France 2 Foot investigation
La couleur est annoncée dès le sommaire: France 2 Foot est parti enquêter (à charge) chez les Verts. En emportant des conclusions toutes prêtes.
Auteur : Salif T. Sacha
le 22 Jan 2008
"Des choix tactiques défaillants, une communication spéciale, un climat pesant, des résultats en dents de scie, des joueurs confirmés humiliés, des jeunes bridés, le Saint-Étienne de Laurent Roussey n'a pas grand-chose pour lui, ce sera l'enquête de France 2 Foot". Fichtre! Le tout sans même reprendre son souffle. L’apnée s’avèrera t-elle à la mesure de la profondeur de l’enquête? Et surtout: l’avocat de la défense bénéficiera-t-il du même temps de parole que le procureur?
Crise à l’Association sportive d’Étienne
Sonia Dauger, envoyée sur place pour couvrir le conflit, dévoile ses carnets de guerre: "Au lendemain d’une défaite assez pathétique à Valenciennes, une centaine de supporters envahit le centre d’entraînement de l’ASE (sic). S’il fallait un signe de plus que la crise a bien éclaté chez les Verts, le voilà!" Une description mesurée du contexte sert toujours le propos…
Le témoignage de Jérémie Janot n’étant pas jugé assez représentatif, autant le discréditer avant de le diffuser: "Cette semaine, on a manié allègrement et sans vergogne la langue de bois. Qu’on se le dise, les Verts sont sereins…" Le gardien stéphanois peut évoquer la bonne ambiance régnant dans le vestiaire, on ne la fait pas à la journaliste: "Le hiatus existe bel et bien, et la pomme de discorde, c’est lui, Laurent Roussey, l’entraîneur". Le téléspectateur attend toujours le premier argument.
Dommage collatéral
La visée est calée. Ne reste plus qu’à vider le barillet: "Tétanisé par les erreurs commises à Lens, il opte pour un coaching attentiste, et ne fait entrer un deuxième attaquant qu’à un quart d’heure de la fin. Saint-Étienne s’incline 3-2 alors que Le Mans était réduit à dix depuis la première mi-temps. Des erreurs de débutant qui, pour beaucoup, remettent en cause les compétences de Roussey". On ne saura pas qui sont ces mystérieux "beaucoup". La journaliste n'essaiera pas de pousser son enquête jusqu'à justifier ses accusations. Elle est lancée, rien ne saurait l’arrêter: "Comment se fait-il qu’un bleu dirige les Verts? Lui reste droit dans ses bottes, serti de certitudes et imperméable à la critique". La bonne vieille thèse du savonnage de planche d’Ivan Hasek rejaillit, accréditée par la journaliste qui souligne que l’ancien coach "ne dément pas vraiment"… ni ne confirme pas vraiment, mais qu’importe.
La conclusion s’impose: l’annonce de la future-probable éviction du technicien qui "pourrait être un dommage collatéral des luttes intestines qui agitent son club. Tout sûr de lui soit-il, il a compris que le temps se couvre vite dans le Forez". Pour faire mine d’adoucir la note, Denis Balbir osera même un peu plus tard dans l’émission un ironique: "Saint-Étienne a gagné hier, et vive Laurent Roussey!"
Apprentis journalistes, si vous cherchiez un modèle de reportage à charge, dépourvu de mise en perspective, basé sur des spéculations et favorisant le licenciement d'un salarié, prenez des notes.