

  • Sens de la dérision le 16/06/2020 à 08h47
    Le foot à huis clos, c'est le seul et vrai football.

  • et alors le 16/06/2020 à 09h15
    Eh oui, s'il s'agit de se rapprocher du foot amateur : qu'est-ce que les amateurs en ont à faire de jouer devant du public?

  • La parole à la défense le 16/06/2020 à 14h55
    Merci pour l'article qui m'a permis de repenser à l'excellent « Hors jeu » de Bilal (et Cauvin donc, dans ma tête je n'avais vu que Bilal) ! Cela pointe effectivement de façon très juste la désintégration déjà amorcée du football professionnel.

    Il faudrait s'intéresser à la distinction entre le foot qu'on va regarder, soutenir et le foot auquel on va jouer. Si le 1er, devenu professionnel depuis longtemps maintenant, peut se désintégrer : crise sanitaire ou super-championnat européen aidant, le 2ème me paraît presque éternel tant le foot est un sport naturel et simple (2 personnes, un objet vaguement rond et on peut faire un foot, n'importe où, n'importe quand). Mais peut-être que je me leurre.

    Pour chipoter, si je me souviens bien, dans la BD les matchs se font dans des stades vides suite à des morts dans les tribunes à cause d'affrontements entre supporters. Ce n'est pas la même chose pour les attentats de 2015 où le stade était visé en tant que point de rassemblement d'un grand nombre de personnes. En 2015 ce n'était pas un constat du foot en train de se désintégrer, mais une attaque contre un pays, une société, via le foot. La BD, écrite en 1987, devait beaucoup plus penser aux évènements du Heysel survenus peu de temps avant et où là, c'était bien le foot, et la passion qu'il génère, qui s'auto-détruisait.

  • Hydresec le 18/06/2020 à 11h27
    Bilal et Cauvin avaient pratiquement tout prédit - avec des nuances quant à l'application de leur scénario, bien sûr. Ne manquent plus dans le vrai monde que les manipulations génétiques pour améliorer les performances. Encore un peu de patience.

  • Jankulovic Hasek le 20/06/2020 à 08h05
    La parole à la défense
    16/06/2020 à 14h55

    Il faudrait s'intéresser à la distinction entre le foot qu'on va regarder, soutenir et le foot auquel on va jouer. Si le 1er, devenu professionnel depuis longtemps maintenant, peut se désintégrer : crise sanitaire ou super-championnat européen aidant, le 2ème me paraît presque éternel tant le foot est un sport naturel et simple (2 personnes, un objet vaguement rond et on peut faire un foot, n'importe où, n'importe quand). Mais peut-être que je me leurre.

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    Le premier est un sport (professionnel), le second, tel que tu le décrit, est un jeu

La revue des Cahiers du football