En vous connectant, vous certifiez n'avoir jamais trompé votre club favori. Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

Football et politique en Angleterre : aujourd'hui

Après un long silence radio sur le front politico-social dans le football anglais, on enregistre enfin un sensible regain de mobilisations. 

Auteur : Kevin Quigagne le 10 Fev 2023

 

L'activisme dans le foot anglais is back. Ou plutôt, quelques voix s'élèvent ici et là depuis peu. Un épiphénomène à l'échelle du football mais qui tranche avec l'indifférence observée pendant trente ans.

Le succès est même parfois au rendez-vous, comme l'ont montré les campagnes de Marcus Rashford qui ont fait plier Boris Johnson à trois reprises en 2020, tout en collectant vingt millions de livres en dons alimentaires et financiers.

À l'origine de ce retour au-devant de la scène, trois facteurs principaux interconnectés : la révolution des réseaux sociaux, les radicales politiques d'austérité des gouvernements conservateurs depuis 2010 et l'explosion de la précarité et des inégalités sociales.

Austérité, Brexit et polarisation

Après une longue accalmie (lire "Football et politique en Angleterre : hier"), le retour au pouvoir des conservateurs en mai 2010 a ravivé la fibre militante, et aussi fait sortir du bois quelques grognards.

Entre 2010 et 2019, dans le cadre de sa "politique d'austérité" et des efficiency savings (la formule novlangue désignant les coupes budgétaires tous azimuts), le gouvernement vend plus de 200 terrains de sport scolaires. Une pratique popularisée sous Margaret Thatcher et John Major (10.000 avaient été vendus entre 1979 et 1997) et poursuivie, à faible échelle, par les Travaillistes de 1997 à 2010.

Les conservateurs réduisent également de 160 millions de livres la dotation sportive aux écoles anglaises en supprimant 450 programmes "SSP" (School Sport Partnerships). Ces partenariats, lancés en 2002 et gérés par du personnel qualifié, étaient vitaux pour des milliers d'écoles (et d'écoliers, car pratiquer le sport coûte cher outre-Manche). Devant le tollé, une partie de ces suppressions sera annulée, mais à un an des Jeux Olympiques de Londres, cela fait tache.

En juillet 2011, cette situation fait sortir de ses gonds Sam Allardyce, alors entraîneur de West Ham, qui révèle à l'occasion voter travailliste. Il attaque Thatcher, qu'il tient pour responsable de la piètre situation du sport à l'école.

En 2019, sur la station de radio talkSPORT, "Big Sam" fera son coming out, en tant que Brexiter cette fois (un tiers de l'électorat travailliste a voté pour le Brexit, selon divers sondages). Chris Waddle, Peter Shilton et l'inénarrable Neil Warnock, entre autres, lui emboîtent le pas pro-Brexit avec ferveur , et les "Twitter fights" entre anti et pro-UE font rage (Gary Lineker, Jamie Carragher, Peter Reid).

 

 

À gauche toute

Seule une poignée de footballeurs ou entraîneurs en activité s'aventure cependant sur ce terrain clivant du Brexit (davantage aujourd'hui, étant entendu que le Brexit est un échec). Joey Barton, manager en Football League depuis cinq ans, a été parmi les premiers à se prononcer contre.

Aux élections générales de 2017, il soutient également Jeremy Corbyn et l'aile gauche du Parti travailliste. Jamie Carragher, consultant sur Sky, a aussi signé quelques virulentes sorties anti-Brexit sur Twitter, s'exposant aux inévitables critiques et autres amabilités lui enjoignant de "se cantonner au football".

Le premier (ex) footballeur connu à s'être signalé (et de quelle manière !), via les réseaux sociaux, en tant que social justice warrior est Neville Southall. Le légendaire gardien d'Everton et du Pays de Galles, le meilleur portier britannique de 1984 au début des années 1990, ancien manœuvre de chantier et militant anti-Tory exalté, est sur tous les fronts et de tous les combats : inclusion, droits LGBT, dénonciation de l'homophobie, défense des travailleuses du sexe, campagnes antiracistes et syndicales, coups de gueule anti-conservateurs, etc.

 

 

Quand Corbyn promet, avant les élections de 2017, qu'il forcera la Premier League à reverser 5% de ses revenus au football amateur  (contre à peine 0.3% aujourd'hui, via la Football Foundation) si les Travaillistes sont élus, Southall rejoint le camp des "Corbynistas".

"Big Nev" joint aussi le geste à la parole. Depuis des années, il fait dans l'associatif auprès des plus défavorisés, ainsi que du bénévolat dans une école galloise, où il mise sur sa notoriété pour tenter de lever des fonds supplémentaires et utilise le football pour motiver les adolescents décrocheurs.

Il est également poète engagé à ses heures perdues. En 2017, il poste une série de poèmes violemment anti-Tory autour du thème du squelette, que le Guardian qualifie de "surréels"(voir cette interview).

F*** the Tories !

Depuis la fin des années 2010, on voit apparaître un nouveau type de footballeurs politisés et d'activistes, plus directs, surtout marqués à gauche. Le 23 octobre dernier, Paul Mullin, avant-centre vedette de Wrexham (D5 anglaise) [1], poste cette photo sur son compte Instagram :

 

 

Le cliché devient viral et Mullin, natif de Merseyside (ce n'est pas un hasard), est sommé par le club de l'effacer, ce qu'il fait. Il ne portera pas ses nouvelles pompes Pas facile d'être un rebelle dans le foot.

