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La saga Lee Sharpe / 2

Lee Sharpe, le prodige qui ne sut pas prendre le tournant de la Premier League: deuxième volet de l'histoire d'un joueur qui a noyé sa carrière dans un jacuzzi.
Auteur : Kevin Quigagne le 30 Août 2010

 

Graham Taylor appelle Lee Sharpe pour sa première cape en mars 91. Le Mancunien y voit une chance d’échapper aux responsabilités écrasantes que Ferguson veut lui voir assumer: "J’ai vécu ça comme un grand bonheur, car je redevenais ce gamin dont personne n’attendait rien. Graham Taylor m’avait rassuré «Ecoute Lee, ne t’en fais pas, joue ton jeu et fais-toi plaisir, tu auras d’autres occasions de briller en équipe nationale»".


Rendez-vous manqué avec la sélection

lee_sharpe_8.jpgLa concurrence est rude: l’ailier John Barnes a claqué 22 buts en championnat la saison précédente (1989-90 – 18e et dernier titre en championnat pour les Reds). Mais le Liverpuldien déçoit sous le maillot anglais. En fait, les mots rassurants de Taylor sur les autres occasions de briller en équipe nationale s’avéreront bien optimistes. Sa période en sélection nationale sera brève et erratique. De l’âge de 20 ans à 22 ans, il disputera huit matches sur deux ans et demi, pour zéro but. Blessé, il ne participera pas à l’Euro 92. La pression s’accumule sur ses épaules de noceur. Élu meilleur jeune joueur PFA, désigné comme l’un des artisans du retour tonitruant sur la scène européenne des anglais, sélectionné avec l’équipe d’Angleterre à 19 ans, tout devient trop dur a gérer pour le jeune Lee. Mentalement, les premières fissures apparaissent: "Tout le monde parlait de moi, tout le monde comptait sur moi, j’étais adulé, et moi je me disais: «T’es pas un peu chanceux, Lee? T’as pas un peu trop tiré sur Lady Luck?» C’est à ce moment précis que j’ai commencé à me poser des questions, à sentir le doute m’envahir…".

Sa dernière cape (à 22 ans) sera fêtée le 13 octobre 1993 par une défaite peu glorieuse 2-0 contre la Hollande à Rotterdam. L’Angleterre n’ira donc pas aux USA. Sharpe ne s’imposera jamais en équipe nationale, et cette nouvelle saison 1991-1992 en club ne démarre pas sous les meilleurs auspices, car les ennuis (de santé) commencent.



Une talonnade de génie et… c’est tout

1991-1992 sera marquée par de sérieuses blessures et une méningite qui l’éloigneront des terrains plusieurs mois. Quand sa forme est de nouveau au rendez-vous, il est barré à l’aile gauche par un petit jeune devenu indispensable: Ryan Giggs (titulaire dès 1991-92). Sharpe doit reculer et évoluer latéral gauche, voire à droit…  Entre 1992 et 1995, une autre équipe se forme sans lui: Irwin le barre à gauche, l’Ukrainien Kanchelskis lui pique sa place à droite, Cantona est à la baguette dès 92-93. La carrière de Sharpe à United se déroulera désormais en pointillé. Les saisons se suivent et se ressemblent: Lee n’est plus qu’un joueur d’appoint.

Il connaîtra un sursaut en 1994-95. Cette saison est déjà la septième de Sharpe à United. Il est à nouveau indisponible (fracture de la cheville) mais c’est également le cas d’une grande partie de l’effectif (Giggs souvent indisponible, Cantona suspendu huit mois). Sharpe est alors aligné quand il est en forme, et s’en tire pas mal, comme cette sublime talonnade-but sur un centre contre le Barça en Ligue des champions 94-95. Mais cette saison est maudite pour United (qui finira certes deuxième, mais sans trophée pour la première fois depuis six ans). Blackburn et son duo SAS de choc à cinquante pions – Shearer And Sutton – en profite pour remporter le titre.


