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Comment j’ai foiré mon boycott

Boycotter une Coupe du monde, c'est facile. Sauf si on aime le foot, évidemment. 

Auteur : Richard Coudrais le 14 Dec 2022

 

On ne reviendra pas sur les raisons qui m'ont poussé à refuser de suivre les rencontres de la Coupe du monde 2022. Celles-ci sont connues et largement étayées par ailleurs. Elles ont des raisons politiques, éthiques, idéologiques, elles concernent le climat et les droits de l'homme, principalement. Cette décision résulte aussi de la lassitude que génère le foot d'aujourd'hui, du moins le traitement que l'on en fait.

Pas de télévision, pas de journaux, aucun commentaire sur les réseaux sociaux, la feuille de route était établie. J'avais bien pensé que laisser la télévision éteinte à l'heure des matches serait parfois difficile, mais je me sentais capable de faire ce sacrifice. Il faut dire qu'avec un Équateur-Qatar comme match d'ouverture, la partie semblait bien engagée.

 

 

On ne veut rien savoir, on sait tout

Dans les jours qui suivent, je m'aperçois que boycotter une Coupe du monde de football demande une véritable préparation. Snober la télévision ne suffit pas : il faut également se déconnecter d'Internet, couper la radio, et éviter globalement toute source d'information. J'aurais dû m'exiler en rase campagne, là où on ne capte rien.

L'expression "coupé du monde" prend tout son sens. Sortir prendre l'air ? Inutile d'y songer : bars et restos ont installé leurs écrans et mettent le son à fond. Se changer les idées avec les amis ? Peine perdue : même ceux qui n'aiment pas le foot habituellement deviennent des consultants en puissance en période de Mondial. Se plonger dans le boulot ? Encore faut-il avoir un travail.

Non, boycotter la Coupe du monde n'est pas chose aisée, d'autant que notre esprit reste captif. L'Angleterre qui met six buts à l'Iran, l'Arabie saoudite qui bat l'Argentine, le Japon qui bat l'Allemagne, l'Espagne qui en met sept au Costa Rica, les Français qui déroulent... cette Coupe du monde nous fait de l'œil.

Et puis le Maroc qui bat la Belgique, la Tunisie qui bat la France, le Japon qui bat l'Espagne, le Cameroun qui bat le Brésil, le Maroc qui passe l'Espagne, le Portugal qui en met six à la Suisse, le Brésil qui danse sur la Corée, un Messi qui sort le grand jeu... Non non non ! On ne veut rien savoir. Malheureusement, on sait tout.

Trois semaines à refuser de se faire plaisir, à jauger ses convictions, à faire semblant de penser à autre chose... On mesure combien le ballon rond dévore notre vie, combien il est une addiction aussi forte que la clope et la mauvaise bouffe.

Pourtant, la cause est juste. Comment ne pas regarder un match sans penser à ceux qui sont morts sur les chantiers ? Sans ressentir un certain malaise devant ce barnum qui piétine tout, qui corrompt tout, qui pourrit tout ?

L'environnement ne nous aide pas. Les chaînes de TV vantent leurs audiences sans la moindre décence. L'appel au boycott ne semble pas avoir été suivi. Même les ONG les plus en vue n'ont pas vraiment appelé en ce sens. OK pour alerter sur la situation, mais rien n'empêche de regarder les matches, selon elles. Le doute s'installe.

Mais je tiens. D'ailleurs, mon week-end parisien s'annonce bien, avec une soirée de concerts qui me permettra d'occulter les premiers quarts de finale sans même y penser.

C'est à cet instant que surgit Giroud

Le jour des deux derniers quarts, je décide de me rendre au Babel Café, lieu estampillé "No Qataran" de la capitale, sorte de Théâtre des rêves (lire le roman de Bernard Foglino) où j'espère trouver quelques autres intégristes histoire de renforcer mes convictions et poursuivre le combat.

L'endroit diffuse le France-Italie de 2006, mais semble abriter plus de clients distraits que de véritables activistes. Je reste seul au bar et je m'en vais juste après le coup de boule de Zidane.

Je m'enfonce dans la froide nuit parisienne. Je cherche un endroit pour manger, mais la plupart des restos diffusent France-Angleterre. J'aperçois quelques voitures qui brandissent le drapeau marocain en faisant sonner les klaxons. Je devine l'impensable exploit.

