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Aulas descendu de son Olympique

Écarté du club qu'il a si intimement incarné et auquel il a donné ses plus belles réussites avant leur déclin commun, Jean-Michel Aulas le laisse à un avenir incertain. 

Auteur : Jérôme Latta le 9 Mai 2023

 

On s'est souvent dit, en aparté, que les années Cahiers du football avaient intimement correspondu aux années Aulas. Bien sûr, les 36 ans de son mandat excèdent largement notre quart de siècle, mais à notre naissance, fin 1997, son OL est la puissance montante du football français, qui a fini à la deuxième place du championnat en 1995 et ne cache pas ses ambitions.

Il ne manque alors que quelques saisons pour que plusieurs accessions au podium aboutissent à un premier titre, même s'il faut attendre le troisième d'une série de sept pour que nous saluions cette réussite comme il se doit, c'est-à-dire comme l'aboutissement logique d'une politique sportive dont l'intelligence contrastait avec les gabegies parisienne et marseillaise.

 

 

La suprématie lyonnaise des années 2000 a certes profité des forfaits du PSG et de l'OM, mais elle doit avant tout être portée au crédit d'un président qui menait tout bien - formation, recrutement, développement - et avait compris que l'industrie du football était entrée dans une nouvelle ère entrepreneuriale, en rupture avec celle des Roger Rocher, Claude Bez et Bernard Tapie, même si ce dernier l'avait adoubé.

Le pouvoir sans partage

La contrepartie durable de cette ascension aura été l'identification sans équivalent contemporain d'un club à son omniprésent président, dont la parole se caractérisait par la désignation d'adversaires ligués contre l'OL. En particulier, ses campagnes constantes contre les arbitres eurent une influence décisive sur la détestation pathologique de ceux-ci dans ce pays (lire ceci et cela, par exemple).

 

 

La liste de ses cibles évolua selon les circonstances : ministres des Sports bolcheviques, Monégasques défiscalisés, Munichois dopés, journalistes malveillants, jardiniers médiocres, etc. À présenter constamment son club comme la victime de jalousies voire de complots, il a tendu à l'enfermer dans un victimisme, une "culture de l'excuse" qui ont peut-être nui à la réalisation de ses ambitions sportives.

Il a surtout suscité, hors les murs de Lyon, une large antipathie à laquelle l'OL a été inévitablement associé, trouvant tout de même le moyen de s'étonner qu'il ne suscite pas le même engouement qu'auparavant les Stéphanois, les Girondins et les Marseillais. Ce qui aura d'abord manqué, au-delà d'une incarnation plus digne, c'est une véritable épopée européenne.

 

16 septembre 2002.
16 septembre 2002.

 

Longtemps, bien des supporters lyonnais, formés à cette école qui a fait d'eux les relais très corporate de "l'institution OL", ont soutenu que le patron maîtrisait parfaitement sa communication, servant de pare-feu pour protéger les joueurs. On comprit tardivement, avec l'avènement des réseaux sociaux, qu'il s'agissait moins d'une stratégie raisonnée que d'une compulsion plutôt néfaste (quoique d'une irrésistible veine comique avec les légendaires COOL).

Jean-Michel Aulas n'a partagé son pouvoir qu'avec des conseillers intimes - Bernard Lacombe ou Gérard Houllier - et a poussé sa phobie de l'ombre jusqu'à ne jamais introniser un entraîneur à moitié aussi star que lui. Lorsqu'il dérogea à cette ligne de conduite, en confiant des pouvoirs étendus à Claude Puel ou en nommant Juninho directeur sportif, l'échec (ou le torpillage) fut flagrant. À force d'être le seul à avoir raison, il a fini par avoir tort tout seul.

Militant de la révolution libérale

Avant cela, l'omniprésident a aussi incarné la révolution libérale du football, menant des combats sur tous les fronts. Contre la Ligue alors dirigée par Noël Le Graët qui refusait une répartition plus inégalitaire des droits de diffusion. Contre Marie-George Buffet et sa taxe sur ces droits au profit du football amateur. Contre l'UEFA et la FIFA qui renâclaient à "indemniser" la convocation des internationaux dans leurs sélections. Contre celles-ci qui fatiguaient ou blessaient les joueurs.

