Le football en bande magnétisée
Éloge de la cassette VHS, support irremplacé de la passion du football et de la transmission de cette passion pour toute une génération.
La vidéo a été une bénédiction pour le football. Pas la VAR, mais la cassette VHS. Celle que l'on pouvait toucher, sentir, aimer, qui nous permettait de revivre ou de découvrir ces fameux joueurs et matches de légende dont nous bassinaient Papa et Tonton.
À une époque où il n'y avait ni Google, ni Footballia, ni YouTube, la VHS était pratiquement le seul moyen d'animer les écrits et images des magazines, des livres et des récits. C'était une démarche de fan qui allait chercher le médium pour enrichir sa culture.

Le foot en folie
Comme le rappellent Richard Coudrais et Bruno Colombari dans leur ouvrage Espagne 1982. La Coupe d'un monde nouveau, après l'arrivée de la télé dans les années 1960, celle des magnétoscopes a constitué une véritable révolution, marquant une nouvelle étape dans la relation à l'image.
Format médiocre pour sa qualité d'image et sa capacité de stockage, la VHS s'ouvrait toutefois au grand public après avoir été l'apanage des professionnels. Tout était enregistrable : l'émission de Michel Drucker, Dallas et donc le match de football au prix de quelques prouesses techniques pour programmer les retransmissions de Canal+.
L'envie, voire l'illusion de rassembler une collection consultable à loisir, un héritage solide à transmettre aux générations suivantes, existait bel et bien. Ces objets qu'on affectionnait, via un lien physique à la bande et à la jaquette soigneusement découpée dans Télé Loisirs ou Télé K7, offraient un moyen exceptionnel de se constituer un univers culturel propre.

Des objets qu'on détestait parfois quand la bande se coinçait dans le magnétoscope, des enregistrements qu'on effaçait rapidement au profit de Fort Boyard si la finale avait été perdue, qu'on usait à force de rembobiner et d'aller chercher le moment du but de Basile Boli - en surmontant la difficulté de se repérer faute de timeline : il fallait connaître ses classiques.
Aux matches s'ajoutaient les VHS commerciales proposées par TF1 et consorts, comme le fameux combo Le foot en folie / 500 buts en avalanche, qui ont permis de (re)découvrir et d'inscrire certaines séquences dans la culture foot populaire un peu comme la légendaire VHS promotionnelle de la Super Nintendo en termes de culte.
De l'humain sur les images
Pour la génération adolescente durant ces années 1990, il y avait de quoi se nourrir avec les VHS récapitulatives des saisons, des Coupes du monde, des championnats ou clubs étrangers pour lesquels "L'Équipe du dimanche" était quasiment la seule, chère et tardive (pour les écoliers) source alternative. La collection "Foot Passion" en faisait partie, pour ne citer qu'elle.
Nombre de ces documentaires étaient de grande qualité et permettaient de revenir sur une période passée (l'ère Tapie avec OM : Les années champion !) ou de retracer la carrière d'une légende. Les Années Platini, notamment, était un film exceptionnel, fort d'un récit documenté, bien narré et illustré des images des plus beaux moments de la carrière du joueur lequel s'était volontiers prêté au commentaire de son histoire.

Le moyen était idéal, pour l'enfant né dans les années 1980, de prendre la mesure de ce footballeur qui avait tant fait rêver ses parents. Au crépuscule de cette ère, il y eut Les Yeux dans les Bleus, sur lequel tout a été dit.
Il y avait dans ces VHS quelque chose que l'ère des talk-shows a oublié : on y voyait des images de football, et de l'humain. L'image semblait se concentrer plus sur le jeu qu'aujourd'hui, se mettre plus à son service que l'inverse. Et les voix de Didier Roustan, de Thierry Roland ou de Michel Drucker, encore lui, berçaient ces moments et souvenirs partagés.
Cette présence était peut-être plus appréciée et moins imposée qu'aujourd'hui. L'espace vide entre deux matches était en tout cas plus grand, la temporalité du football plus distendue. Si le fan voulait combler ces vides, cela relevait de son propre choix, et la VHS était un moyen novateur de prolonger la passion, d'entretenir la nostalgie. Pour revivre des émotions, parce que le football, ce devrait d'abord être ça.
Le titre auquel vous avez échappé
Ah, les cendres de la cassette !