Je vois un attroupement devant une grande brasserie. Malgré le froid, les yeux sont rivés sur l'écran qui, de l'intérieur, diffuse France-Angleterre. Je jette un œil pour lire le score, c'est plus fort que moi. C'est à cet instant que surgit Giroud qui plante une tête magnifique. L'attroupement explose de joie. Et moi avec. Je reste un peu.

La partie se poursuit, la faute de Théo, la consultation de la VAR, le penalty que Kane envoie au-dessus. Je me laisse happer par le match, et par les discussions passionnées autour de moi. J'avais presque oublié ce que le foot a de plus beau : cette force qu'il a de nous faire partager de bons moments avec des inconnus. C'est encore plus fort en pleine nuit, dans le froid, sur un trottoir parisien.

Je regarde la fin du match avec mes nouveaux amis. Je laisse mes convictions de côté, comme un sac un peu lourd que je peux enfin poser. J'ai bien le droit à une petite entorse, j'ai fait le plus dur. Il y a le coup franc de Rashford, puis la fin du match, la victoire, l'euphorie partagée.

Ça change quoi, désormais ? La situation a été dénoncée, la réputation du pays organisateur et celle de la FIFA ont été ternies. On peut souhaiter que l'un et l'autre vont chercher à améliorer les choses à l'avenir. C'était le but.

Je me dis qu'il ne reste plus que trois matches et que finalement je vais probablement les regarder. Je me suis privé de quelques moments de plaisir, et un peu aussi d'histoire. Je pense avoir donné ma part à la cause.

Bref, j'ai foiré mon boycott.

Réactions

  • gurney le 16/12/2022 à 17h47
    Quand je vois qu'on est déjà 3 fidèles du boycott, ça maintient ma conviction qu'il y a eu un boycott, noyé par les comptages de hors domicile qui niquent tout.
    @larédac : j'ai envie de vous proposer un contre-article "j'ai pas foiré mon putain de boycott"

  • Mik Mortsllak le 16/12/2022 à 19h31
    Oh Mamm Billig aujourd'hui à 17h40

    Mais je m'étais déjà entrainé lors de la précédente édition avant de craquer lamentablement à l'occasion d'un WE entre amis (...)

    ----------------------

    C'est plutôt la LdC qui aura servi d'entraînement de mon côté (dernière finale vue en 2013), même si c'est bien plus un désintérêt devant des multiples rediffusions d'affrontements d'ultra-riches venant de cinq pays qu'un "vrai" boycott.
    Ce boycott aura été d'autant plus facile que NLG, Infantino, le dirigeant qatari parlant de mort "qui fait partie de la vie" et la police belge auront fait des efforts pendant le tournoi pour le rendre encore plus évident.

  • Christ en Gourcuff le 16/12/2022 à 21h11
    D'un autre côté, la meilleur façon de rendre hommage aux morts n'est-elle pas de rendre leur mort moins vaine? Si on ne regarde pas ce pourquoi ils se sont tué à la tâche, il seront morts pour rien!

    Non, le vrai boycott ce serait de boycotter tout ce qui touche de près ou de loin au Qatar. J'ai hâte de savoir qui parlera de boycott quand le PSG jouera son prochain match de L1 ou de LDC.

  • Oh Mamm Billig le 16/12/2022 à 23h19
    C'est ta manière de voir mais la mienne est à l'opposé : regarder comme d'habitude c'est faire comme s'il ne s'était rien passé, comme si tout était normal et qu'au final cette coupe du monde n'est pas différente d'une autre.
    J'avais plus d'espoir dans le fait de faire en sorte (via le boycott des diffusions et produits dérivés) que justement cette coupe du monde soit celle de trop, celle ou des baisses d'audience et de consommation sans précédent incite les diffuseurs et sponsors à faire pression sur la FIFA (en négociant à la baisse les droits ou les budgets sponsoring) pour que la prochaine attribution ne se fasse pas sur la base du "peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse". Taper là où ca fait mal : au portefeuille. Espoir vain a priori, mais j'aurais tenté à mon niveau.

    Et concernant la LdC Mik, c'est pareil pour moi : après les poules j'ai du mal à y trouver beaucoup d'intérêt et je préfère nettement la C3 et la C4 même si, comme pour la ligue 1, l'eau fraiche est de plus en plus tiède et désagréable à avaler.

  • Flo Riant Sans Son le 17/12/2022 à 01h29
    @Christ:
    Je rêve que l'OM envoie la réserve contre le PSG...