L'élection de Trump, la radicalisation à droite et Brexit ont été les catalyseurs. Les treize années de gouvernements conservateurs, très portés sur les dérégulations dures et les coupes sombres, ont fait le reste. La caisse de résonance offerte par les réseaux sociaux, même pour des joueurs de D5, y est aussi pour beaucoup.

Deux camps s'opposent, avec chacun leurs leaders. Le sanguin Liverpudlien Peter Reid est en mode perma-enragée depuis le référendum du Brexit. En 2016, il insulte Donald Trump sur Twitter ("knobhead" connard), puis il pourrit les politiciens pro-Brexit lors de manifestations en 2018, critique les entraîneurs pro-Leave et multiplie les tacles les deux pieds décollés sur les conservateurs.

En mai 2006, à la suite d'un article incendiaire de Boris Johnson sur la ville et les supporters de Liverpool en 2004 (voir en fin d'article), Reid lui avait envoyé à la face, dans un vestiaire plein avant un match caritatif (les "England Legends" contre leurs homologues allemands) : "Ce que vous avez écrit sur les Scousers, c'est ignoble. Mais vous vous prenez pour qui, putain ? Vous êtes un gros connard et une honte."

Johnson s'était écrasé sur le coup ("Il s'est fait dessus", précise Reid dans son autobiographie) mais avait passé sa colère sur les pauvres Allemands...

Deux camps face à face

Reid est imité, en plus soft, par Gary Lineker, présentateur de l'émission Match of the Day sur la BBC, lui aussi ardemment pro-Remain. En tant que vedette de la Beeb, il doit cependant modérer ses propos et est parfois sifflé hors-jeu.

Gary Neville, dit "Red Nev", laboure le même sillon et gratifie ses millions de followersd'amusants tweets anti-Tory, comme lors du scandale du "Partygate" sous Boris Johnson, quand Neville suggéra de renommer le 10 Downing Street "l'Haçienda", la mythique boîte de l'ère "Madchester".

Dans le camp adverse, les pro-Tory et pro-Leave Sol Campbell et Frank Lampard, respectivement récemment entraîneurs en Football League et Premier League, sont particulièrement impliqués.

Conservateur convaincu depuis ses vingt ans, une fois les crampons raccrochés Campbell a cherché à se placer chez les Tories, avec dans le viseur un poste de député en 2015 et la mairie de Londres en 2016. Lampard a également tenté de briguer un strapontin parlementaire. Aucun des deux n'a été sélectionné par le Parti conservateur.

 

 

Campbell a déclaré vouloir entrer en politique "car il a beaucoup à offrir et son engagement est capital pour le vote noir". Dans ses diverses interviewes, il se montrera surtout animé par la volonté d'appliquer un programme très néolibéral et inquiet de l'implémentation d'une "mansion tax", un impôt sur les propriétés valant plus de deux millions de livres souhaité par Labour, parti qu'il juge être "le fossoyeur des entrepreneurs ou des gens qui ont réussi". Quand on lui demande si la plupart des footballeurs vote Tory, il répond en riant : "Oui, probablement."

De leur côté, les supporters s'organisent et des petits clubs professionnels ou semi-pros, "alternatifs" et de gauche, grandissent. Parmi eux, Clapton FC, Dulwich Hamlet (D6, presque 3.000 spectateurs de moyenne) ou le célèbre FC United of Manchester (D7, les "Red Rebels"), axé sur la communauté et le "fan ownership" (le FCUM est détenu actuellement par environ 2.500 supporters).

Ces clubs s'inspirent en partie des Hambourgeois du FC St. Pauli (D2) et d'Altona 93 (D5). Des actions ponctuelles, telles les journées "Refugees Welcome" en 2015 lors du "English Football League Day of Solidarity", sont montées, en synergie quelquefois avec le reste de l'Europe.

Si le bilan de cette opération a été encourageant dans les divisions inférieures, seul Aston Villa a répondu à l'appel en Premier League. À l'Emirates, les stadiers ont même interdit une banderole de soutien pour raisons de sécurité Le tandem clubs-joueurs aime se retrancher derrière ce "devoir de réserve" stipulé dans les règlements nationaux et internationaux (pas de "politique").

Les clubs ont pourtant moins de scrupules quand il s'agit de créer des montages pour escroquer le fisc britannique (voir ici à l'intertitre "Un paradis (fiscal) pour le football") ou d'accueillir les bras ouverts des joueurs, dirigeants ou propriétaires douteux.

Cachez ce genou

Plusieurs associations et initiatives en phase avec l'actualité ont vu le jour ou continué à se développer. Des organismes comme Kick it Out ou Show Racism The Red Card (démarré à Newcastle en 1996 grâce à Shaka Hislop, victime d'un acte raciste devant Saint James' Park), sont très actifs, en particulier dans les écoles.

On a aussi vu beaucoup de campagnes de sensibilisation percutantes sur des thèmes divers, tels Rainbow Laces pour les droits LGBT, ou (Football) United Against Knife Crime et No More Red, contre les violences au couteau sur les jeunes, en hausse de 34% depuis 2011. Ces campagnes, d'une manière ou d'une autre, empiètent souvent sur le politique.

