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Boycott : lendemain de défaite

Abstentionniste jusqu'au bout, François Thomazeau constate l'échec des mobilisations contre une Coupe du monde qui a couronné les dérives dénoncées.

Auteur : François Thomazeau le 19 Dec 2022

 

Il y a quelques semaines, j'avais expliqué pourquoi cette Coupe du monde, pour moi, n'aurait pas lieu.

J'y disais ce que beaucoup ressentaient avant que la compétition installe son actualité festive : dans un monde du sport de haut niveau pourri par la tête et qui, depuis de longues années, sert de caution politique et morale aux régimes les plus autocratiques et corrompus, cette édition était pour moi celle de trop.

Non que le Qatar soit pire que l'Argentine de Videla ou la Russie de Poutine. Non que le gigantisme des stades qatari soit tellement plus absurde que celui des précédentes éditions, ou que les JO d'hiver sans neige de Pékin. Non que ce soit la première fois que le football s'accommode d'un piétinement systématique du droit du travail, de celui des minorités sexuelles ou de la condition de la femme.

Mais le fait que tout ceci se concentre dans un pays sans public et sans passion, en pleine période d'accélération des manifestations du réchauffement climatique, ravalant le football à sa dimension purement lucrative et télévisuelle, mettait à nu comme jamais tout ce qui précède, jusqu'à l'écœurement.

 

 

Héroïsme en charentaises

Cet article avait suscité nombre de commentaires venus d'horizons plus ou moins proches des Cahiers du football, allant jusqu'à une invitation sur un plateau TV que je n'ai pu honorer faute d'être parisien.

À l'époque, le contexte semblait être celui d'une prise de conscience : le 18 novembre, un sondage commandité par L'Équipe indiquait que 23 % des Français fans de foot allaient boycotter la compétition. Qui s'en souvient ?

Le bilan à chaud de cette expérience de boycott est évidemment marqué par un sentiment d'échec total.

Il y aurait eu mille façons de rater ce boycott. J'ai finalement tenu jusqu'au bout, y compris en ce dimanche après-midi de finale au scénario exceptionnel, même si je n'ai pas pu m'empêcher de surveiller l'évolution du score, captif de l'ivresse collective.

Rater tout cela, je ne vais pas le cacher, m'a rendu un peu triste. J'ai ressenti tout au long de la compétition, et surtout vers la fin, à quel point cette passion pour le football qui me dévore depuis l'enfance était une passion joyeuse, dont il est coûteux de se défaire.

Ce sport est extraordinaire, entre talents individuels et capacités collectives. Rien n'y est jamais acquis, et les coups du sort y prennent une place prépondérante. La passion qu'il suscite dépasse toutes les catégories, les nationalités, les groupes sociaux, toute notion de classe ou de genre. De ce que j'ai pu lire, il y a eu tout ceci, en France et ailleurs, au cours de ce Mondial.

Quelle est la valeur de cet héroïsme en charentaises qui consiste à laisser la télé éteinte quand tes amis, tes coéquipiers et toute la société hurlent au plaisir de l'allumer ? Faible et vaine. Un tel acte si ridiculement dérisoire ne vaut que dans l'action collective, et si les questions qui fâchent ont été soulevées par quelques-uns, force est de constater qu'elles ont aussi été vite évacuées.

Si le Qatar et la FIFA ont, semble-t-il, été chagrinés par les polémiques - sinon comment expliquer l'invraisemblable entreprise d'autojustification de Gianni Infantino - leur entreprise fut un succès, et il y a peu de chance qu'aucune leçon soit tirée de l'exercice.

Concours de veulerie

Car au-delà de la tristesse d'avoir raté, même pour de bonnes raisons, la plus belle des compétitions sportives, là est le plus démoralisant :

- alors que les enquêtes multiples et fouillées montraient point par point combien les infrastructures de cet évènement reposaient sur de nouvelles formes d'exploitation de l'homme par l'homme, confinant à l'esclavage ;

- alors qu'en pleine COP 27 une telle entreprise basée sur la construction gigantesque d'infrastructures à usage unique, les déplacements de masse et la surconsommation, reposait in fine sur la consommation délirante des énergies fossiles qui nous consument ;

- alors que les preuves sont là, sous nos yeux, de l'achat massif et en cash de nos représentants pour défendre la réputation du Qatar et amoindrir des condamnations purement morales et pourtant bien timides...

