Ne déposez pas le bilan de l'OL à sa place
A-t-on raté sa saison quand on atteint une demi-finale de Ligue des champions et qu'on est encore en course pour le podium de L1? Des experts accablent pourtant Lyon et son entraîneur...
Auteur : Jérôme Latta
le 6 Mai 2010
"Les Cahiers du football s'étonnent que l'Olympique lyonnais ne s'étonne pas du traitement que lui réservent certains médias jaloux qui essaient de rabaisser un club dont les succès déplaisent dans un pays où l'on préfère handicaper les locomotives du football français au lieu de les soutenir".
C'est vrai, pour une fois, on l'aurait presque co-signé avec Jean-Michel Aulas et Olivier Blanc, ce communiqué officiel de l'OL (COOL), tant il y eut unanimité sur les plateaux télévisés du dimanche pour charger outrancièrement la barque lyonnaise, dont le bilan 2009/2010 est dressé à la manière d'un échafaud... alors que le verdict n'est pas rendu.
Spéculations à la baisse
"Pathétique" (Pierre Ménès), une saison comportant une demi-finale de Ligue des champions? (1) Il est vrai que des clubs français dans le dernier carré de la C1, on en a tellement eu ces dernières années... L'attitude est caractéristique d'une culture de l'auto-dénigrement qui permet de snober même les plus belles performances. Quitte à adopter des échelles de valeurs fantaisistes ou d'en changer tous les deux jours. Parce qu'il faudrait savoir: après avoir décrié l'OL comme une ennuyeuse machine à gagner des titres nationaux incapable de se transcender sur le continent, il faudrait le mépriser au terme d'une saison où, plus fantasque ou plus irrégulier (et parfois plus ennuyeux, il faut le dire), il prend son propre contrepied et nous offre de grands moments de coupe d'Europe? Tout en prenant soin de ne pas redevenir champion trop vite, ce qui est bien aimable.
La motivation principale des éreinteurs réside peut-être dans un autre besoin: celui de se payer un entraîneur (2). Bixente Lizarazu argumente beaucoup plus lors de Téléfoot, mais il rapporte tout à l'entraîneur lyonnais et fait de son intervention un réquisitoire (3). Contribuer au discrédit des coaches est un hobby professionnalisé (lire la 11e leçon de journalisme sportif), dont la principale difficulté – fort mince – consiste à bien choisir ses cibles. Claude Puel fait très bien l'affaire: après avoir été célébré avec emphase et admiration au cours de ses années lilloises (comme pour l'amener habilement vers un poste plus exposé), le voilà dans la ligne de mire de tous ceux qui feraient mieux à sa place. Puel a des conceptions ultra-défensives. Puel n'a plus bonne presse.
L'OL a bien assez de titres
Sur ces pages, on trouve toujours un peu délicat de condamner un entraîneur (sauf si c'est Luis Fernandez) quand on n'a pas le dixième de ses connaissances, le centième de son expérience et le millième de ses informations, et quand tant de paramètres ne dépendent pas de lui – ou se retournent contre lui, comme les tendances de l'opinion patentée. On se gardera même d'exclure que Claude Puel soit effectivement en-dessous de sa tâche. Quoi qu'il soit de cette question, aujourd'hui Puel est "l'homme avec lequel l'OL ne remporte plus de titres", avec le paradoxe qu'il est celui auquel le président Aulas semble accorder le plus fermement sa confiance, comme s'il avait entériné l'idée d'une période de transition et d'un creux sportif. Justement, la priorité de l'OL est moins d'enfiler les titres (déjà fait) que de continuer à se qualifier pour la Ligue des champions... et d'y mieux figurer que précédemment. Mission accomplie pour ce deuxième volet, le premier n'étant pas encore refermé.
Alors on se réjouira, non pas de la victoire lyonnaise à Montpellier, mais de la joie exubérante de Lisandro après le but et à la fin du match: il reste encore des footballeurs qui nous donnent l'impression d'aimer la même chose que nous dans le football. La remontée effectuée contre Auxerre hier soir démontre un peu plus que la messe n'est pas dite, et qu'au pire, Lyon ne sera pas passé si loin de ses objectifs. Cette saison, comme les précédentes, ne manque pas d'échecs infiniment plus spectaculaires – sans parler de l'effondrement du champion en titre.
Non, l'Olympique lyonnais n'a pas explosé au cours de sa deuxième saison sans titre et son échec réel contre Munich doit être relativisé, tout comme son bilan, aussi frustrant soit-il. Même si le club est désormais menacé sur le plan économique (lire "Lyon sur un fil"), il a encore suffisamment d'atouts (entraîneur inclus) pour ne pas galvauder son statut. Et pour nous ménager un spectacle plus enthousiasmant que celui des professionnels du dénigrement.
(1) Lors de Canal Football Club. "Je suis encore sous le coup de cette demi-finale de Ligue des champions, les deux d'ailleurs. Mais euh la défaite de Lyon [grimace] et l'échec de la méthode Puel [haussement de sourcil]... Avoir un avant-centre du niveau de Lisandro Lopez et voir qu'il a tiré zéro fois au but en deux matches contre le Bayern [moue entendue], ça me pose souci. C'est quand même 150 millions d'euros dépensés dans le recrutement, même s'il y a eu des ventes, zéro titre, une participation à la Ligue des champions qui se joue quasiment ce soir à 21 heures [aparté complice avec Hervé Mathoux], c'est quand même un bilan proche du pathétique [lippe lourde de sens]. Comme un peu la qualité de jeu [expression soulignant l'ironie du chroniqueur et la chute cinglante de sa chronique]".
(2) Les entraîneurs constituent, après les arbitres, l'engeance la moins compétente aux yeux des hypercompétents qui délivrent des avis autorisés avec des connaissances tactiques qui leur vaudraient d'être refusés à l'entrée du DECPF à coups de pieds dans le fondement – qu'ils soient anciens joueurs amnésiques étalant leur méconnaissance crasse des règles ou journalistes anciens dont les analyses se cantonnent à l'exégèse des schémas de jeu.
(3) On vous passe son laïus pénible sur la différence entre le Bayern "grand club d'Europe" et Lyon "grand club français", qui illustre bien le réflexe du complexe au sein du football français. "Je pense que sur le plan tactique, Van Gaal a gagné son match face à Puel évidemment. [...] À ce moment-là [NDLR changements du Bayern après l'expulsion de Ribéry], Puel n'a pas réagi. Je pense que cela a été un moment important. Ensuite au match retour, Puel a mis quatre offensifs, donc il prétend être offensif, mais le problème c'est que son équipe a passé son temps à défendre, ou en tout cas sa culture de jeu, c'était une culture de jeu basée sur la défense tout le long de la saison. Comment tu veux prétendre du jour au lendemain à devenir une équipe offensive? L'autre chose, c'est qu'il y a eu beaucoup de rotation sur le plan offensif dans l'équipe de Puel, avec des joueurs qui finalement n'ont jamais trouvé la confiance (...)". Le consultant de TF1 n'a pas rapproché ce jugement du constat qu'un turnover plus radical avait marché pour l'OM.