L'angle est bouché
Il n'y a finalement pas que Wenger ou Vieira pour parler de xénophobie latente de la presse anglaise. C'est au tour de Vialli d'y aller de sa suspicion.
Regard sur un phénomène britannique qui ne cesse d'empirer.
Regard sur un phénomène britannique qui ne cesse d'empirer.
Auteur : Marc Attac
le 29 Août 2000
Il n'y a finalement pas que Wenger ou Vieira pour parler de xénophobie latente de la presse anglaise. C'est au tour de Vialli d'y aller de sa suspicion. A peine le match opposant Chelsea à Aston Villa terminé, l'ancien Turinois a relancé le débat sur l'acceptation des étrangers par des journalistes peu enclins à lancer des fleurs aux "Blues". Si l'on peut dans ces déclarations d'après-match trouver quelque dose de paranoïa, il faut néanmoins reconnaître qu'il y a bien longtemps que la presse britannique a porté aux nues sans aucune arrière pensée démagogique un joueur extra Perfide Albion.
C'est ainsi, cela dure depuis des lustres, même si les proportions sont plus importantes aujourd'hui, forcément relatives au nombre d'étrangers dans chaque club. Inutile de rappeler combien Cantona a pu essuyer de glaire sur son nom dans cette même presse. Plus récemment, Nicolas Anelka n'a t-il pas quitté Arsenal à cause d'articles diffamants? Emmanuel Petit s'en souviendra lui aussi très longtemps, et il n'a de cesse de tenter de convaincre ses anciens coéquipiers de partir à leur tour. Le feront-ils? Le football anglais y survivrait-il?
Si en France l'on a rapproché ces divers scandales aux relations toujours très tendues entre deux voisins qui ne cessent de se jalouser, il est difficile de ne pas croire que si Vialli a pu craquer, c'est certainement en raison d'une exagération permanente des journaux envers ce qui n'est pas britannique. Barthez ne devrait pas tarder à le savoir.
La condition sine qua non pour ne pas subir les foudres populistes des canards anglais est de ne pas se montrer, et de réussir en baissant la tête, ou alors, de ne faire aucune faute de goût. Car ce qui ressort de la plupart des critiques c'est sans aucun doute l'idée qu'un joueur étranger devrait passer son temps à remercier l'Angleterre pour tout le bien qu'elle lui a fait. A aucun moment n'entre en jeu l'idée inverse, à savoir que l'Angleterre doit beaucoup à ces bataillons de légionnaires (mercenaires?). Et pourtant. Vue la disette qu'a connue notre voisine, il va sans dire qu'on notera un net regain de forme au moment de l'arrivée de ces troupes désormais à exclure. La tendresse n'est certes pas un mot connu des journalistes britanniques. Le sort réservé à une star qui a le malheur de manquer une action dépasse tout ce qu'un journaliste italien en pleine forme a pu imaginer. Ce qui est paradoxal, c'est que le public lui ne s'y trompe pas. Personne dans les tribunes d'Highburry n'en veut à Vieira. Tout le monde à Old Trafford a adoré Cantona, et il semble bien que le jeu proposé par les coéquipers de Desailly plaise énormément du côté de Chelsea. Alors pourquoi tant de haine? A qui cela profite-t-il?
Aux autres supporters, tout simplement. Ces interminables et abondantes lignes traitant de tout sauf de football sont la nourriture essentielle des supporters adverses. C'est ainsi que se forgent les réputations de joueurs, de clubs. C'est un rituel qui n'a rien d'innocent. Cela permet aux travées de n'importe quel stade anglais de vibrer, de siffler, de hurler, de haïr. Et tant que les travées vibrent, tant que la haine est sous-jacente, les tabloïds vendent. Si bien que les journaux les plus sérieux, parfois en mal d'actualité, prennent le relais. C'est le côté pénible d'un pays où la population n'a jamais été, sommet du paradoxal, aussi proche des étrangers, aussi éloignée d'un isolement ancestral. Londres parle aussi bien italien qu'anglais aujourd'hui, tout comme Madrid ou Paris. C'est le rôle d'une grande capitale que de s'ouvrir un peu.
Combien de temps faudra-t-il aux journalistes britanniques pour comprendre que l'exception anglaise est sans doute aussi ridicule que l'exception française, que l'Angleterre gardera à jamais ses bonnes particularités, que la guerre est terminée? N'ont-ils pas la possibilité d'ouvrir suffisamment les yeux pour voir combien elles sont encore nombreuses et vivantes ces particularités? Elles n'ont pas besoin de xénophobie pour perdurer. Et de toutes façons, les amoureux "étrangers" de l'Angleterre feront en sorte de les entretenir.
La seule particularité que les Anglais semblent avoir perdu est le fair-play.