... c'est bien l'esprit de fête qui a dominé très largement dans le monde et en France.

Plus gênant encore : s'il était très vite écrit que le boycott n'était pas la réponse appropriée - même les ONG les plus engagées ne le réclamaient pas -, il y avait mille façons de faire vivre chez tous les amateurs de football la pointe d'embarras que doit nécessairement nous inspirer un évènement de ce type.

Las... non seulement la dénonciation n'est pas venue, mais il a même fallu endurer l'invraisemblable concours de veulerie entre autorités politiques en pleine opération de récupération - pour celles qui n'avaient pas été directement achetées - et un mode du football corrompu jusqu'à l'os.

Au-delà des indignations contagieuses des réseaux sociaux, et d'une poignée d'acteurs engagés, il faut se rendre à l'évidence : ce Mondial n'a été l'opportunité d'aucune remise en cause, sur aucun plan, et il est désormais acquis que les tendances constatées se poursuivront dans les années à venir.

Il y a des défaites étriquées, prometteuses, annonciatrices de lendemains qui chantent. Et d'autres sans prolongation ni tirs au but, claires et nettes, qui donnent juste envie de se rasseoir dans le canapé que l'on n'aurait sans doute jamais dû quitter et de rallumer la TV pour regarder le monde tel qu'il va. C'est incontestablement plus joyeux.

Réactions

  • gurney le 20/12/2022 à 11h07
    D'un point de vue storytelling, belle coupe du monde oui. Entre la finale, le parcours du Maroc, les surprises en poule, y a eu un mix de bons ingrédients.
    Imaginez ça dans un pays de foot ! Ca aurait été magique.
    Après est-ce que c'était exceptionnel dans le niveau de jeu pour autant ? Y a eu son lot de 0-0.
    Est-ce que les autres coupes du monde n'ont pas offert elles aussi des moments de grâce ?
    Je pense notamment à Brésil/Allemagne 2014 qui me saute aux yeux direct (la dinguerie quand même ce Brésil qui prend l'eau en 20minutes) quand je réfléchis à ce qui m'a durablement marqué en dehors de ma première coupe du monde d'enfant en 94, ou au parcours dingue de la Corée du Sud et de sa potion magique en 2002.

  • blafafoire le 20/12/2022 à 11h32
    Merci pour le retour sur ton expérience personnelle du boycott. Mon expérience est un peu similaire à la tienne, me demandant à mi-parcours, alors qu'il était évident qu'en France au moins il n'y avait pas de réel boycott, à quoi tout cela pouvait bien rimer.

    J'en tire plusieurs réflexions :
    - qu'une action collective sans collectif n'existe pas. L'addition des bonnes volontés individuelles isolées les unes des autres est une escroquerie sondagière. De même que l'on n'inversera pas la courbe du CO2 par des "petits gestes individuels", de même on ne combattra pas une entreprise de corruption aussi puissante et structurée que celle du Qatar par des initiatives aussi fragmentées.
    - l'impuissance du spectateur occidental, frustré par le double standard de ses représentants politiques et des acteurs économiques qui constate l'immoralité du monde par le biais de médias complaisants. À Lille, j'ai vu toute parole critique sur le rachat par Lopez se faire museler par des supporters ayant les mêmes arguments que les anti-boycotts d'aujourd'hui. Le LOSC appartient désormais à un fonds vautour, mais tout va bien, tant que ça tape dans le ballon et que la collectivité paie pour le stade.
    - la question du plaisir et le storytelling sur les "moralisateurs-qui-veulent-nous-empêcher-d'être-heureux" est passionnante (et rappelle beaucoup, là aussi, le négationnisme sur l'écologie). Nombreux, notamment sur ce site, appellent "amour du foot" un sentiment qu'ils décrivent librement comme une addiction, devant laquelle tout principe moral finit par céder et qu'il serait même absurde de contredire. C'est très intéressant de lire que "cette coupe du monde est celle qui m'a le plus procuré d'émotions". On est presque sur une forme de palmarès de la rentabilité émotionnelle. L'"amoureux du foot", le romantique, abandonne son sens moral et se métamorphose en un partouzeur des émotions un peu sinistre. Je me demande au fond jusqu'où il est possible d'aller avec ce public et sans doute que ceux qui voient dans ce "sport" une voie d'enrichissement se le demandent aussi à chaque heure.
    - il ne faut pas négliger l'importance l'implantation du Qatar en France via le PSG. C'est d'ailleurs, rétrospectivement un coup assez fin : acheter du fan par tombereau dans le club chouchou des médias, c'est améliorer son immunité à la critique. J'aurais bien aimé voir la réaction de Mbappé et des réseaux sociaux si c'était Nasser qui était venu lui faire des câlins au lieu de Macron.