Avant les matches, le geste "taking the knee", un genou à terre en solidarité au mouvement Black Lives Matters, a été bien suivi, mais parfois sifflé par une partie du public, comme lors du Angleterre-Roumanie du 6 juin à Middlesbrough ou de la finale de l'Euro 2021 à Wembley.

 

 

Boris Johnson refusera de dénoncer les huées et sa ministre de l'Intérieur, Priti Patel, jamais à court d'une provocation, même si elle a témoigné avoir été elle-même fréquemment victime de racisme, alla encore plus loin. Un genou qui fera boycotter le tournoi à un député Tory et agiter furieusement l'épouvantail du "wokisme" aux nombreux médias de droite.

Une Patel reprise de volée par les internationaux Raheem Sterling et Tyrone Mings, souvent à la pointe du combat antiraciste (le premier a reçu un titre MBE en 2021, membre de l'Ordre de l'Empire britannique, pour son travail dans ce domaine ainsi que dans le cadre de sa fondation).

Ces dernières années, supporters et footballeurs ont également collecté des fonds pour les victimes de l'incendie de la tour d'habitation Grenfell à Londres (72 morts, 74 blessés) et mis le focus sur cette tragédie, tristement bien de son temps [2]. Peter Crouch, qui a grandi tout près, impulsa le mouvement et des internationaux anglais, Rashford en tête, relayèrent le message.

Des porte-voix de premier plan

Marcus Rashford, issu d'un quartier défavorisé de Manchester et récompensé en 2021 par un MBE, est en quelque sorte l'héritier des footballeurs socialistes du siècle dernier. Il incarne la nouvelle vague des footballeurs et supporters qui s'engagent, en utilisant les codes du moment (il employait jusqu'à récemment la conseillère en communication-marketing Kelly Hogarth). Sa démarche n'est pas tant politique qu'empreinte d'humanisme, d'humanité.

Le démantèlement de la conscience ouvrière ces dernières décennies, précipitée par la désindustrialisation et l'affaiblissement du syndicalisme, a fait place à une société de services fragmentée et ubérisée.

Même si nombre de footballeurs proviennent toujours des mêmes milieux modestes que leurs prédécesseurs, cette fragmentation a coupé ce lien qui existait autrefois entre les Busby, Shankly, Stein, Clough et leurs origines, le moteur qui les poussait à agir, par fraternité. Il est clair que personne aujourd'hui, à l'ère de l'individualisme et du foot-business, n'ira manifester ou défiler avec des grévistes comme le firent ces illustres anciens.

L'extinction de l'espèce est définitive et espérer une reproduction de l'ancien monde serait utopique. L'érosion de la conscience ouvrière n'empêche évidemment pas la rémanence d'une classe ouvrière et l'émergence d'autres luttes et modes d'action.

Rashford et d'autres symbolisent ce renouveau progressif dans le monde à part du ballon rond. Ils sont à la fois proches et loin des idéaux des Shankly and co, qui vivaient modestement dans des pavillons de banlieue.

Rashford, dépositaire malgré lui de cet héritage, a démontré, en alertant sur la précarité alimentaire et ses corollaires, que le football et ses vedettes peuvent sans risque s'engouffrer dans cet espace, entre politique et militantisme, et faire bouger les choses. Ils disposent de leviers de pression à faire pâlir de jalousie l'opposition.

On pourrait aussi aisément imaginer un footballeur ex-sans-abri, ou victime du mal-logement, lancer une campagne sur ces thèmes ; ou un ancien réfugié alerter sur le traitement affligeant des demandeurs d'asile et la "disparition" d'enfants (dont certains sont kidnappés par des gangs), l'un des scandales britanniques insuffisamment médiatisés du moment.

Le succès du Mancunien est déclinable et fait des émules. David Wheeler, joueur chevronné de Football League, s'est récemment élevé dans le Guardian contre les abus de l'industrie du pari sportif, omniprésente dans le football.

Renverser la table

Des élans prométhéens annonciateurs d'une nouvelle aube hybride, qui s'oriente vers un activisme soft s'articulant autour de sensibilisations, de bonnes causes, de campagnes humanitaires, pour les droits humains ou contre les discriminations.

Un ensemble d'actions collectives et individuelles qui pourrait par exemple s'appuyer sur une coopération plus marquée avec les fondations de club, brillante invention anglaise enfantée douloureusement dans le marasme des eighties, comme cela est déjà (trop timidement) le cas, par exemple à Middlesbrough FC avec les réfugiés via la MFC Foundation (voir ici).

Le football, par son universalité et sa puissance médiatique hors norme, peut devenir un vecteur de changement dans un paysage contemporain sans cesse chamboulé et en renouvellement constant (un coup de balai "dégagiste" au sommet des instances ne serait cependant pas de trop pour accélérer la transition).

Le rôle social du football, célébré à l'envi par les politiciens, doit s'affirmer et s'inspirer de ce que des disciplines naturellement plus subversives, tels l'art, la littérature ou le cinéma, savent parfois déclencher.

Dans les années 1960, deux téléfilms de Ken Loach défièrent le statu quo et contribuèrent ainsi grandement à faire évoluer les mentalités et la législation. Up the Junction en 1965, sur la question de l'avortement (interdit et pratiqué sauvagement), bouleversa l'opinion publique et nourrit le débat qui déboucha sur sa légalisation en 1967. Cathy Come Home, sur un autre thème, eut le même effet peu après.