Après Giggs, Beckham…

La saison suivante (1995-1996) inspire à notre héros un regain d’espoir. Il n’a alors que 24 ans et Fergie veut faire de la place aux jeunes pousses aux dents longues (les Neville, Butt, Scholes et Beckham…) et élaguer le chêne United de ses quelques branches vieillissantes ou un peu pourries. Exit Hughes et Ince notamment, mais aussi Kanchelskis. Sharpe peut revendiquer une place de titulaire sur le côté droit. Malheureusement, après avoir dû se cogner l’apparition XXL du monstre du Loch Ness (Fergie), et avoir dû endurer l’éclosion du monstre du football gallois (Giggs), Sharpe doit maintenant assister impuissant à l’apparition du monstre du football anglais: David Beckham, 20 ans, toutes ses dents, et de l’ambition pour onze.
Même s’il joue beaucoup et plutôt bien cette saison, fructueuse pour United (doublé titre-coupe, Cantona est revenu en octobre 95), ses jours dans l’effectif sont comptés, car à 24 ans, Sharpe est déjà sur la pente descendante. Il marquera sept buts cette saison-là dont le dernier le 10 février 1996. Il ne le sait pas encore mais en février et mars 96, il a quasiment tiré ses dernières cartouches en championnat pour les Diables Rouges…

lee_sharpe_7.jpg

Les ennuis "extra-sportifs" avaient déjà commencé vers 1992-94 pour Sharpe. Pas grand-chose, quelques broutilles, mais à la saveur particulière pour les tabloïds qui ont repéré en Lee Sharpe une cible idéale dans la lignée de George Best, le "produit Gascoigne" commençant un peu à tourner en rond et à faire peur. Les Red tops marquent désormais Sharpe à la culotte, épiant et grossissant chacun de ses faits et gestes, comme la presse-caniveau sait si bien le faire. Et Lee est plus qu’un bon client, on jurerait presque qu’il a des actions dans les tabloïds.



Un "club de football", pas un débit de boisson

Ferguson avait convoqué Sharpe plusieurs fois, lui et ses copains trop fêtards (Giggs, Beckham, Keane, etc.). Un soir, prévenu par la mère de Giggs (qui jouait à l’occasion les mouchardes), l’Ecossais s’était même pointé chez Sharpe en plein milieu d’une fête et avait viré tout le monde! Si Fergie est décidé à ne pas tolérer les noceurs, même ceux qui sont prodigieusement talentueux, il a une très bonne raison pour cela. Dès son arrivée à Manchester United début novembre 1986, il constate avec effroi (mais sans trop de surprise) l’alarmante étendue de la culture poivrote dans ce club. Le laisser-aller est général et connu de tous (même si Man U n’est pas le seul club dans ce cas). C’est le boxon à tous les étages, même en regard du standard très laxiste de l’époque et de la République des Joueurs (Player Power). Disons, pour parler clairement, que sous le très laxiste Ron Atkinson (le prédécesseur de Fergie), c’est tout juste s'il n’avait pas fallu installer une cellule de dégrisement attenante aux vestiaires, passage obligé avant l’entraînement du matin…

Ferguson déclare aux joueurs, d’entrée de jeu, vouloir bâtir un "club de football" et pas un "club débit de boisson". Le message a du mal à passer dans certains coins embrumés du vestiaire, où l’on fait quasiment les entraînements avec la flasque de whisky dans le short (et glou, un p’tit coup quand le coach a le dos tourné…).



Mise au vert contre mise aux verres

De nos jours, on envoie les joueurs faire du kart ou de l’accro-branche pour faire connaissance et créer une cohésion. À cette époque, on les enfermait dans un pub pendant six heures. Mais en Angleterre, la mise au vert supplante désormais la mise aux verres. Il en va de l’avenir du club en ces temps critiques (aucun titre depuis vingt ans) de prendre des mesures drastiques. Ferguson va alors passer les deux premières années de son règne à batailler et peu à peu à se débarrasser des indésirables: Strachan (le seul joueur qui osait lui tenir tête à Aberdeen), McGrath, Whiteside et Moran. Seul Bryan Robson n'est pas vendu, par égard envers ses états de service et son rendement sur le terrain (1).

