Coup de grisou à Saint-Étienne
Au jeu du premier entraîneur remercié de la saison, Robert Nouzaret ne figurait pourtant pas parmi les favoris. Cette décision subite du duo survivant au trio Bompard-Soler-Nouzaret s'explique d'autant moins que la position de l'ASSE dans un classement très resserré (14è avec 10 pts) n'est pas alarmante. Certes, l'absence de victoire dans les 5 dernières journées (3 défaites, 2 nuls) après une excellente entame marque les doutes actuels de l'équipe, mais d'autres sont dans une situation bien plus dramatique. Cette mauvaise passe est donc transformée en crise ouverte, avec remaniement ministériel à la clé.
En lisant entre les lignes des déclarations faites dans la soirée par Alain Bompard, il semble que le motif central soit celui d'un "différend" entre ses deux collaborateurs. Le président a donc tranché en faveur de son président-délégué, et les raisons profondes de la séparation apparaissent plus nébuleuses encore, ou plus politiques que techniques. Les joueurs se sont déclarés surpris de cette annonce, et certains ont dénoncé l'injustice faite à leur entraîneur.
Les mots de ce dernier désignent d'ailleurs plus un conflit de personne que la "nécessité d'un électrochoc" ou le constat d'un "début de saison difficile" (Bompard). "Dimanche soir, Gérard Soler est venu chez moi. Je lui ai dit que je n'avais plus confiance en lui sur les problèmes extra-sportifs qui ne sont pas réglés, comme la naturalisation grecque du gardien de but Maxim Levytsky, la qualification du Brésilien Luis Alberto ou l'affaire Lucien Mettomo... Puis ce matin (lundi, NDLR), il est venu me dire qu'il me retirait la responsabilité de l'équipe professionnelle. Je suis tombé de haut, car Gérard Soler était un ami. Je pensais que nous aurions pu travailler ensemble malgré des divergences de vues, en raison d'une confiance que je croyais inébranlable" (AFP 25/09).
Il est vrai que l'intersaison de l'ASSE avait été marquée par des épisodes douloureux dont les effets se font peut-être sentir aujourd'hui: négociations houleuses avec Aloisio et Alex, départ de Mettomo déjà en question, transfert raté de Berezovski... Plus tard, la décision de conserver Alex, alors que celui-ci était en conflit ouvert avec son entraîneur et en négociation avancée avec le Betis Séville, a certainement dégradé l'entente entre Soler et Nouzaret. Et si le second s'est avisé de reprocher au premier les actuels problèmes "administratifs", le torchon a pu rapidement s'enflammer.
L'équipe dirigeante du club semblait liée par des liens presque passionnels et par deux ans d'une belle histoire commune, qui semblaient garantir la solidité de l'attelage. Cette dimension aura peut-être été la cause d'un divorce précoce...
Complètement à l'opposé de l'attitude des dirigeants qui protègent au moins pour quelque temps leur responsable technique, le staff stéphanois a pris le risque de débarquer Nouzaret avant qu'il ne soit vraiment désavoué par le public. En cas de spirale négative, ce dernier se retournera contre les auteurs d'une décision prématurée, d'autant que le gros Robert reste comme une pièce importante de la montée et du retour réussi en D1. Bompard déclare qu'il sait "écouter la rue", mais il pourrait alors l'entendre très fort sous ses propres fenêtres...
Il est dit que Gérard Soler assurera l'intérim au poste d'entraîneur, et on espère pour Bompard et lui qu'ils ont une solution rapide et crédible en vue.
S'agit-il d'une simple crise de croissance pour Saint-Étienne, ou d'une perte de contrôle qui pourrait avoir des conséquences dramatiques? Robert Nouzaret sera un observateur attentif des suites de son licenciement.