Dugarry 1998, mauvaise langue
Un jour un but – Le 12 juin 1998 à Marseille, c’est Christophe Dugarry qui marque le premier but de l’équipe de France lors de sa Coupe du monde.
On le revoit encore gesticulant comme un possédé, levant le poing de façon ostentatoire et tirant une langue revancharde vers la tribune de presse. “Je vous ai tous niqués“: ce sont les mots qu’il emploie pour décrire le message qu’il transmet, comme il l’explique dans le documentaire “Les Yeux dans les Bleus”. “Dans la tribune, tu les vois, tous ces putains de journalistes, et je me dis 'Putain, je vous ai tous niqués!'”
Putains de journalistes
Une réaction qui pourrait surprendre qui n’a pas vécu ces moments d’hystérie qui ont précédé la Coupe du monde 1998. Le sélectionneur Aimé Jacquet est alors la cible d’une campagne de presse agressive comme rarement ses prédécesseurs en ont connue. Trop défensif, mauvais communicant, peu charismatique... L’ancien entraîneur des Girondins de Bordeaux ne serait pas l’homme de la situation.
Non content de ne pas céder son poste à meilleur que lui, l’incompétent a également l’outrecuidance de sélectionner dans son groupe un joueur tout aussi discuté, Christophe Dugarry. L’ancien attaquant bordelais, vingt-six ans, est revenu en France six mois plus tôt (à Marseille) après un an et demi de galères à Milan puis Barcelone. Il est devenu la tête de turc préférée des Français, qui aiment à penser qu’il doit sa sélection à son copain Zinédine Zidane.
Or c’est bien lui, Christophe Dugarry, qui le 12 juin 1998, au stade Vélodrome, ouvre le score face à l’Afrique du Sud. Il marque ainsi le premier but français du Mondial. Le natif de Bordeaux ne devait pourtant pas jouer cette rencontre. Au coup d’envoi, il est sur le banc, Aimé Jacquet lui ayant préféré l’Auxerrois Stéphane Guivarc’h, meilleur buteur du championnat, et un jeune monégasque d’à peine vingt ans, Thierry Henry. Les deux hommes représentent à peine dix sélections à eux deux.
Mistral gagnant
Alors qu’un mistral terrible balaye la pelouse du Vélodrome, l’équipe de France démarre la rencontre plain pied. Stéphane Guivarc’h se montre très remuant et inquiète en plusieurs occasions la défense sud-africaine. Mais à la 27e minute, après une ultime occasion où sa reprise de la tête passe de peu à côté, l’attaquant breton se blesse et doit sortir.
Alors qu’il s’attend à ce que le sélectionneur appelle David Trézéguet, Christophe Dugarry s’aperçoit que c’est lui qui va entrer sur le terrain. Après cinq minutes, il est lancé seul sur une lumineuse ouverture de Zinédine Zidane mais il échoue devant le gardien sud-africain sorti à sa rencontre. Mais sur cette pelouse qu’il pratique depuis six mois, le Marseillais d’adoption semble égaré. On le voit perdre un ballon invraisemblable au bénéfice de ses adversaires puis perdre pied peu à peu. Il n’entend finalement plus que les sifflets à son encontre. On craint alors le pire pour "Duga". Lui-même avouera qu’il était à ce moment-là au fond du trou.
La France poursuit sans relâche ses offensives et obtient un nouveau corner à la 34e minute. C’est Zinédine Zidane qui le frappe. Dans la surface de réparation, plusieurs hommes s’élèvent, dont Christophe Dugarry et Hans Vonk. L’attaquant français parvient à dévier le ballon hors de portée du gardien sud-africain et l’envoie dans les filets.
« Ce but a changé ma vie »
C’est l’explosion de joie. Il avait inscrit le premier but français de l’Euro 1996, il récidive en 1998. Tandis que ses partenaires lui courent après pour le congratuler, Christophe Dugarry adresse toute langue dehors son message vers la tribune de presse. “Ce but a changé ma vie”, dira-t-il beaucoup plus tard. Dans l’immédiat, ce but change déjà beaucoup de choses: il lance les Bleus vers une victoire indiscutable (3-0) et fait basculer l’opinion dans son sens. Pourquoi ne pas croire, finalement, à une possible victoire finale de cette équipe?
Pour Dugarry, la dynamique va pourtant vite se casser. Lors du deuxième match contre l’Arabie Saoudite quatre jours plus tard, le Bordelais se blesse en tentant de récupérer un ballon en extension. Victime d’un claquage, il est remplacé par Trézéguet et la compétition semble terminée pour lui. On le verra pourtant entrer en jeu lors de la finale du 12 juillet où il remplacera… Stéphane Guivarc’h. Il avait inscrit le premier but, il rêvait de marquer le dernier. Il se procurera une magnifique occasion mais, seul face au gardien brésilien, il trouvera le moyen de tirer à côté. Dans les toutes dernières secondes, c'est finalement lui qui remontera le dernier ballon qui aboutira au troisième but des Français.