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Newcastle sous pavillon saoudien, ou le football anglais post-Brexit

La saga du rachat de Newcastle United par un fonds souverain saoudien raconte à la fois le NUFC, le North East et le Royaume-Uni sorti de l'UE. 

Auteur : Kevin Quigagne le 14 Oct 2021

 

La Premier League a validé le rachat de NUFC, pour environ 300 millions de livres (355 millions d'euros), après l’avoir rejeté l'an dernier, nullement pour de vulgaires histoires de droits humains mais, très vraisemblablement en raison du contentieux avec le Qatar pénalisant BeIN Sports au Moyen-Orient, aujourd'hui réglé.

Les autorités ont déclaré avoir, depuis, reçu "l’assurance que le fonds souverain d'Arabie saoudite [le Public Investment Fund, PIF, nouveau propriétaire du club], est autonome et indépendant de l’État saoudien" ainsi que "des garanties légalement contraignantes que le Royaume d'Arabie saoudite ne contrôlerait pas Newcastle United".

Un rachat immédiatement dénoncé par Amnesty International et d’autres groupes de défense des droits humains, ainsi que par Hatice Cengiz, la fiancée de Jamal Khashoggi, dont le meurtre en novembre 2018 aurait été commandité par le prince héritier Mohammed Ben Salman, selon la CIA.

photo nufc.co.uk

 

La Premier League, embarrassée et sommée de s’expliquer par les dix-neuf autres clubs de l’élite, tous opposés à cette opération aux allures de putsch, se retranche derrière ces "assurances", bien que la décision questionne forcément la moralité d’un tel deal.

Les condamnations sont cependant minoritaires et globalement timides, même de la part des députés travaillistes locaux pourtant d’habitude prompts à réagir vigoureusement dans ce genre de dossier (le sponsor Wonga de NUFC, la Super League, etc.), tant le curseur des "valeurs" et de l’acceptabilité a coulissé, en football et dans la société.

Un cap a été franchi, ce qui a fait titrer au site satirique The Daily Mash: "Les Talibans sur le point d’acheter Middlesbrough FC". Un scénario si farfelu que ça? 

À peine acheté, déjà en vente

Acquis en 2007 pour 134 millions de livres au controversé duo d’hommes d’affaires Sir John Hall-Freddy Shepherd par Mike Ashley, propriétaire de la non moins controversée enseigne Sports Direct, adepte entre autres du contrat de travail "zéro heure" et des méthodes musclées, NUFC a en fait été mis en vente de manière permanente. 

Après maintes tentatives avortées, Mike Ashley a finalement réussi à se débarrasser du bébé qu’il n’avait jamais vraiment voulu, lui qui de son propre aveu n’aime guère le football et a utilisé le club comme caravane publicitaire.

Quatorze longues années de désillusions sportives et de désamour et entre les supporters et Ashley, arrivé en héros libérateur après le turbulent règne Hall-Shepherd, qui avaient acquis le club pour des clopeanuts dans l’ère préhistorique (trois millions de livres en 1992, avant le big bang de la Premier League), et empochèrent une plus-value de 146 millions.

"Du rêve, de l’espoir!", "Un avenir radieux, enfin!", "Nous retrouvons dignité et fierté!", "Ashley a dégagé, génial!", "Les leçons de morale, basta"… C’est le genre de chose que l’on entend depuis jeudi dernier dans les rues de l’élégante capitale du North East.

Il y flotte comme un parfum d’euphorie mêlé à de l’indignation (contre les "donneurs de leçons"), pour peu qu’on aborde des supporters, par exemple au mythique pub The Strawberry, à l’ombre de St James Park (pub rebaptisé "La Fraise" en pleine Frenchmania) ou au Back Page, dont il fut question sur Teenage Kicks et chez So Foot.

Si quelques voix supportariales et autres, notamment celle de Pride in Football (fédération des groupes de supps LGBT+ en Grande-Bretagne), se sont élevées en évoquant le dérèglement complet de la "boussole morale" (mais a-t-elle jamais existé dans le football ?), la nouvelle a été chaudement accueillie par la majorité de la Toon Army.

L’influent Newcastle United Supporters Trust (NUST, 13.000 membres), un organisme souvent à l’origine des nombreuses campagnes de type "Ashley Out", s'est ainsi pleinement positionné en faveur des Saoudiens. Dans un sondage organisé en avril 2020, 97% des 3.397 membres sondés approuvaient le rachat. Jeudi après-midi, ils étaient 15.000 autour de St James Park à fêter l’heureux événement.

Nervous breakdown dans le North East

Ce takeover s’est forgé dans un contexte local et national particulier, et ces élans d’espoir et de fierté, mâtinés de rancœur, portent au-delà du simple football. Des sentiments devenus revendications qui s’inscrivent en contrepoint de l’extrême morosité ambiante, sur fond de Brexit et de crises tous azimuts.