Le football ne jouit ni de la liberté de l'art ni du pouvoir réformateur du cinéma, mais il peut efficacement mettre la lumière sur des sujets invisibilisés, et ainsi (r)éveiller les consciences. Les clubs anglais ont beau toujours avoir appartenu aux classes dirigeantes ("à la bourgeoisie capitaliste", comme l'a écrit David Peace), le football, d'essence populaire, a les moyens de s'extraire de sa bulle dorée pour se reconnecter avec ses racines et un passé plus engagé.

Son immense médiatisation planétaire depuis une trentaine d'années, en le projetant dans une nouvelle dimension, a permis sa réinvention. Le football doit porter de nouvelles valeurs, un nouveau "projet", en prise avec son temps. Sur ce plan-là aussi, il peut se réinventer.

 

LIRE AUSSI

Football et politique en Angleterre : hier

 

[1] Wrexham n'évolue qu'en D5 mais le club, repris en 2021 par le duo hollywoodien Ryan Reynolds-Rob McElhenney, attire 10.000 spectateurs de moyenne et paie généreusement ses joueurs. Paul Mullin, touche par exemple 20 000 livres par mois. L'écho médiatique donné à cet incident a donc été conséquent.

[2] Un drame sociopolitique, car intimement lié aux inégalités sociales et à la dérégulation (ou laxisme réglementaire) si chère aux conservateurs, tenus par les lobbies et donateurs qui financent le parti. Lors de la rénovation de cet immeuble entre 2014 et 2016 (logements sociaux occupés par une population multiculturelle et pauvre), pour rogner sur les coûts, l'installateur (avec l'aval de la municipalité du Royal Borough of Kensington and Chelsea) avait utilisé pour le bardage des revêtements hautement inflammables. La liste des défaillances et incompétences est consternante (aucun système d'extincteurs automatiques, une seule sortie de secours, etc. 

 

 

Réactions

  • Delio Onnisoitquimalypense le 10/02/2023 à 20h36
    Merci pour ces deux papiers; ce dernier jette une lumière cruelle sur la quasi absence de prise de position chez les joueurs français.
    Facétie de la rédac' : quand on touite le lien vers cet article, l'image qui apparait est la chaussure ornée du F*** the tories.

  • Gouffran direct le 11/02/2023 à 04h46
    Merci.
    Les gamins kidnappés j'ai appris ça récemment. Quelle tristesse et quelle horreur pour ces mômes.

  • Mangeur Vasqué le 11/02/2023 à 11h00
    @ Delio.

    L’une des raisons, ou pistes de réflexion disons, pour cette différence que tu notes tient en partie, à mon avis en tout cas, au fait que la societé britannique est (devenue) globalement plus radicale, plus dure – surtout évidemment depuis 2010 et l’arrivée des Conservateurs 3.0 – que la societé française, dans ses manifestations concrètes je veux dire. Il est donc plus « normal » ou naturel disons qu’elle suscite des réactions fortes.

    (politiques ultra-néolibérales, cascades de dérégulations dans tous les domaines- lesquelles ont entraîné par exemple l'incendie de la Tour Grenfell, que je cite, toujours pas réglée d'ailleurs cette triste affaire, y'a des centaines de milliers de gens ou + d'un million il me semble, qui vivent toujours dans le même genre de tours d'habitation hyper dangereuses, et aussi des centaines de milliers d'appart invendables à cause de ça, j'y reviendrai -, violence sociale des Conservateurs, positions extrêmes de beaucoup de ministres & députés depuis des années – avec accélération et populisme XXL durant la campagne du Brexit –, corruption généralisée chez les Conservateurs et situation de perma-scandale, normalisation d'une forte “austérité”, inégalités plus prononcées qu’ailleurs en Europe, énorme effet clivant de cette lumineuse idée du Brexit, instabilité chronique depuis 6-7 ans (Brexit, donc) – pas moins de 5 chefs d’État/PM depuis 2016 (!), dont certains non élus, ce qui accentue la colère (Truss, Sunak – et Theresa May, cette dernière certes élue en juin 2017 mais qu’aurait pu rester en poste encore 4 ans après la démission de David Cameron fin juin 2016 si elle n’avait décidé en 2017 de convoquer des élections (juin 2017) pour élargir sa majorité parlementaire (pari raté, elle dut s’allier aux tarés anti-avortement du DUP nord-irlandais lien pour avoir un semblant de majorité hyper fébrile, et dut leur (IdN) filer un tas de £££ en “subventions” car la boss du DUP, Arlene Foster, ne cessa de faire chanter May), avec sans arrêt de nouveaux gouverments et remaniements ; on en est par exemple au 9ème ministre de l’Enseignement depuis 2014 (!), au 8ème ministre de la Santé depuis 2015, etc. – volonté récurrente depuis le référendum de 2014 de sécession d’une grosse partie du pays – l’Écosse pour ne pas la nommer, et ça s’agite au Pays de Galles, avec un bordel aussi sans nom en Irlande du Nord où le parlement de Stormont à Belfast ne siège quasiment plus depuis 2017, les deux partis principaux refusant de bosser ensemble, contrairement aux accords du Vendredi Saint d'avril 1998 qui stipulaient un partage du pouvoir , en gros entre catholiques et protestants, donc entre Sinn Féin pro rattachement à la République d’Irlande et le DUP pro britannique, qui obstrue le processus depuis des années, + trois ou quatre autres petits partis –, etc.).

