Merci, excellent article, dont les ingrédients font aussi écho je pense à l’obsession du buzz et de “l’indignation”, ces carburants addictifs des réseaux sociaux et médias, qui renvoient parfois à des formes de monétisation de la performance (“outrage business”). On peut légitimement se demander si ces commentateurs et consultants seraient encore employés ou si grassement payés s’ils étaient davantage dans l’analyse et la nuance que dans l’emporte-pièce et la condamnation ou la posture scandaleuse.
Le gros problème surtout je crois, et je le contaste pareillement avec les médias anglais, c’est que trop de commentateurs, et même d’ex footballeurs, connaissent mal les lois du jeu ou s’en tapent, c’est en tout cas l’impression générale qui se dégage.
Prenons par exemple le Leicester–Arsenal de samedi dernier diffusé sur Sky Sports (coup d’envoi à 12h30). A la 68è minute, le défenseur de Leicester Jonny Evans ceinture Aubameyang à environ 40 mètres du but des Foxes, ici
lien. Evans écope d’un carton jaune, après vérification de la VAR.
Verdict des commentateurs de Sky : “Mauvaise décision, Evans est le dernier défenseur et c’est clairement une occasion de but, il aurait dû prendre un rouge”. Jugement relayé par les analystes d'après-match, dont l’ex international anglais Jamie Redknapp.
Commentaires de Sky repris toute la journée en mode indignée (contre l'arbitrage) dans les "phone-ins" de talkSPORT (plus grosse radio de sport du pays) et de BBC Radio 5 Live, en particulier dans le très suivi "606"
lien, surtout animé par d'anciens pros. Nausée anti-arbitres également au pub où je suis rendu en soirée.
Repris également dans le resumé du match de la BBC le soir même par les analystes de service, Gary Lineker, Alan Shearer et Ian Wright, pas vraiment des novices donc. Ces trois-là avaient pourtant avaient eu le temps d’analyser, voir les ralentis, considérer soigneusement la décision du combo arbitre + VAR, peut-être même soyons fous relire la loi 12.
Au lieu de ça, le trio Lineker-Shearer-Wright s'est focalisé sur un fait de jeu a priori similaire (“very similar offense”, décréta d'emblée Lineker) dans le Manchester City-Crystal Palace de 15h, une espèce de placage de Laporte sur Zaha pour lequel le Franco-Espagnol prit un rouge, et passa plusieurs minutes à comparer les deux décisions en chargeant le corps arbitral. Ça devisa donc “d’injustice”, du “deux poids deux mesures” pour le “même” fait de jeu, des “incohérences dans les décisions arbitrales qui pénalisent les clubs”, etc. “These inconsistencies drive players, managers an coaches mad”, s’est lamenté Shearer.
Andre Marriner, l’arbitre du Man City-Palace, a sans doute eu raison de ne sortir que le jaune, il aurait donc dû être félicité pour avoir pris la bonne décision cela mais non, par un pervers amalgame cet arbitre s’est retrouvé sur les bancs des accusés.
Par ailleurs, nulle part dans les lois du jeu est-il fait mention de “dernier joueur/homme/défenseur” sur ce genre de fait, cf loi 12
lien, en particulier les deux premiers points :
Un joueur, un remplaçant, un joueur remplacé ou un officiel doit être exclu, s'il :
• empêche l’équipe adverse de marquer un but en commettant une faute passible d’un coup franc direct;
• annihile une occasion de but manifeste en commettant une faute passible d’un coup franc direct (cependant, s'il y a penalty mais que le joueur tentait de jouer le ballon, il sera seulement averti);
“empêche l’équipe adverse de marquer un but” et “annihile une occasion de but manifeste” sont les phrases clés ici.
D’autre part, ces deux faits de jeu sont certes similaires à l’œil nu mais tout commentateur ou footballer expérimenté devrait juger chaque action “on its own merits”, sur les faits. Se déterminer par rapport à d’autres faits de jeu dans d’autres matchs, et au degré de similarité discutable, ne peut qu’entraîner confusion et in fine accentuer le discrédit du corps arbitral.
Chaque intersaison, les arbitres de Premier League présentent aux clubs les changements apportés dans les lois du jeu, surtout au niveau des nouvelles “guidelines”, recommandations et différences d’interprétation. Peut-être devraient-ils aussi inclure les commentateurs et “pundits” (expert consultant, analyste) dans leur tournée.