Ne perdez pas de temps à lire ce texte, connectez-vous vite pour commenter les articles des CDF. Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

Comment j’ai foiré mon boycott

Boycotter une Coupe du monde, c'est facile. Sauf si on aime le foot, évidemment. 

Auteur : Richard Coudrais le 14 Dec 2022

 

On ne reviendra pas sur les raisons qui m'ont poussé à refuser de suivre les rencontres de la Coupe du monde 2022. Celles-ci sont connues et largement étayées par ailleurs. Elles ont des raisons politiques, éthiques, idéologiques, elles concernent le climat et les droits de l'homme, principalement. Cette décision résulte aussi de la lassitude que génère le foot d'aujourd'hui, du moins le traitement que l'on en fait.

Pas de télévision, pas de journaux, aucun commentaire sur les réseaux sociaux, la feuille de route était établie. J'avais bien pensé que laisser la télévision éteinte à l'heure des matches serait parfois difficile, mais je me sentais capable de faire ce sacrifice. Il faut dire qu'avec un Équateur-Qatar comme match d'ouverture, la partie semblait bien engagée.

 

 

On ne veut rien savoir, on sait tout

Dans les jours qui suivent, je m'aperçois que boycotter une Coupe du monde de football demande une véritable préparation. Snober la télévision ne suffit pas : il faut également se déconnecter d'Internet, couper la radio, et éviter globalement toute source d'information. J'aurais dû m'exiler en rase campagne, là où on ne capte rien.

L'expression "coupé du monde" prend tout son sens. Sortir prendre l'air ? Inutile d'y songer : bars et restos ont installé leurs écrans et mettent le son à fond. Se changer les idées avec les amis ? Peine perdue : même ceux qui n'aiment pas le foot habituellement deviennent des consultants en puissance en période de Mondial. Se plonger dans le boulot ? Encore faut-il avoir un travail.

Non, boycotter la Coupe du monde n'est pas chose aisée, d'autant que notre esprit reste captif. L'Angleterre qui met six buts à l'Iran, l'Arabie saoudite qui bat l'Argentine, le Japon qui bat l'Allemagne, l'Espagne qui en met sept au Costa Rica, les Français qui déroulent... cette Coupe du monde nous fait de l'œil.

Et puis le Maroc qui bat la Belgique, la Tunisie qui bat la France, le Japon qui bat l'Espagne, le Cameroun qui bat le Brésil, le Maroc qui passe l'Espagne, le Portugal qui en met six à la Suisse, le Brésil qui danse sur la Corée, un Messi qui sort le grand jeu... Non non non ! On ne veut rien savoir. Malheureusement, on sait tout.

Trois semaines à refuser de se faire plaisir, à jauger ses convictions, à faire semblant de penser à autre chose... On mesure combien le ballon rond dévore notre vie, combien il est une addiction aussi forte que la clope et la mauvaise bouffe.

Pourtant, la cause est juste. Comment ne pas regarder un match sans penser à ceux qui sont morts sur les chantiers ? Sans ressentir un certain malaise devant ce barnum qui piétine tout, qui corrompt tout, qui pourrit tout ?

L'environnement ne nous aide pas. Les chaînes de TV vantent leurs audiences sans la moindre décence. L'appel au boycott ne semble pas avoir été suivi. Même les ONG les plus en vue n'ont pas vraiment appelé en ce sens. OK pour alerter sur la situation, mais rien n'empêche de regarder les matches, selon elles. Le doute s'installe.

Mais je tiens. D'ailleurs, mon week-end parisien s'annonce bien, avec une soirée de concerts qui me permettra d'occulter les premiers quarts de finale sans même y penser.

C'est à cet instant que surgit Giroud

Le jour des deux derniers quarts, je décide de me rendre au Babel Café, lieu estampillé "No Qataran" de la capitale, sorte de Théâtre des rêves (lire le roman de Bernard Foglino) où j'espère trouver quelques autres intégristes histoire de renforcer mes convictions et poursuivre le combat.

L'endroit diffuse le France-Italie de 2006, mais semble abriter plus de clients distraits que de véritables activistes. Je reste seul au bar et je m'en vais juste après le coup de boule de Zidane.

Je m'enfonce dans la froide nuit parisienne. Je cherche un endroit pour manger, mais la plupart des restos diffusent France-Angleterre. J'aperçois quelques voitures qui brandissent le drapeau marocain en faisant sonner les klaxons. Je devine l'impensable exploit.

Je vois un attroupement devant une grande brasserie. Malgré le froid, les yeux sont rivés sur l'écran qui, de l'intérieur, diffuse France-Angleterre. Je jette un œil pour lire le score, c'est plus fort que moi. C'est à cet instant que surgit Giroud qui plante une tête magnifique. L'attroupement explose de joie. Et moi avec. Je reste un peu.

La partie se poursuit, la faute de Théo, la consultation de la VAR, le penalty que Kane envoie au-dessus. Je me laisse happer par le match, et par les discussions passionnées autour de moi. J'avais presque oublié ce que le foot a de plus beau : cette force qu'il a de nous faire partager de bons moments avec des inconnus. C'est encore plus fort en pleine nuit, dans le froid, sur un trottoir parisien.

Je regarde la fin du match avec mes nouveaux amis. Je laisse mes convictions de côté, comme un sac un peu lourd que je peux enfin poser. J'ai bien le droit à une petite entorse, j'ai fait le plus dur. Il y a le coup franc de Rashford, puis la fin du match, la victoire, l'euphorie partagée.

Ça change quoi, désormais ? La situation a été dénoncée, la réputation du pays organisateur et celle de la FIFA ont été ternies. On peut souhaiter que l'un et l'autre vont chercher à améliorer les choses à l'avenir. C'était le but.

Je me dis qu'il ne reste plus que trois matches et que finalement je vais probablement les regarder. Je me suis privé de quelques moments de plaisir, et un peu aussi d'histoire. Je pense avoir donné ma part à la cause.

Bref, j'ai foiré mon boycott.

Réactions

  • gurney le 21/12/2022 à 10h54
    Merci Ba Zenga !
    J'ai eu l'impression d'être seul pendant ce mondial, à 2/3 cédéfiste près, au final y a une belle équipe.

La revue des Cahiers du football