Le Brexit, cette espèce de gros nervous breakdown uchronique (qualifié de "névrose très britannique" par le journaliste-écrivain Finlan O’Toole), menace tout particulièrement le North East, à la fois la région britannique la plus liée économiquement à l’Union européenne et la plus dotée en fonctionnaires (32% à l’arrivée des Conservateurs en 2010, environ 23% aujourd’hui). Il s'ajoute à une grosse décennie de sous-investissement, de coupes budgétaires sauvages et de stigmatisation. 

Malgré ses liens étroits avec l’UE et ses réussites (l’usine Nissan de Sunderland – 40.000 emplois directs et indirects – s’est implantée à Sunderland en 1987 grâce à l’adhésion à l’UE, à une époque de chômage record et de forte désindustrialisation), le NE a voté "Leave" à 58%, essuyant, comme d’autres coins défavorisés du Nord, de vives critiques venues des prospères régions du Sud et des home counties (comtés ceinturant le Grand Londres).

Le NE était très majoritairement travailliste il y a peu (General Elections de 2017), mais les Conservateurs de l’über-populiste Boris Johnson ont gagné du terrain depuis leur victoire écrasante aux élections de 2019, grâce à une forte percée dans le "Red Wall" – anciens fiefs travaillistes pro-Brexit des Midlands et du Nord.

Johnson, qui progresse à coups de promesses de régénération et de slogans chocs éculés (comme la fameuse "Northern Powerhouse", plan de croissance cameronien toujours d’actualité, censé s’attaquer à la fracture régionale) ou nouveaux, tel son mantra du "levelling up" (nivellement… par le haut) martelé à toutes les sauces.

Des formules creuses, mais auxquels beaucoup s’accrochent, faute de mieux, en l’absence d’une opposition soudée et volontariste. Marcus Rashford, de facto leader de cette opposition,ayant fait reculer le gouvernement en quelques campagnes Twitter bien senties, s’est déjà montré plus efficace pour combattre les inégalités grandissantes que les trois derniers leaders travaillistes réunis [1].

Dégagisme et football local moribond

Le football local a également souffert, dans la région. Pour beaucoup, ce changement radical de dimension et d’image, aussi discutable ou nauséabond soit-il, est un peu le fruit (pourri) d’une revanche, une sorte de "Brexit du football". Une sécession, sans quitter le giron, qui fait de Newcastle United un club incarnant la revanche des "left behind" (délaissés) du North East et le concept des citoyens "somewhere" (quelque part) théorisé par l’essayiste David Goodhart. 

On peut y voir une forme de révolte dégagiste par rapport aux vexations du passé, aux douleurs du présent et au prêchi-prêcha ambiant, une revanche sur ces clubs blindés et opaques, londoniens, mancuniens et autres. Voire un coup au système, et à ces politiciens moralisateurs "qui ne savent que se gaver". Tous pourris, soit, alors autant les rejoindre, en tapant encore plus fort.

Newcastle a été par deux fois relégué en Championship depuis 2008 et n’a plus fini dans le top 10 depuis neuf saisons. On y cultive la nostalgie en se passant en boucle le film d'années phares pas si lointaines, celles de l’ère Bobby Robson (1999-2004) ou des "Entertainers" de Kevin Keegan avec Ginola, Asprilla ou Shearer – ce dernier acheté 15 millions de livres, alors record mondial.

Même les frasques aéroportuaires à la Booba-Kaaris de Craig Bellamy ou Lee Bowyer se fritant avec Kieron Dyer en plein match attendrissent le Magpie de base. Ils n’avaient certes pas inventé le bidon de deux litres, mais au moins, se dit-on, ils avaient le club dans la peau en ces temps bénis. Alan Shearer, qui a qualifié le rachat de "special day", aurait accepté un rôle d’ambassadeur au club, ce qui pourrait compromettre ses activités de consultant pour la BBC.

Sunderland, sorte de Ground Zero du Brexit avec sa symbolique usine Nissan et son "Metric Martyr" [2], rival honni mais solide générateur de passion locale et de saine rivalité tribale, s’est effondré. En guise de symbole, les emmerdes Black Cats ont demarré l’année du référendum: descente en D2, puis D3 dans la foulée, là où ils végètent toujours.

Il n’y a guère plus que Netflix pour s’intéresser à eux. On compte désormais sur l’incongru nouveau propriétaire de vingt-trois piges, Kyril Louis-Dreyfus, fils de Robert et Margarita, pour redorer le blason de cette autre institution locale. Les supps en sont presque à regretter ce fada de Paolo di Canio, c’est pour dire. Les trois autres clubs professionnels (Middlesbrough, Hartlepool, Gateshead) sont descendus ou galèrent.

Un "joyau qu’il faut polir"

Le messie de l‘histoire est donc le fonds d’investissement public saoudien PIF (Public Investment Fund, 600 milliards d'euros d’actifs et bras financier de Riyad), qui possède 80% des parts de NUFC, le reste se répartissant entre RB Sports & Media des frères David & Simon Reuben (10%), qui pèsent 25 milliards d'euros, et le fonds PCP Capital Partners d’Amanda Staveley (10%), une financière britannique basée à Dubaï et qui a mené le deal à la hussarde.

