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Les aventures de Velasca au pays des équipementiers

Comment un club au niveau sportif tout à fait insignifiant a renversé le rapport des marques au merchandising. Bienvenue à l'AS Velasca, club de football et entreprise esthétique.

Auteur : Osvaldo Piazzolla le 15 Fev 2018

 

 

Qui connaît l'AS Velasca, l'autoproclamé "troisième club de foot de Milan"? Presque personne, puisque ce club fondé en 2015 participe à un championnat régional correspondant à une douzième division. Et pourtant, des articles lui ont été consacrés dans la presse internationale et il a même eu l'honneur d'un reportage sur FIFA TV, la chaîne de la fédération.

 

 

Vrai club de football

L'AS Velasca, tout petit club, est en train d'acquérir une notoriété qui n'est pas liée à ses résultats sportifs. C'est que l'AS Velasca est un "club oeuvre d'art", une entreprise esthétique dont l'idée a germé dans la tête de l'artiste contemporain Wolfgang Natlacen et de quelques autres passionnés. Un club de foot est parfois la danseuse de notables locaux (ou globaux). L'AS Velasca est un projet d'art contemporain. C'est un vrai (petit) club, avec de vrais joueurs, un vrai public, un vrai stade, un vrai entraîneur, des vrais (mauvais) résultats...mais c'est aussi une oeuvre.

 

Esthétiquement, la partie la plus visible (mais pas la seule) de l'oeuvre est le maillot officiel de l'équipe. Chaque saison, le design du maillot est confié à un artiste contemporain. Cette année 2017/18, les joueurs portent une tunique créée par l'artiste Jiang Li. En lieu et place de l'epace sur la poitrine qui est souvent attribué à un sponsor, des idéogrammes représentant phonétiquement le nom du club. C'est aussi une référence au rachat récent de l'Inter et de l'AC Milan par des propriétaires chinois.

 

Photo AS Velasca, CC-BY-SA

 

De la même façon que les maillots (et les stades) des plus grands clubs européens se couvrent d'alphabets asiatiques dans leurs messages publicitaires, le maillot du Velasca évoque la dépossession des européens du pouvoir télévisuel et marchand au profit d'un continent plus puissant qu'eux, devant les spectateurs et téléspectateurs locaux incrédules: le football n'appartient plus à l'Europe et ça se voit. De la même manière, l'AS Velasca joue avec les messages du merchandising. La photo de la présentation officielle du maillot montre l'équipe de dos. C'est sa façon de bousculer le monde des marques dans le football.

 

 

Message politique

La saison précédente, l'artiste invité était Zevs, et les maillots de l'AS Velasca représentaient une des ses "coulures": c'est à dire des détournements de logos, en l'occurence ceux d'Adidas et de Nike. La provocation concernant le monde des marques et le football était encore plus évidente. Comme le résume Wolfgang Natlacen: en 2016, Velasca a attaqué les marques, puis en 2017, il a créé sa propre "brand identity", une façon, selon ses mots, de passer de la provocation à l'idée de contrefaçon. Mêler Occident et Chine, c'est aussi interroger ce qui est considéré, ici et là, comme authentique ou contrefait, dans l'industrie ou dans l'art.

 

Photo Jessica Soffiati

 

Pourtant, contrairement à ce qu'on peut penser a priori, ces coulures ne sont pas forcément vues d'un mauvais oeil par les marques. La coulure de la virgule Nike date de 2005 et sa renommée est telle qu'il se vend des T-shirts à son effigie. Du point de vue de Zevs, les marques ont même récupéré ces détournements, et l'afficher sur les maillots de l'AS Velasca est une façon de détourner la récupération du détournement (et questionner authenticité et contrefaçon). Nike n'a jamais tenté de les faire retirer de la vente.

 

L'AS Velasca navigue dans ce monde tout en étant dans une zone juridique très incertaine, un peu comme Zevs avec ses coulures. Depuis les premières, il y a douze ans, les marques ont été tentées d'attaquer en justice mais elles hésitent à le faire. Non seulement cela peut représenter un coût d'impopularité médiatique, mais les enjeux commerciaux sont en fait pour ces marques en termes de concurrence entre elles, plutôt qu'en termes de critique néfaste par l'art. Au milieu de ce concert de géants du business, l'AS Velasca n'a donc jamais été inquiétée juridiquement.

 

Une coulure Nike ou Adidas sur un maillot de football, c'est à la fois une mise en abyme de l'oeuvre de Zevs, mais c'est aussi le message politique de l'AS Velasca: le club joue avec ces symboles. D'un côté, il ridiculise le business de l'équipement sportif officiel et intègre l'art contemporain de Zevs dans son club-oeuvre. De l'autre, il en adopte (tout en les pervertissant) les codes, à la fois dans le merchandising, le community managing sur les réseaux sociaux, et même.....la recherche d'un équipementier sportif officiel.