Contre les gouvernements qui refusaient ou supprimaient les dispositifs d'exonération fiscale, qui retardaient le droit pour les clubs d'entrer en bourse ou de contracter avec des opérateurs de paris sportifs. Contre les lois et les collectivités qui imposaient trop de contraintes à la construction d'un stade. Contre la Fédération qui édictait des normes exigeantes pour les centres de formation.

Jean-Michel Aulas a remporté beaucoup de ces combats, certes pas seul. Il a porté les mantras du football dérégulé, comme celui des "clubs entreprises comme les autres", ou de "l'élitisme qui profite à tout le monde". Nous prétendrons, devant les futurs chercheurs, que notre recueil de ses aphorismes constitue une contribution majeure à l'historiographie de cette période.

 

 

Il prit même la présidence du G-14, lobby des clubs riches qui poussait au creusement des inégalités économiques et sportives, et préparait déjà l'instauration d'une ligue fermée. Or son erreur la plus capitale fut précisément de ne pas voir venir l'inévitable conséquence de l'idéologie qu'il prônait : la relégation dans une deuxième division européenne, hors de l'hyper-élite à laquelle il aspirait.

Ceci moins parce que le club n'a pas réussi à poursuivre sa progression qu'en raison de la fuite en avant du football-business : Aulas a été dépassé par l'évolution pour laquelle il avait milité. Cette défaite devint évidente avec l'avènement des " clubs-États " comme le PSG qatari, auquel il ne sembla s'opposer que pour le principe. 

Une entreprise solide, un club déclassé

De toute façon, le modèle aulassien était déjà parvenu à ses limites, l'autre erreur du dirigeant ayant été de croire en son infaillibilité, ou de n'avoir pas pris la mesure des changements. Le tournant, pressenti dès 2009, se situe sans doute au moment où, contraint par sa position nationale moins hégémonique et par la course générale aux armements, l'OL s'engagea dans des mercatos aussi dispendieux que peu efficaces.

Dès lors, la martingale s'enraya. Le club resta régulier, mais s'inscrivit dans une tendance régressive, ne remportant plus aucun titre depuis la Coupe de France 2012, ne parvenant pas à challenger le PSG comme Montpellier, Monaco ou Lille, ni même à disputer une finale de coupe. Même l'harmonie avec les supporters fut rompue, Aulas entrant en conflit ouvert avec leur frange la plus critique (frange en cours d'élargissement) et suscitant une incompréhension croissante.

 

 

Le discours présidentiel, notamment lors de la crise du covid, était devenu inaudible, y compris par ses ouailles aux prises avec un sentiment de déclassement. Dans une interview peu glorieuse accordée au Monde, en janvier, JMA fit de nouveau porter la responsabilité du marasme sportif à Juninho. Il formula surtout un constat aussi juste que significatif : "Le modèle de l'Olympique lyonnais est fait pour résister aux aléas sportifs."

Car cette immunité à la catastrophe économique qui menace bien des clubs, si elle doit être saluée comme un accomplissement, est aussi le signe d'une politique qui associe la solidité financière à un abandon des ambitions sportives, aussi bien sur le plan du spectacle que sur celui des résultats. Un club de football n'a jamais été "une entreprise comme les autres", et il peut encore moins se contenter d'être seulement une entreprise. 

Paradoxalement, c'est avec son équipe féminine que le club sera parvenu aux accomplissements qu'il rêvait pour son équipe masculine : un projet lui aussi pionnier et exemplaire, mais couronné par 15 titres nationaux, 9 Coupes de France et 8 Ligue des champions. Encore cet accomplissement est-il aujourd'hui menacé, lui aussi, par les investissements désormais consentis par les grands clubs européens. 

L'épuisement d'une doctrine

Adossé à des infrastructures solides, propriétaire de son stade, le club ne sembla plus se satisfaire que de son fameux Ebitda, conduisant son président à pousser jusqu'à l'absurde sa vieille manière de tordre les chiffres pour leur donner un air flatteur. 

On évitera de spéculer sur les motivations d'un homme arrivé au terme d'un remarquable parcours, ou du moins d'arbitrer entre son souhait de réaliser une belle opération financière et celui de rester malgré tout maître à bord. L'OL était à vendre. Il a été très bien vendu, mais il devait être réinventé. 

La décision du nouveau propriétaire et désormais nouveau président John Textor de reléguer son prédécesseur à une position honorifique survient plus tôt que prévu, mais elle était inéluctable face au constat de l'épuisement de la doctrine aulassienne, devenue aussi anachronique que son auteur. 