lee_sharpe_6.jpgAvec toutes ces décennies de culture bibine hardcore, Ferguson doit se montrer ferme avec ces petits soiffards de vingt ans. Les jeunes potes de Sharpe (Giggs, Beckham, Keane), conscients que leur carrière passe par Fergie et United, n’insistent pas et écoutent le boss sans broncher, se cloîtrent chez eux et doublent leur ration quotidienne de jeux vidéos pour compenser (et auront la carrière que l’on sait). Pour Ferguson, il s’agit maintenant de s’attaquer au chantier Sharpe, cela ne s’annonce pas facile, car ce dernier n’a visiblement pas intégré les consignes.
Sharpey-la-flambe aime trop les sorties, le golf, les virées fêtardes entre potes, les teufs jusqu’à l’aube dans les endroits branchés et les boîtes à "totty" (jolie femme), parfois les parties carrées, murmure-t-on, accompagnées de consommation de produits illicites.



Coups montés des tabloïds

Les tabloïds s’engouffrent dans la brèche et ne se contentent pas de rester à l’affût du méga faux-pas en lui faisant un collé-serré: ils taclent Sharpe par derrière. La Premier League met un coup de pied dans la fourmilière de la vieille garde et ses habitudes d’un autre âge. Lancée à grand renfort de promesses et de contrats TV mirobolants, elle fait sécession avec la Football League, coupant un cordon ombilical vieux de 104 ans et vient bouleverser les habitudes de nombreux joueurs comme Sharpe (jeune mais déjà une huitaine d’années pro). Les tabloïds veulent voir sa dépouille étendue en place publique et organisent des coups montés visant à le mettre hors-jeu, assorti d’un carton rouge et suspension pour faute professionnelle grave. Ils reniflent le gros coup, celui qui peut faire exploser les ventes, le genre de "coup journalistique" rêvé, d’une magnitude jamais atteinte depuis George Best.

Parmi les gibiers de tabloïd qui marchent bien, on trouve Vinnie Jones et surtout Paul Gascoigne – un fabuleux produit marketing, mais qui s’essouffle un peu… Il faut se renouveler, et trouver un nouveau produit, plus neuf, plus frais, plus sexy que Gazza: avec ses rots, ses clowneries, ses lourdeurs pipi-caca-vomi, son infantilisme, ses désordres mentaux et ses affligeantes histoires de violence sur sa femme, ce dernier commencerait même presque à menacer de "dumb down" (rabaisser le niveau) l’image des tabloïds…



Confessions alcoolisées

Le "produit Sharpe" présente l’immense avantage de "tick all the boxes" (cocher toutes les cases) du trash, et même d’en ajouter quelques-unes. Le cocktail, il faut le dire, est explosif: jeune footballeur international au physique de mannequin mais à l’apparence boy-next-door (agent identificateur plus fort), alcool, sexe, avec en bonus, rumeurs de drogue et rock’n’roll, et en super bonus orgies et jacuzzi…  On fait boire le Mancunien, flanqué de son pote Summerbee (de Man City) en plaisante compagnie, ça lui délie la langue, il cherche à impressionner ses conquêtes, et il parle. Beaucoup. Un peu de foot, un peu de ses connaissances dans le show-biz et le rock (l’air mancunien est toujours parfumé de l’ère Madchester, Oasis explose). Mais il parle aussi pas mal de "pot" (cannabis), de "spliffs" (joints), et de cocaïne…

Vient la question des tests anti-dopage. Il en a subi un dix-huit mois auparavant. Le résultat fut négatif à sa grande surprise, le délai absorption-détection avait dû être ric-rac, ajoute-t-il, alors il dit faire attention. Les deux footeux s'épanchent… Les tabloïds n’en demandaient pas tant et salivent déjà sur les tirages à venir. Il va falloir prévoir des machines d’impression de rechange, les bécanes standard ne vont pas résister à la surchauffe. Ça se passe chez Sharpe (à Altrincham-Hale, Cheshire, coin de prédilection des footballeurs et stars de soaps), dans les bars et jacuzzis des hôtels de luxe de Manchester. Choc et incrédulité, le public n’en revient pas: des hôtels de luxe avec jacuzzi à Manchester, on a du mal à y croire!



