Et la Seleçao implosa...
Gifflée 7-1 par l'Allemagne, la sélection brésilienne a perdu ses rêves de titre bien avant la fin du temps réglementaire. Elle qui était destinée à gagner a sombré en quelques minutes devant un adversaire impitoyable. Il n'y aura pas de sixième étoile.
Depuis la victoire face à la Colombie, on ne parlait presque plus que de lui. Neymar blessé et absent, le Brésil allait-il trouver un moyen d’être dangereux offensivement? Le problème, c’est que les lacunes brésiliennes ne venaient pas que de ce secteur. D’autant que, même si son cas était beaucoup moins évoqué, Thiago Silva n’était pas là non plus. L’élastique brésilien, tendu depuis le début de la compétition, a fini par se casser. Violemment. Si l’Allemagne se qualifie pour la finale de cette Coupe du monde, les souvenirs de ce match iront bien au-delà de son simple résultat.
KO technique
Le choc du Maracanazo a désormais une suite. Mais si, en 1950, c’est un but tardif qui avait condamné le Brésil, concentrant les regrets sur une seule action à la manière de la transversale de David Ginola, en France, quarante-trois ans plus tard, le scénario est cette fois bien différent. Les boucs émissaires sont multiples. Les manques beaucoup trop nombreux. Comment le constat pourrait-il être différent après une défaite par six buts d’écart, un chiffre rendu moins brutal par le raté de Mesut Özil et le but tardif d’Oscar? L’Allemagne était certes très forte, mais pas injouable. Encore fallait-il ne pas lui tendre le bâton, elle qui n’aime rien tant que donner les coups...
La déroute n’a pas d’Instant X, pas de moment-clé qui a fait basculer les choses du mauvais côté. Même si le but de Thomas Müller sur corner, consécutif à un marquage de niveau district, a mis un coup sur la tête des hommes de Luiz Felipe Scolari, il n’arrivait pas contre le cours du jeu ni trop tard pour revenir au score sans casser le système. Et pourtant, c’est comme si l'impact avait été tellement violent que le Brésil était resté sonné. Le deuxième but signé Miroslav Klose, celui du record et son plus important en Coupe du monde, est arrivé trop vite. Encore à moitié inconscients, les Auriverdes se sont retrouvés KO. La suite: une démonstration largement évitable. À l’image de ce quatrième but assez ridicule, qui voit Fernandinho perdre la balle au milieu de terrain juste après l’engagement, sous les yeux de coéquipiers qui constatent l’affaire et voient le ballon arriver tranquillement vers le but, il est inutile de trop rationaliser ce qui ressemble à une autodestruction.
Un échec, beaucoup de raisons
On le disait en introduction, Neymar n’était pas là. Et, dès les hymnes, ses partenaires se chargeaient de le rappeler en brandissant son maillot. Le garçon n’est pas mort mais c’était tout comme. Après les larmes en introduction de la séance de tirs au but face au Chili – qui n’avaient pas eu de conséquences négatives –, voilà désormais l’hommage appuyé au copain au moment de rentrer dans son match. Rien de dramatique dans l’absolu, un beau geste, même. Sauf qu’il symbolise ce que fut ce Mondial pour le pays organisateur: un enjeu énorme, national dans ce qu'on appellera pour longtemps encore "le pays du football", qui reposait en bonne partie sur les épaules d’un jeune joueur. Inutile de verser dans la psychologie de comptoir, mais on est contraint de lier la blessure du Barcelonais et l'effondrement de cette équipe qui a semblé ne plus y croire dès qu’elle a été mise en difficulté. Même catégorisée plus romantique que certaines de ses prédécesseurs, l’Allemagne n’est pas du genre à verser dans la charité quand l’adversaire vacille.
Thiago Silva, stabilisateur de la défense, risque de longtemps regretter de ne pas avoir vérifié ses angles morts avant de se rabattre devant David Ospina. Car son carton jaune, qui l’a privé de demi-finale, a eu pour conséquence la titularisation de Dante. Et le problème, c’est qu’entre lui et David Luiz, c’est à celui qui ferait le plus peur à l’autre. Sans grands automatismes, sans leader pour recadrer l’autre (ainsi les deux compères des côtés, Marcelo et Maicon, complètement perdus en route, quelque part entre repli et projections), la sérénité n’était pas vraiment au rendez-vous. L’intervention d’une psychologue auprès du groupe dans la semaine a peut-être fait du bien sur le moment, mais elle ne remplace pas le leadership sur le terrain ni les habitudes de jeu.
Et maintenant ?
Destiné à gagner, le Brésil disputera désormais le match pour la troisième place, l’une des rencontres les plus inutiles, tous sports confondus. Anecdotique, sauf si une nouvelle dérouillée se produisait. Pas souhaitable, et peu probable. De toute façon, le Mondial est déjà terminé puisque le pays le plus étoilé ne joue rien d’autre que le titre. Est-il réussi? Non, forcément. L’équipe 2013, vainqueur de la Coupe des confédérations de manière implacable, était bien plus séduisante que celle-ci. Et Fred, l’un des hommes en forme de l’époque mais très juste depuis, illustre les limites de la philosophie Scolari. Une conception de la vie de groupe qui l’a poussé à garder les mêmes éléments, quitte à ignorer des joueurs plus en forme (Luis Filipe resté à la maison, tout comme Hernane par exemple, l’un des treize joueurs brésiliens à plus de onze buts en championnat – Jô en a mis six).
L’Allemagne, elle, va en finale avec des certitudes presque trop grandes par rapport à son niveau de jeu réel. Depuis le repositionnement de Philipp Lahm sur le côté droit et la titularisation de Miroslav Klose en pointe, elle semble avoir trouvé le parfait compromis entre jeu direct et qualité technique. L’amalgame est très bon mais pas parfait, l’équipe de France, accrocheuse et menaçante, l’a prouvé: il y a la place, même si elle n'est pas grande, pour dominer la Nationalmannschaft sur un match. La culture de la victoire, concept un peu bête à écrire mais qui compte (huit des onze titulaires ont gagné une finale de Coupe cette année), devrait aider les joueurs allemands à bien négocier le dernier match. Mais ça, le Brésil s’en fiche un peu. Lui se réveillera avec la gueule de bois et trop de manques pour avoir des regrets. Et c’est peut-être là le plus triste…