La Gazette, numéro 1
un grand millésime?
Le championnat est donc bien lancé, mais pas vraiment sur des rails: il nous fait retrouver les mêmes incertitudes que la saison passée, en lui ajoutant si possible un titre moins vite joué. Les cartons des Girondins et des Troyens, la victoire marseillaise en principauté, le derby électrique à St-Etienne, la confirmation lensoise ont fait monter d'un cran l'intensité. Il faut s'attendre à tout, et tant mieux.
Les trois grands favoris connaissent des ratés à l'allumage et engrangent les inquiétudes pour l'automne, à quelques jours de leur entrée en Ligue des champions. Avec quatre nuls et une seule victoire, Lyon reste au plancher, Monaco est en pleine crise de confiance et Paris, qui s'en tire mieux au décompte des points, vient de se faire renvoyer dans les cordes par le plus petit budget de France... Rennes et Bordeaux redressent à peine la tête, tandis que celle de Courbis garde encore une expression modeste. Les outsiders de tous poils se placent donc aux premiers rangs de ce peloton très groupé: le classement est parti pour être aussi serré qu'en 99/2000, et la compétition sera peut-être encore plus imprévisible, avec des contre-performances pour tout le monde, et espérons-le un suspens terrible dans toutes les chaumières.
qui est hors-jeu?
Encore un épisode banal des méfaits du commentaire télévisuel lors de la retransmission de Monaco-Marseille, avec la dissection interminable du ralenti d'un hors-jeu incertain. Journaliste et consultant sont capables de déblatérer sur une action déjà jugée, sans se rendre compte une seconde que les images ne permettent absolument pas de juger. Dans l'exemple, la position se jouait un dixième de seconde et dix centimètres, comme c'est souvent le cas: l'affaire était tout simplement indécidable, car qui peut prétendre mesurer un écart aussi infime? Ni œil humain, ni caméra vidéo.
Les partisans de l'arbitrage vidéo devraient d'ailleurs consulter ce genre d'exemple, s'ils prétendent pouvoir décider impartialement en toute situation. Sur l'image arrêtée, les épaules de l'attaquant étaient hors-jeu, mais pas ses pieds... Or quelle précision dans les lois de l'International Board stipule à quelle partie du corps la position doit être jugée? Faudra-t-il adapter des dispositifs comme ceux qui fonctionnent à l'arrivée d'un 100 mètres?
Alors imaginons que des juges devant un écran prennent l'une ou l'autre décision, dans des circonstances aussi indécidables et plus dramatiques. Quel retentissement aurait leur décision, totalement subjective mais prise de sang froid, dans le camp lésé qui aurait tout loisir de conforter sa propre opinion en revoyant les images?
deux mois pour survivre
Après avoir fait les gros yeux au monde du football (ou plutôt à son village VIP), la Commission européenne lui a accordé deux petits mois pour rendre une copie acceptable. L'UEFA a annoncé la création d'un groupe de travail, dirigé par Per Omdal, vice-président (et membre du Comité exécutif de la FIFA), pour faire des propositions. Avec plusieurs objectifs: préserver ce qui peut l'être du système des transferts, protéger la formation et au moins obtenir une période de transition. Comme le dispositif proposé devra être conforme au droit européen, l'exercice tient de l'équilibrisme. Viviane Reding, la commissaire européenne, a pris acte de cette volonté, n'excluant pas de tenir compte des "spécificités du sport et du football" (AFP 07/09), mais la fermeté et l'urgence restent de mise. La tempête souffle toujours, et la cabane est secouée...
les initiés et les autres
À ce propos, la remise en cause prochaine du business des transferts suscite quelques interrogations rétrospectives. À l'intersaison, nous avions pu voir dans les infographies (L'E 02/08) à quel point les clubs français étaient représentés dans le top 20 des plus gros investisseurs sur le marché: le PSG, Monaco et le Stade rennais figuraient loin devant certains cadors européens étonnamment discrets, comme Manchester Utd, Arsenal ou le Bayern.
Tiens donc, comme s'ils avaient anticipé l'abolition... À bien y réfléchir, les entreprises hautement stratégiques que sont devenus les clubs devraient être dotées de cellules de veille stratégique, et l'on ne s'étonnerait pas d'apprendre que les clubs cités le sont véritablement. À la pointe du management moderne, les clubs anglais ont peut-être compris avant les autres que l'affaire était très mal engagée à Bruxelles. Les premières procédures datent d'un an, et l'avertissement de mai dernier avait été sévère... Les gros investisseurs espagnols, italiens et français auraient ainsi commis une grossière erreur de management en signant autant de chèques. Ces centaines de millions en monnaie de singe?