    En tout cas merci d'avoir partagé ton ressenti et je pense, de mon côté, que tout cela laissera des traces dans les consciences, traces qui auront un jour ou l'autre leur conséquences concrètes.

  • gurney le 20/12/2022 à 11h44
    "c'est très intéressant de lire que "cette coupe du monde est celle qui m'a le plus procuré d'émotions". On est presque sur une forme de palmarès de la rentabilité émotionnelle".

    C'est tellement ça !
    Moi je vais aller plus loin, je pense que le kif de certains supporters a été démultiplié par le petit côté "interdit moral" que constituait cette coupe du monde.
    Et je suis convaincu que la prochaine coupe du monde sera un peu plus fade pour eux.

  • El Mata Mord le 20/12/2022 à 12h15
    À Lille, j'ai vu toute parole critique sur le rachat par Lopez se faire museler par des supporters ayant les mêmes arguments que les anti-boycotts d'aujourd'hui. Le LOSC appartient désormais à un fonds vautour, mais tout va bien, tant que ça tape dans le ballon et que la collectivité paie pour le stade.
    ---
    Vrai dans l'absolu. Mais à nuancer quand l'alternative est un non-choix et qu'à la fin ton club finit comme le FC Tours.
    Tant que quelqu'un paye, le supporter est content comme tu le dis. Et le jour où personne ne veut payer, que se passe-t-il ?
    Regarde ce qu'il se passe à Saint Etienne ou Bordeaux : si les projets alternatifs sont portés par Kiki le Forezien et Florian d'Arcachon, je ne suis pas convaincu que le supporter (et le club) gagne véritablement au change.

    En revanche, côté écologie, je plussune sur le côté collectif des actions : 1 gus dans sa cambrousse qui décide de ne plus prendre de bain pour se laver, c'est bien pour son ego mais sans impact réel sur la consommation d'eau. Si tout un pays le fait (disons 80% pour faire un pareto), là l'impact est réel et significatif.

    Côté Qatar et FIFA, cela passe forcément par ne pas être dépendant du premier (compliqué en France sur le gaz avant 2040 compte tenu des besoins actuels) et contre pouvoir sur le choix des pays organisateurs (opposition avant les attributions) et des sponsors.

  • gurney le 20/12/2022 à 12h20
    Mais pourquoi pour le mec dans sa cambrousse on parle d'égo ?
    Tu as peut être juste envie de te dire que tu n'as pas le droit de t'en battre les couilles du réchauffement climatique ?
    Et faire des changements sur tes modes de vie en conscience.
    Je comprends pas cet argument.
    Ca va être ça le délire sur les 10 prochaines années ? Trasher ceux qui se mettent en conformité avec la règle des 2TO par habitant ?
    Plutôt que de leur demander des conseils pour faire mieux ?

  • El Mata Mord le 20/12/2022 à 13h26
    Personne ne parle de "trasher". Je dis juste que celui qui décide d'adopter tel ou tel comportement pour être en cohérence avec ses convictions / croyances / combats, en a parfaitement le droit, mais ne peut pas prétendre à autre chose dans l'instant que satisfaire ses besoins / envies, et en aucun cas forcer les autres à penser comme lui.
    Et s'il le fait seul dans son coin, peu importe ses motivations, cela n'a aucun impact.
    Si ce sont plusieurs millions (voir milliards à l'échelle de la planète) qui ont été convaincus, alors les conséquences sont totalement différentes.

    Le maitre mot, c'est convaincre. Et nous savons que cet objectif ne sera jamais atteint en piratant, cassant des biens matériels, insultant d'autres individus similaires ou dégradant des œuvres d'art.

  • gurney le 20/12/2022 à 13h39
    Ok pour la précision, c'était pas clair car tu parlais d'égo, ça peut donner l'idée d'une bonne conscience. Un mec peut aussi se dire "je peux bouger à mon échelle, pas plus à l'échelle du monde". Si de plus en plus de gens pensent comme ça, ça marchera peut etre ?
    Je sais pas vraiment si les gens peuvent être convaincus autrement que par la force de la réalité pure.
    Ca fait 40 ans qu'on parle d'écologie de plein de manières possibles, y compris des méthodes douces, d'inclusion, d'explication, mais t'as l'impression que les gens réagiront vraiment quand ils seront concrètement impactés.