Transfert record à Leeds

La FA ouvre une enquête, bouclée en avril 1996: non-lieu pour les deux hâbleurs impénitents qui ont eu chaud aux fesses. Ils s’en tirent en disant qu’ils n’ont jamais rien pris, c’était juste pour impressionner la galerie. Fergie est évidemment hors de lui – même s’il ne le laisse pas trop paraître en public. Mais en privé, cette histoire le rend écarlate, toutes ses remontées de bretelles n'ayant, à l’évidence, pas eu le moindre effet sur Sharpe. Il a pris sa décision, elle sera impitoyable et irrévocable. Le joueur que Fergie a tant admiré doit virer: il impose l’amende traditionnelle et maximale de deux semaines de salaire (dérisoire, 12.000 £ – Sharpe touche alors 6.000 £ par semaine). Et en mars 1996, Fergie et Martin Edwards (le président de United) décident de se débarrasser du paquet encombrant dès l’été. Fergie ne le fait quasiment plus jouer de la saison, exceptés deux ou trois matches de coupe ou championnat qui ne lui laissent pas d'autre choix.

Le transfert se fera dès l’été 1996: il faut minimiser cette affaire embarrassante et la traiter en interne pour obtenir un bon prix. Il n’a coûté que 180.000 £ et Man U veut réaliser une bonne culbute mais ne pense pas en tirer plus d’un million… avant que Leeds ne leur offre presque cinq fois cette somme, le plus spontanément du monde! Leeds remporte donc l’offre (plutôt cinq fois qu’une!), et débourse la somme faramineuse de 4,5 millions de £, alors record du club, ex-aequo avec Tomas Brolin enrôlé pour la même somme six mois plus tôt.

À suivre...
> La saga Lee Sharpe / 1
> La saga Lee Sharpe / 3
> La saga Lee Sharpe / 4

(1) Mais Bryan Robson fut invité à sérieusement mettre de l’eau dans son vin (il était alors indéboulonnable, capitaine de la sélection nationale et considéré le meilleur joueur anglais par le sélectionneur Bobby Robson vers 86-87).

Réactions

  • la touguesh le 30/08/2010 à 09h50
    Passionnant !

    Merci Kévin.

  • J'ai remis tout l'allant le 30/08/2010 à 11h26
    Quigagne aka Vasqué ?

    Ca me fait penser à Bernard Fa cette histoire, en un peu moins glamour.

  • Pan Bagnat le 30/08/2010 à 13h16
    Splendide ! Vivement la suite.

  • Ô Mexico le 31/08/2010 à 05h34
    L'article me donne envie de lire un article-biographie de Sir Alex Ferguson qui a traversé tout un pan de football anglais et écossais (y'avait pas eu un article sur Aberdeen il y a quelque temps ?).

    Si on pouvait trouver une bonne âme pour nous narrer de belles anecdotes méconnues sur le jeune coach Alex, son évolution dans le management et les rapports avec les joueurs (passés de l'alcoolo-amateurisme au marketing-star system)... Je dis ca, je dis rien.

  • Tonton Danijel le 31/08/2010 à 09h07
    Ô Mexico
    mardi 31 août 2010 - 05h34
    (y'avait pas eu un article sur Aberdeen il y a quelque temps ?).
    - - - - -

    Oui, il y avait eu, avec le moteur de recherche Aberdeen + Ferguson, tu dois pouvoir le retrouver.

    Sinon, j'aime bien cet article qui explique la transition de la folie Best vers une Premier League plus professionnelle...

  • thibs le 31/08/2010 à 13h37
    lien pour Aberdeen.

  • Tricky le 31/08/2010 à 15h03
    Et pour Sir A, lien

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