 

 

Anonyme mais important

Paradoxalement, l'AS Velasca, qui est un tout petit club, pauvre sans recette, intéresse les plus grand équipementiers sportifs pour s'attribuer l'exclusivité du maillot. Celui-ci cumule le statut d'icône du club renouvelée chaque saison, comme tout club de football au merchandising respectable, mais aussi le statut de tirage limité d'oeuvre d'art. C'est aussi la principale source des modestes revenus de la structure.

 

L'équipementier se retrouve dans la position difficile d'être le support d'une critique des marques, mais de fait, les dites marques sont à l'affut de nouvelles narrations, quitte à absorber la critique, pour reprendre l'expression de Boltanski et Chiapello à propos du "nouvel esprit du capitalisme".

 

Photo AS Velasca, CC-BY-SA

 

L'équipementier de la saison 2016/17 était Hummel. Celui de la saison 2017/18, après de nombreuses négociations jusque dans les quartiers généraux des plus grands groupes dans l'Oregon ou en Allemagne, est finalement le Coq Sportif. L'équipementier français, qui est revenu récemment dans le game, a pris le parti de ne sponsoriser que deux clubs en Europe (l'AS Saint-Étienne et la Fiorentina) pour pouvoir s'occuper à fond du merchandising de leur identité culturelle (les habitués de la Divette de Montmartre en savent quelque chose). L'AS Velasca est le troisième.

 

Très ironiquement, et c'est là un pan important de sa raison d'être, l'AS Velasca devient un club important, avec lequel un équipementier doit négocier pour faire en sorte que les maillots portent l'écusson de la marque. L'AS Velasca pervertit le business du merchandising footballistique tout en en devenant un acteur important, le tout en étant anonyme footballistiquement, et insignifiant financièrement. C'est la façon de ce tout petit club de s'intéresser à la notion floue de "football business": en faire un projet artistique, une sorte d'oeuvre totale.

 

Réactions

  • blafafoire le 15/02/2018 à 09h24
    Merci pour l'article, je ne connaissais pas ce club.
    Un peu sceptique tout de même sur l'idée des oeuvres de Zevs sur des maillots de foot, même d'une équipe de 3e zone, qui ne colle pas trop au principe du contexte dans le street art. L'ironie et la mise en abyme est à mon avis complètement submergée par la puissance visuelle des logos eux-mêmes. Le swoosh reste le swoosh et, comme le souligne en creux l'article, les marques semblent plus flattées qu'outrées par ces oeuvres.
    On pourrait étendre la réflexion au street art, passionné par son propre branding et qui peine à se trouver un modèle économique hors récupération. Il faut voir et revoir Exit through the gift shop qui pose assez brillamment le problème.
    Mais je suis un peu hors sujet...

  • Metzallica le 15/02/2018 à 15h26
    Je ne suis pas sur de comprendre.
    Tu mets un trefle et un swoosh sur le maillot du coq, c'est sensé représenter une ridiculisation du business des marques?
    Je comprends en tout cas que Adidas ou Nike ne disent rien, tout le monde sait ce que sont ces symboles, ça leur fait de la pub gratos.

  • osvaldo piazzolla le 15/02/2018 à 17h11
    @blablafoire, tu es complètement dans le sujet. Les marques ne se sentent pas du tout perdantes. Ce qui est même étonnant, c'est leur grand intérêt pour une toute petite chose.
    Et ta remarque sur le streetart est pertinente : précisément, l'idée ici de ce maillot est de détourner la récupération du détournement.
    ça ne veut pas dire que les artistes sont outrés par la récupération du détournement. Tout le monde en joue.
    Par contre, les marques, même gagnates, les marques se menacent ENTRE ELLES sur ce tout petit sujet, et en ce sens, le maillot Velasca les fait vaciller. Demande à Hummel si ils en ont rien à foutre de floquer la virgule.

  • osvaldo piazzolla le 15/02/2018 à 17h13
    @Metzallica : même remarque : deamnde à Hummel si ça s'est passé sans problème et tranquillement pour eux.

  • osvaldo piazzolla le 15/02/2018 à 18h36
    ...mais merci pour vos comms, je me rends compte que j'aurais du plus insister là dessus.

  • Metzallica le 15/02/2018 à 20h57
    Merci pour cet article en tout cas.
    Je n'avais jamais entendu parler de ce club.

La revue des Cahiers du football