    Sinon, mon "boycott" se passe bien. C'est entre guillemet car j'ai assisté vaguement au match contre le Danemark à cause de morveux. Et j'ai j'ai dû regarder la demi pour une soirée au boulot. Voir Le Graet exulter est très mal passé. J'imagine qu'il en a profité pour demander à Macron une nouvelle carpette car il s'est bien essuyé sur la Ministre des Sports actuelle. C'est cool si la France gagne (même si NLG, la CdM est déjà réussie), mais ça n'aurait pas la même saveur qu'une victoire lors d'une compétition suivie assidument.

    Bon match dimanche à ceux qui regarderont. Bon courage à ceux qui s'en priveront. Pour moi ça me semble clair, le cadavre déambulant qu'était le foot (celui que j'ai pu aimer en tous cas), me semble bel et bien mort.

  • Westham le 17/12/2022 à 13h57
    C'est quoi l'intérêt que tu as à regarder les matchs de poule de C1?

  • Tonton Danijel le 17/12/2022 à 18h02
    Voir son club participer?

  • inamoto le 19/12/2022 à 09h50
    Très sympa cet article, merci !

  • Ba Zenga le 19/12/2022 à 10h09
    Très bel article, je crois que c'est un de ceux que je préfère parmi tous les magnifiques textes dont tu nous gratifies depuis toutes ces années. Bravo et merci. Tu y dis tout ce que ça te coûte de rester fidèle à des convictions, tout en vivant la douleur de te refuser ta passion. C'est touchant.

    Je crois que tous ceux qui ont tenté/réussi leur boycott ont ressenti ça aussi (cf le long et poignant message de gurney sur Utopie et football). Je me suis couché avec la gueule de bois hier. On est allé au bout de notre mondial, mais on a quand même perdu. Je parle pas de l'équipe de France, mais de ceux qui ont eu à cœur de faire passer leurs convictions au-dessus d'une passion qu'on nous survend et qu'on piétine depuis trop longtemps.

    Je me suis longtemps préparé à ce boycott, me détachant petit à petit du foot pour ne suivre que l'OM et Liverpool. Tout ce temps passé à casser la machine algorithmique, à être prêt pour mener ce combat aussi dérisoire qu'important. J'ai quand même l'impression que c'a échoué, parce que les qataris ont eu ce qu'ils voulaient. En plus, avec cette affiche en finale, pff... Et oui, pour répondre à je ne sais plus qui, je bannis tout ce qui vient de ce pays. Je ne regarde jamais le PSG, même contre mon club. Pas que j'ai peur d'une nouvelle déroute (l'enjeu sportif est mort depuis longtemps), mais parce que décidément, je ne peux plus me les voir en peinture. Aucune probabilité de passer un bon moment, alors je me préserve.

    Tous ces gens (la FIFA, les corrompus) ont tué notre foot, sa compétition la plus belle, ses émotions les plus fortes avec leur VAR de merde. Je leur en veux tellement. J'ai l'impression de vivre une immense déception amoureuse. Mais quand le désir et les sentiments ne sont plus là, il faut s'y résoudre.

    J'aurai au moins eu l'immense chance d'avoir absolument tout connu avec les équipes que j'affectionne (OM, Liverpool, France). C'est déjà ça.

  • Delio Onnisoitquimalypense le 19/12/2022 à 18h37
    Mon boycott avait flanché avec un visionnage d'un résumé de France Angleterre. Au réveil d'une méga sieste dominicale, j'allume la radio. France Inter était en pleine opération spéciale finale (Fabienne Sintes, Claude Askolovitch et Alex Wizorek, vos futures prises de position sur l'éthique me seront parfaitement inaudibles), je file sur Culture, jolie programmation décalée avec un spécial Tango de La Série Musicale, suivie d'un bilan des dix ans de l'Argentin Bergoglio au Vatican. Las, des interventions intempestives viennent rappeler le score (sur Culture, nom de Zeus!!) et je craque après l'égalisation, et ajoute une unité ) la masse des téléspectateurs de TF1. Sur le terrain, c'est vif, débridé, y'a des buts, des stars... et je m'en fous, au point d'éteindre avant le coup de sifflet final. Boycott foiré, ce qui a fonctionné c'est le désamour pour l'EdF.
    Heureusement, j'avais au programme Brésil Italie 1970, vive Pelé, Gerson, Gigi Riva et leurs petits camarades de jeu !

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