    Également le fait qu’il y a beaucoup plus de footballers (et donc d’anciens) en Angleterre qu’en France, l’assise est donc plus large.

    Y’en a quand même quelques-uns en France qui se sont signalés ou engagés socialement/politiquement ces dernières années. On peut citer Dhorasso, Di Méco, Kastendeuch, Niang, Fabien Cool, Cobos, Chamakh, Thuram, Cantona un peu (aide aux réfugiés et peut-être sur les rézos, je sais pas)…

    Ils le font certes souvent plus discrétement. La colère de Neville Southall ou Peter Reid reflète la situation britannique que je décris ci-dessus dans ce poste (Peter Reid, que ni Lilian Laslandes ni l’ami Martyn McFadden de Sunderland ne portent dans leur cœur… Voir fin d’interview, photo de Laslandes et Peter Reid, qui fut manager Black Cat de 1995 à 2002 lien. Reid avait même physiquement agressé Martyn McFadden, comme relaté dans l’interview).

  • Mangeur Vasqué le 11/02/2023 à 12h27
    @ Gouffran.

    C’est ignoble. Cas d’agressions sexuelles aussi lien. Des entreprises (privées évidemment) sont censées protéger ces hôtels et centres mais bon (et trop souvent ces sociétés emploient n’importe qui).

    Comment peut-il en être autrement quand t’as des tabloïds (comme le Sun) qui préconisent en toute impunité d'attaquer les embarcations des migrants sur la Manche avec “des navires de guerre” lien, que la politique d’accueil des demandeurs d’asile (2 à 3 fois moins qu’en France par an sur ces 10 dernières années, c'est pas non plus "l'invasion" dont parlent en boucle Priti Patel et Suella Braverman, respectivement ex et actuelle ministre de l'Intérieur, toutes deux d'ailleurs filles d'immigrés) se résume pour les Conservateurs à les envoyer au Rwanda, et qu’au plus haut sommet de l’État, des ministres/ex ministres, ou même le fraîchement nommé vice-président du Parti conservateur (l’extrême-droitisant Lee Anderson, député d’une circo du Nottinghamshire et transfuge du Parti travailliste, un cas celui-là… Y’a quelques jours il prônait une baston navale dans la Manche vs la flotte française sur la question des migrants…
    lien “Lee Anderson called for a naval ‘standoff’ in the Channel over small boats”) et une bonne douzaine de députés conservateurs attisent la colère et ainsi encouragent les nervis d’ultra-droite à commettre des horreurs.

    Y’a déjà eu des attaques et menaces contre des hôtels et centres d’hébérgement pour demandeurs d’asile et refugiés, eg lien (ces derniers ayant donc le statut et droit de résidence, contrairement aux demandeurs) par exemple en indiquant où ces gens sont hébergés.

    On voit où ça mène, cf les horreurs de hier soir sur Merseyside où plusieurs centaines de tarés de Patriotic Alternative, de Britain First et/ou de l’English Defence League + National Action ont voulu attaquer un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile. La police était heureusement là pour les empêcher. Ils ont brûlé un fourgon de police.

    lien

    lien

    (clip) lien

    Qu’on permette à ces pauvres gens de bosser dès leur arrivée bordel au lieu d’attendre que le Home Office examine leur demandes. Jusqu’à 3 ans d’attente, même + de 5 ans dans certains cas ! lien “More than 40,000 people seeking asylum in the UK have waited between one and three years for a decision on their claim […] Figures from the Refugee Council also showed that a further 725 people – 155 of them children – have been waiting for more than five years for their claims to be evaluated by the Home lien).

    C’est certainement pas le boulot qui manque. Rien que dans le secteur santé et celui du “social care”, c’est 300 000 demandes d’emploi non pourvues lien (chiffre officiel donc c’est forcément plus).

    Faut dire que cette lumineuse idée du Brexit n’a guère aidé en la matière…“The system came into force in January 2021 and by June 2022 there was a shortfall of 460,000 EU workers, the research found”. Énorme turnover aussi dans le secteur du “social care” surtout, où presque 25 % des employés sont en contrat d’hyper-précarité de type “zéro heures” (“Almost a quarter of the adult social care workforce – 24%, or 358,000 filled posts – were employed on zero-hours contracts”). Beaucoup aussi ne sont payés que sur le temps effectif passé avec la personne à aider (âgée, handicapée, etc.). Donc, le trajet des 5-10 minutes de voiture (ou plus, en vélo, comme j’en connais) entre chaque patient ne leur est même pas compté en temps de travail.

  • Delio Onnisoitquimalypense le 11/02/2023 à 18h06
    Merci pour la réponse détaillée sur la conflictualité dans la société du RU par rapport à la France (et on peut étendre aux 80's et Thatcher). Les noms que tu cites pour les footeux français amènent à une autre remarque : leurs engagements relèvent plus du sociétal que du social, pour reprendre une vieille distinction.