On éprouve quelque vertige à la lecture du communiqué par lequel "OL Groupe remercie très sincèrement Monsieur Jean-Michel Aulas", tant cette phrase cruellement prosaïque exprime une séparation entre deux parties que l'on a si longtemps vues comme indissociables, et sonne comme un désaveu assorti d'un solde de tout compte à 10 millions d'euros.

Ce vertige sera aussi éprouvé par les supporters de ce club si singulier d'avoir été si singulièrement identifié à son homme fort, pour le meilleur et pour le pire. Ce sera moins un saut dans l'inconnu qu'un passage définitif dans l'ordre du football financiarisé qui livre les clubs à des grandes fortunes et des fonds privés ou souverains.

Il leur faut espérer que le meilleur de l'héritage de Jean-Michel Aulas ne sera pas dilapidé. Ce dernier, le ton quelque peu funèbre des hommages actuels en témoigne, peut sereinement entrer dans les eaux plus consensuelles de la postérité - du moins s'il ne lui prend pas l'envie de diriger la FFF. Souhaitons qu'à Décines, sa grande œuvre prenne un jour son nom plutôt que celui d'une compagnie d'assurances.

Réactions

  • Portnaouac le 09/05/2023 à 11h37
    Preum's
    (bah quoi, on n'a plus le droit ?)
    Très bel article et une jolie synthèse pour saluer la retraite de celui qu'on aimait détester, et dont les (nombreuses) sorties insupportables ne pouvaient pas non plus effacer, chez l'amateur de foot, la conviction que c'est à lui que l'OL -cet obscur club que les collectionneurs de vignettes PANINI étaient habitués à voir évoluer en L1,5- devait son changement de statut.
    Et joli clin d'oeil "old school" final, avec la proposition de donner un jour son nom au stade, l'hommage (parfaitement mérité) traditionnel aux grandes figures et en même temps totalement à l'opposé du "naming" consubstantiel à sa vision économique.

  • Sens de la dérision le 09/05/2023 à 12h48
    Quoi de mieux qu'associer le nom de JMA à un vrai naming symbolisant tout ce qu'a été l'OL d'Aulas ? Le Groupajma Stadium, l'Aullianz Stadium et tout le monde serait content !

    Mais oui c'est un bel article de fin reprenant tout ce qui a fait l'OL d'Aulas, en bien ou en mal.

  • AKK, rends tes sets le 09/05/2023 à 17h05
    Il a surtout suscité, hors les murs de Lyon, une large antipathie à laquelle l'OL a été inévitablement associé, trouvant tout de même le moyen de s'étonner qu'il ne suscite pas le même engouement qu'auparavant les Stéphanois, les Girondins et les Marseillais.
    ——
    Tandis que Tapie, parmi d’autres, est un bien chouette personnage favorisant l’attachement à l’OM !

    Très bon article cela dit. Vous aviez de la matière dans les archives, aussi !

  • Espinas le 09/05/2023 à 17h47
    Beau récapitulatif avec en toile de fond la victoire de la libéralisation du foot et les cahiers (avec le magazine papier en période de montée en puissance puis domination lyonnaise) qui la prédisaient et la craignaient.

    On dirait une fable vu comme ça finit pour JMA.

  • Mik Mortsllak le 09/05/2023 à 21h29
    Après tout ce qu'il a construit, c'est dommage de partir sur 4000 jours sans trophée et à peu près autant d'excuses pas forcément valables.
    Pour relier son côté désormais obsolète au terrain, le grand absent de l'ère JMA de ce côté-là c'est le pressing, une arme quasiment jamais utilisée à de rares exceptions près et jamais sur une saison entière (pas vu la belle saison avec Tigana, et je suppose qu'il n'y avait pas beaucoup de gegenpressing avec Domenech).
    Dans les années 90 ou 2000 ce n'était pas très répandu voire inexistant donc ce n'était pas grave, mais continuer d'être aussi mous sans le ballon dans les années 2010 (et encore dimanche, ce début de match...) en visant pourtant les premières places, c'est un peu nager à contre-courant.
    Bosz était censé nous aider de côté-là, mais la greffe n'ayant pas pris, en fait pas du tout.

    Avec des coachs (et staffs) choisis différemment, ça devrait finir par évoluer.

La revue des Cahiers du football