    Sans doute que plus de gens auraient boycotté si ça avait été leur frère ou leur oncle qui était mort sur un chantier.

  • blafafoire le 20/12/2022 à 13h54
    2 choses :
    - Pour ce qui est du repreneur fortuné mais totalement non éthique, c'est ça ou la mort certes, mais dans le cadre d'un système spéculatif non régulé. Le fait qu'un contrat de joueur soit devenu un asset financier n'est pas exactement une fatalité du sport professionnel, tout de même.
    - Ce n'est pas parce qu'une initiative individuelle de boycott est inefficiente qu'elle doit forcément être avortée. Agir selon sa conscience, ce n'est pas forcément peser sur le monde, c'est aussi agir sur soi. Ma spinoziste de femme dirait même que ça augmente la puissance d'agir.

  • Özil paradisiaque le 20/12/2022 à 15h16
    Il me semblait que "l'afflux" de spectateurs/touristes a été moins important qu'attendu avec des stades pas forcément remplis pendant une bonne partie de la compétition.
    Sur le plan écologique, il y a donc un vrai effet puisque ce qui pollue le plus dans un évènement spectacle/sport c'est le déplacement des spectateurs.

    Concernant le boycott, il faut déjà se rendre compte que c'est quelque chose qui très "occidental" et qu'une grande partie du monde n'a pas partagé.
    Il faut se rendre compte que sur une partie des questions mises en avant comme par exemple le soutien aux homosexuels : une partie du monde est loin de ces questions voir sur des positions opposées à celles qui nous semblent juste.

    Ce n'est pas facile de se découvrir en minorité sur des sujets où l'on pense avoir raison.
    La vérité c'est que le boycott c'est une action individuelle et que l'on souhaite en faire une action collective en : en parlant, essayant de convaincre les gens etc : des fois on a l'impression que la parole prime sur l'action.
    J'ai passé du temps à convaincre Ozilette d'arrêter d'acheter des oeufs de poule en cage en lui expliquant pourquoi on le faisait et que surement il y avait d'autres personnes qui faisaient la même chose et que sans le savoir on "pesait" sur les distributeurs. Je ne sais pas si j'aurais un plus grand impact en culpabilisant les gens, en essayant de convaincre un plus large public.

    Je vois bien qu'une partie des gens ayant une conscience écologique ont décidé de faire des actions spectaculaires etc.
    Est-ce que cette méthode n'entraîne pas une réaction plus forte ? Est-ce que la mise en lumière de ce boycott n'a pas eu un effet inverse sur des populations qui ont l'impression que l'on impose notre point vue occidental sur le monde entier ?
    Je n'ai pas de réponse aux questions que je pose mais juste un sentiment diffus que ce n'est peut être pas en essayant de convaincre, culpabiliser, forcer la main des gens que l'on arrive à les faire bouger.

  • gurney le 20/12/2022 à 15h44
    Özil paradisiaque : je trouve qu'on se plante en parlant d'occidental.
    Il faudrait parler plutôt des sociétés les plus riches et les plus éduquées.
    On dirait pas comme ça mais la différence est importante.

    Sinon on en revient à cette déclaration scandaleuse de Lloris qui parle de valeur/tradition quand il s'agit de tuer des homosexuels.
    Non, c'est ni une question de valeur, ni une question de tradition. C'est une question de moyen et d'éducation.
    Les sociétés musulmanes radicales qui imposent la charia, c'est dans un cadre d'absence de moyen et d'éducation.
    C'est le retour à une certaine forme d'obscurantisme.

    Et c'est par absence de moyen et d'éducation qu'il y a quelques décennies on était sans doute plus coulant sur la pédophilie. En se disant que c'était pas bien grave de sodomiser une fille de 10 ans.
    Aujourd'hui, parce qu'on a fait un gros level up de moyen et d'éducation, ça ne passe plus. Et heureusement.

    Perso j'achète pas du tout ce délire de l'occident qui essaye d'imposer sa vision au monde et qui en plus oublie son passé mortifaire.
    Quand je vois un Hervé Penot défendre ça librement j'ai un peu la gerbe.

La revue des Cahiers du football