  • Mangeur Vasqué le 12/02/2023 à 13h20
    AS : au sujet de Sol Campbell, il manque la légende sur la photo “Let’s Take back Control”, ché pas où elle est passée. “Sol Campbell, le 3 juin 2016, lors de l’étape londonienne du ‘Brexit Battle Bus’”. Pour ceux qui ne le (re)connaîtraient pas, ou pour les supps Spurs qui font un blocage et ont perdu la mémoire, Campbell est entre Boris Johnson et Priti Patel.

    @ Delio.

    (en liminaire, pour te placer un peu Suella Braverman, ministre de l'Intérieur, que je mentionne dans mon poste précédent, y'a 4 mois Braverman déclarait avec un grand sourire, comme une ahurie dans une secte, "que son rêve et obsession est de voir décoller un avion plein de demandeurs d'asile vers le Rwanda"...
    lien, "Suella Braverman has said that seeing a flight take asylum seekers to Rwanda is her “dream” and “obsession”. Elle a clairement des tendances psychopathes d'extrême-droite hein, comme la précédente, Priti Patel).

    Effectivement. Il est vrai que qu’importe le contexte, les causes sociales sur lesquelles s’engager, ne serait-ce que via les rézosocios, ne manquent pas. La grosse différence avec la France a l’air surtout de se faire là-dessus (l’engagement) et dans l’intensité dans la réaction. Là encore, relativisons car il s’agit seulement d’une poignée de footballeurs et ex footeux, comme précisé en intro (“Ou plutôt, quelques voix s'élèvent ici et là depuis peu. Un épiphénomène à l'échelle du football”), mais ils sont souvent virulents ou à tout le moins réactifs.

    Pas de Rashford, Reid, Southall, Warnock, Sterling ou même de Lineker en France. Ce dernier, c’est surtout le rejet du Brexit qui l’anime (évidemment on n’a pas ça en magasin en France. Fort à parier quand même qu’un Frexit, rendu quasi impossible par la constitution mais admettons, en réveillerait quelques-uns).

    La binarité travailliste/conservateur (à géométrie politique variable mais qui actuellement se traduit par : “Centre vs Droite ultralibérale très dure) n’existe pas en France, pas sur ce schéma en tout cas, même si les extrêmes existent et se portent bien en France. Pays où le multipartisme et le système électoral à deux tours conduisent vers une certaine forme de dilution, de compromis (avec grosse injection de vote utile), forcé certes mais bien réel comparé à ici.

    Cette culture du compromis politique (dans son acception large – coalitions/alliances, arrangements, front républicain, désistements en faveur d’autres candidats au 1er ou 2è tour, non désignation de candidat, etc.) est quasi absente ici en Angleterre. C’est une culture forgée dans la pléthore d’élections locales (municipales, départementales, regionales), qu’on a pas ici ou de manière beaucoup moins marquée. Ça “mollifie” les réactions et le débat disons, en règle générale.

    Tandis qu’ici, tout comme aux USA, t’as deux gros blocs historiques, Parti conservateur et Parti travailliste, qui même s’ils partagent pour l'essentiel des caractéristiques fortes (eg néolibéralisme, goût pour la privatisation et les dérégulations) sont toujours en opposition. Électoralement, il se doivent de l’être, et tout ça installe la polarisation.

    Je vous fais ça dans les grandes lignes car évidemment, ce n’est pas toujours aussi tranché niveau électorat. Y’a le pro Union Européenne LibDem également, il ne remporte pas bcp de sièges mais peut jouer les arbitres dans pas mal de circos disputées. Il ne tourne qu'autour de 7-8 % aux trois dernières General Elections (il fit beaucoup plus en 2005 et 2010, certes périodes plus consensuelles) mais qui, vu la nature régime parlementaire du Royaume-Uni, empêche le Parti travailliste de gagner ou d'avoir une chance de le faire en tout cas dans nombre de circos. Également : le % élevé d’électeurs flottants entre ces deux gros blocs Conservateurs-Travaillistes, en général un tiers (et je ne parle pas des 16 millions d’absentionnistes réguliers aux General Elections).

    Et, depuis la forte droitisation du pays, y’a des points communs entre les deux partis dans les attitudes, par exemple face à l’Union Européenne, position pour le moins équivoque au Parti travailliste sauce Keir Starmer. Ce dernier copie l’idéologie et la stratégie Blairiste (les positions très pro-UE en moins) alors qu’il devrait arrêter d’avoir le cul entre deux chaises, il faut se démarquer 100 % des Tories pour maximiser les voix, comme le fit Corbyn en 2017 : 40 % des voix pour le Parti travailliste – versus 30 % deux ans plus tôt pour Labour sous Ed Miliband –, vs 42 % à Theresa May, laquelle malgré ce score kif-kif profita d’un découpage électoral favorable, ainsi que de la confirmation de l’effondrement du Labour en Écosse au bénéfice des indépendantistes du SNP, pour l’emporter de 55 sièges.

    Faudrait pour booster son % surtout se démarquer des Tories sur l’UE (qui commencent à réagir à ce niveau, pour limiter les dégâts et sauver ce qui peut l'être aux prochaines élections car même une bonne partie de leur électorat, qui a voté à 80 % pour Brexit, s'est retournée contre le Brexit, ici par exemple, aujourd'hui dans le Guardian/Observer lien. Pis y'a un tas de secteurs, acquis aux Conservateurs, qui s'en "rendent compte" douloureusement, le business et l'agribusiness par exemple, aujourd'hui par ex. : lien). Un Labour pro-UE pourrait piquer plein de voix aux LibDems et attirer pas mal de flottants, électeurs qui ont tendance à suivre le mouvement.

