Honte
Dans un impardonnable accès de démagogie, Christophe Bouchet réclame la réattribution à l'OM du titre de 1993...
Alors que nous mettions la dernière main à notre article sur la double commémoration de l'affaire VA-OM et du titre européen de 93 et sur ses non-dits (10 ans et 6 jours), le nouvelle est tombée sur notre écran avec un sinistre écho. Christophe Bouchet, président de l'OM, réclame à la Fédération de "lever la suspension du titre remporté sur le terrain en 1993" (1).
Jusque dans sa formulation, l'ignominie de cette revendication est éclatante… "Remporté sur le terrain"… On croit rêver. En qualifiant de "plaie ouverte" et de "cicatrice honteuse" une affaire dont étaient à l'origine les dirigeants véreux de son propre club, Bouchet inverse totalement les responsabilités, avec une impudence exorbitante. La plaie ouverte, ce sont bien les pratiques de l'ère Tapie, révélées par l'affaire VA-OM, et ce qu'elles ont semé de tristesse et de honte à Marseille et dans toute la France du foot… Les sanctions qui avaient frappé l'OM n'étaient que justice, justice imparfaite et cruelle certes, mais elles avaient résulté d'exactions intolérables. L'OM s'en était relevé, et l'on croyait même depuis un an qu'il avait renoué avec toutes les vertus qui doivent présider à sa destinée.
C'est son propre bilan que Bouchet ternit aujourd'hui. On savait qu'en endossant son costume, le président de l'OM avait cyniquement épousé les conceptions les plus bêtement libérales du football moderne, on ignorait qu'il allait mettre ses pieds dans les traces du plus tristement illustre de ses prédécesseurs. Car le voilà en vil démagogue, prêt à rallumer les vieilles haines et à bafouer l'éthique la plus élémentaire du sport en endossant le discours d'un Bernard Tapie toujours enclin à accuser les autres des conséquences de ses propres errements… La démarche est purement juridique, et se base sur le fait que la suspension d'un titre n'est pas prévue dans les règlements de la Fédération… Un vide juridique qui fait écho à un vide moral terrifiant de la part du président marseillais, et à un cynisme de première ampleur.
Si ce type a été journaliste, ce fut dans une vie antérieure. La France est probablement le seul pays au monde où un titre de champion n'a pas été attribué au second du classement quand le premier a été convaincu de corruption. Cette décision était pourtant frappée du sceau du bon sens: ce second étant le PSG, il n'était pas besoin de jeter de l'huile sur ce feu… Mais quelle conception du sport complètement tordue amène aujourd'hui Bouchet à considérer que des faits de cette nature puissent ne pas remettre en cause le "résultat sportif" d'une compétition? Il atteint l'hypocrisie la plus totale en affirmant que l'OM a "largement subi sa peine" et que "sans jamais oublier les faits (..), cette période de 10 ans permet de lever cette suspension". Il se permet même de considérer que la levée de cette sanction serait un "signe fort" pour Marseille et les supporters marseillais. Et un signe fort pour tous les amateurs de football, Marseillais compris, afin de les en dégoûter définitivement?
Bouchet a-t-il été grisé par sa victoire sur le dossier des droits télé? Se trouve-t-il du génie d'avoir redressé la situation sportive et économique de l'OM? Se sent-il pousser une vocation politique locale? Il vient probablement de commettre une erreur en sacrifiant la plus élémentaire décence à ses propres ambitions, et l'on espère qu'il paiera au prix fort cette basse manœuvre. Cela dit, dans un monde du football qui ne sanctionne que d'une suspension de stade avec sursis les exactions pitoyables constatées à Ajaccio, on se doute que tout est possible. On se souvient aussi qu'en 98, le président de la Fédération, dans un accès de lâcheté, n'avait rien trouvé de plus intelligent que de présenter des "excuses" aux supporters marseillais…
(1) Les citations sont toutes extraites du site officiel de l'OM.