    Après, la position de Starmer n'est pas enviable, ça tient un peu quand même du numéro d’équilibriste car il ne tient pas à faire fuir les millions de “Red Wallers”, les électeurs travaillistes qui ont voté Brexit, ceux que l’expression “Freedom of Movement” effraie (l’un des quatre piliers de l’UE, élément clé du Marché Unique, l’option la plus conseillée à Starmer pour “se rapprocher” de l’UE, qui ne veut pas en entendre parler, officiellement en tout cas. Il laisse la sauce anti-Brexit monter à mon avis, même les Conservateurs commencent à réfléchir non-officiellement à des "options de type suisse" - un arrangement complexe, enfanté dans la douleur, basé sur 100+ traités individuels, dû à la situation politique et géographique suisse, que l'UE ne refera jamais - pour se rapprocher de l'UE).

    Starmer refuse de parler du Brexit et de l’UE, et stratégiquement c’est une erreur. Starmer n’imprime pas : 40 % de “dissastisfied” dans un récent sondage, où il n’a que 7 points d’avance sur Sunak alors qu’il devrait en avoir 20-25. Il nous sert un extrême-centrisme qui certes vaincra sans doute les Conservateurs dans 2 ans (guère difficile), mais sans pour autant faire triompher les Travaillistes, cô le fit Blair en 1997 (époque différente). Ça sera du “par défaut” qui pourrait leur coûter cher aux élections suivantes, alors qu’ils auraient un boulevard pour rester au pouvoir 2 ou 3 mandatures, surtout s’ils jouent cette carte de l’Europe/l’UE (du rapprochement avec l’Europe veux-je dire). Ah, l’Europe, cette nouvelle “star” de, et plébiscitée par, l’électorat britannique, un poil girouette…

    Un Parti travailliste équivoque face à l’immigration aussi – à savoir qu’il ne faut pas trop compter sur Labour pour relever le niveau, faut bien qu’ils choyent leurs “Red Wallers” brexitants, cf la réaction assez minable de Rachel Reeves, ex économiste à la Bank of England et, depuis un an environ, propulsée numéro 2 de facto du Parti travailliste (la #2 officielle – Angela Rayner – a été plus ou moins écartée, fait trop peur au monde de l’entreprise/du business et a commis trop de sorties de route pour Starmer, qualifiant notamment Boris Johnson et les principaux ministres conservateurs de “homophobic, racist, misogynistic scum” (scum = ordure) lien, et a refusé de présenter des excuses).

  • Mangeur Vasqué le 12/02/2023 à 14h07
    Oops, manque une phrase dans le dernier paragraphe :

    “cf la réaction assez minable de Rachel Reeves suite aux lamentables incidents de vendredi soir près de Liverpool (devant un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile), fomentés par la nébuleuse néonazie britannique, Alternative Patriots en tête, avec vraisemblablement Mark Collett à la manoeuvre lien. Un charmant personnage ce Collett : lien "Mark Adrian Collett is a British neo-Nazi, anti-semitic conspiracy theorist and political activist. He was formerly chairman of the Young BNP, the youth division of the British National Party (BNP), and was director of publicity for the party”.

    Bon, et il faudra toucher deux mots du “cas” Matt Le Tissier, volontairement omis dans l’article (déjà très long), car il ne s’arrange pas. Il est en roue libre depuis le Brexit (quelques tweets pro-Brexit/anti-immigration, du banal quoi, dont quelques-uns ensuite effacés je crois) mais là depuis le Covid, l'invasion russe et les embarcations de demandeurs d'asile dans la Manche, il dévisse totalement. Sa dernière sortie est assez wtfesque. Très triste à vrai dire tout ça.

  • Red Tsar le 13/02/2023 à 12h32
    Merci pour ces deux articles très denses et pourtant très agréables à lire.
    J’ai quelques questions au sujet de la Super League :
    - la contestation était-elle une réaction épidermique liée à la volonté de préserver l’identité des clubs/du championnat ou y avait-il un versant politique explicite et assumé ?
    - si la contestation était en partie politisée, était-ce plutôt autour d’arguments type Brexit ou plutôt une remise en cause de la marchandisation du football ? Les deux ?
    - enfin, le sujet de la Super League fait-il toujours parler en Angleterre ? Si oui, de quelle manière ?

  • Mangeur Vasqué le 13/02/2023 à 20h34
    Merci.

    Alors, en espérant interpréter correctement tes questions, voici mon ressenti :

    1) L’implication instantanée du gvt Johnson au printemps 2021 a surtout été motivée par la forte colère collective générée (effet suiviste et intéressé), initiée par la réaction des supps qui ont d’emblée rejeté avec véhémence cette Super League (supps des 6 clubs de PL impliqués, pour rappel : Arsenal, Chelsea, Liverpool, Man City, Man United et Tottenham – réactions virulentes à Chelsea, Man United et Liverpool en particulier).

    Le populiste Johnson est de suite monte au créneau évidemment, disant que tout ça allait contre les intérêts du pays (limite complot venu de l'étranger), qu'il fallait redonner le pouvoir aux supps, etc. lien. Vu que tout le monde était contre, on voyait mal Johnson soutenir ces 6 clubs sécessionnistes de toute manière, indépendamment de ses opinions sur le sujet (s’il en a).

    On était encore en pleine pandémie, avec les tensions et sacrifices que la période a suscité. Une bonne partie de la saison 2019-20 (qui contrairement à la France, s’était poursuivie) avait été à huis clos. Une année très éprouvante pour tous, gens à fleur de peau, alors cette idée saugrenue de SL, arrivée comme ça de nulle part si brutalement, a été un peu la goutte d’eau.

    Timing pas top de la part des initiateurs du truc.. Y’avait toujours de fortes restrictions de mouvement et de rassemblement dûs au Covid, alors peut-être ces clubs se sont-ils dit que c’était le moment de frapper because peu de gens/supps braveraient les interdictions et restrictions (détails ici lien ou là lien). Notamment interdiction de réunion de + 6 personnes dehors. On verra plus tard que ces restrictions ne s’appliquaient pas au 10 Downing Street…

    Vécu comme une trahison pour bcp, et une preuve supplémentaire de la vénalité des proprios. Même on si on ne fait plus d’illusions depuis longtemps sur la nature de ce football-business, y’a tout de même des lignes rouges à ne pas franchir, facteur que ces proprios ont clairement ignoré ou minimisé. Même en connaissant la bête, beaucoup de supps ont été choqués de la perversité et du cynisme froid de la manoeuvre, vouée à l'échec (ça montre la déconnection totale de ces gens, qui vivent souvent bien loin de l'Angleterre. Un peu étonnant de voir Daniel Levy tremper là-dedans, le seul Anglais du lot (il vit partiellement à l'étranger mais bon, il est censé connaître le foot anglais qd même bien mieux que les autres et aurait dû se douter de la réaction. Ou alors, il n'en a plus rien à foutre, lassitude en quelque sorte, possible aussi vu qu'il est à la tête de Tottenham depuis 20 ans).

    La Premier League plc, les médias, assos de supps (FSA, Football Supporters' Association) et les 14 autres clubs de PL se sont rapidement joints aux protestations, y compris celle de la FA et de l’UEFA. La PL a menacé les clubs de sanctions. Même certains joueurs et dirigeants ont protesté (ils n'étaient pas au courant, ont-ils dit). En à peine 48 heures, les 6 clubs anglais avaient fait marche arrière.

    Le fait que tout ça ait été fait en loucedé, par des proprios qui vivent à des milliers de kms et qui à l’évidence se moquent des traditions a bien chauffé les gens, supps et médias.

    Oui, la préservation de l’identité, des traditions, de la forte culture de club, a prévalu. Ainsi que les “à-côtés”, les aberrations du type championnat fermé (modèle US), totalement étranger à la culture footballistique britannique et européenne. Les 6 clubs ont donc été très surpris de la virulence des protestations, visiblement ils ne s’y attendaient pas du tout ces idiots.

  • Mangeur Vasqué le 13/02/2023 à 20h42
    Ta 2ème question (Si la contestation était en partie politisée, était-ce plutôt autour d’arguments type Brexit ou plutôt une remise en cause de la marchandisation du football ? Les deux ?)

    2) Plutôt une remise en cause de la marchandisation et du foot-business XXL. Je ne me souviens pas avoir détecté des traces de Brexit dans cette histoire.

    Oui, tout ça été politisé, dans la mesure où Johnson a fait de la récupération, a joué les bienfaiteurs, etc. Il a notamment jeté concrétement les bases de cette idée de “régulateur indépendant du football anglais” (idée en fait promise par le gouvernement depuis 2019, suite au redressement judiciaire de Bury FC, assez médiatisé car c'est devenu relativement rare, bcp moins courant qu'avant disons).

    Un projet qui inter alia prendrait en compte l’avis des supps dans la gérance du club, etc. Cette idée de régulateur s'est évidemment développée contre la volonté de l’instance Premier League, dont le rôle s’en retrouverait diminué, l’instance PL serait comme émasculée dans l’histoire.

    Mi avril 2021, le gouvernement a donc (re)lancé le truc et une consultation (de 6 mois) a démarré, auprès de 130 clubs, assos de supps, organisations diverses, etc. voir détails ici lien (“a fan-led review” voir ses recommandations ici : lien).

    En phase projet de loi à la House of Commons actuellement, l'AN britannique. C’est une démarche parlementaire, donc projet de loi avec navette parlementaire etc. On peut suivre son progrès au parlement (House of Commons et, plus tard, House of Lords) ici lien (comme on peut le voir, elle n’en est qu’au tout début du long processus. La première lecture a eu lieu le 26 janvier 2021 et la deuxième lecture, l’étape suivante, n’a pas encore eu lieu… – le processus avait donc clairement été arrêté quand est survenu cette histoire de Super League en avril 2021).

    Le processus doit en principe voir le jour fin 2023, selon les dires du gvt actuel (mais on peut douter de cette date), avec promulgation de loi en 2024 et démarrage saison 2024-25 (mais j’ai aussi lu “sous les cinq ans”. J’ai vu des projets de loi qui traînaient 5-6 ans au parlement, le plus souvent car ils étaient interrompus ou en sommeil pendant des années, pour X raisons). Après, il sera intéressant de voir comment se répartissent les compétences de chacun... (ce régulateur et la PL, clash a prévoir)

La revue des Cahiers du football