Amanda Staveley est probablement la femme la mieux accointée du Golfe Persique, avec un carnet d’adresses premium constitué dès les années 1990 en ouvrant un resto près de Cambridge, à Newmarket, la Mecque britannique du pur-sang qui prospère grâce aux familles royales du Golfe, en particulier les Maktoum de Dubaï, qui menacent régulièrement de plier bagage (pour les haras français) à la moindre embrouillette. Le Saoudien Yasir Al-Rumayyan, directeur du PIF, est le président non exécutif du club.

 

Mehrdad Ghodoussi et Amanda Staveley - photo nufc.co.uk

 

Staveley, qui aurait tenté d’acquérir Liverpool en 2017 pour 1,5 milliard de livres (Fenway Sports Group, proprio du LFC, avait démenti), avant de se rabattre sur NUFC fin 2017 (l’offre d’environ 275 millions de livres fut jugée insuffisante), devrait cogérer le club au jour le jour avec Jamie Reuben, fils de David [3]. Elle dit être "tombée follement amoureuse" du club un jour d’octobre 2017 lors d’un match contre… Liverpool. "Newcastle est unique. C’est un fantastique joyau dont toutes les facettes ont besoin d’être polies", a-t-elle commenté jeudi dernier.

Dans cette lutte multibandes (Ashley, Staveley, les frères Reuben, la Premier League, BeIN, MBS, les clubs de PL, la guerre diplomatique Arabie Saoudite-Qatar, le gouvernement Johnson, les nombreux supporteurs anti-Ashley, les avocats pitbull, les tribunaux, les organisations de défense des droits humains…), Staveley et Ashley ne lâchèrent jamais l’affaire.

La Premier League avait pourtant bloqué le rachat au printemps 2020, non pas tant pour des questions éthiques (nonobstant la question brûlante des droits humains et du sportswashing) ou en raison du contrôle direct du NUFC par l’État saoudien, qu'à cause de l’interdiction de la chaîne qatarie BeIN Sports – diffuseur officiel de la Premier League au Moyen-Orient – et de son piratage par le saoudien BeoutQ. BeIN désormais autorisée par Riyad, les obstacles étaient levés.

200 millions pour le maintien

Newcastle vise désormais le titre à moyen terme, mais les priorités cette saison seront ailleurs, assure Staveley, soucieuse de préserver l’image du club en prenant grand soin de rappeler à l’envi que NUFC "ne sera pas dirigé par l’Arabie saoudite mais par le PIF, un fonds indépendant du pouvoir et orienté vers le commercial".

Cela n’a pas atténué la colère, un poil hypocrite, des dix-neuf autres clubs de PL, tous opposés au rachat et qui ont saisi la FA, fédération anglaise. Ils sont surtout préoccupés par le possible préjudice d'image causé au produit Premier League, ce qui pourrait affecter les futurs droits TV. Inquiets, également, de voir surgir ce club-État, une situation vite assimilée à de la "concurrence déloyale".

Quoi qu’il en soit, le discours officiel des nouveaux patrons diffère, pour l’instant, de l’arrivée bling bling à Manchester City du Thaïlandais Thaksin Shinawatra en mai 2007, puis de l’Émirati Sheikh Mansour un an plus tard – un deal également négocié par Staveley qui faisait de City un club anglais dirigé par un État.

Il s’agit surtout de calmer le jeu et se montrer prudent dans les déclarations. L’accent est donc d’abord mis sur l’importance des infrastructures, à améliorer urgemment (Academy) ou même reconstruire (centre d’entraînement).

Compte tenu de la situation sportive du club, avant-dernier et sans victoire, il faut cependant s’attendre à voir débarquer du ronflant au mercato d’hiver. D'autant que le Fair-play financier est bien plus souple en Premier League qu’ailleurs en Europe, et que NUFC a un "crédit FFP" de plus de 100 millions de livres. Si souple que Newcastle peut dépenser 200 millions de livres cet hiver sans enfreindre aucune règle. 

Les Saoudiens, de nouveaux amis à choyer

Dans ses premières déclarations, Staveley, évacuant les points gênants par des formules convenues, reprend les éléments de langage favoris du gouvernement Johnson. Il est question "d’investissements saoudiens qui financeront des projets de régénération urbaine dans le North East à hauteur de plusieurs centaines de millions de livres" car, insiste Staveley, "Nous tenons à investir davantage dans le nord de l’Angleterre. Niveler par le haut fait partie de nos intentions."

De fait, depuis le début de ce soap opera, le gouvernement Johnson ne semble jamais loin, même s’il dément toute implication dans les négociations. En avril dernier, le Daily Mail révélait cependant que MBS avait contraint Boris Johnson à intervenir contre le blocage du rachat, le premier ministre prenant au sérieux la menace d'un "pourrissement dans les relations anglo-saoudiennes" [4].

Le gouvernement, selon des sources fiables, aurait par ailleurs exigé "d’être tenu au courant par le détail" de l’avancée des négociations depuis 2020 et, selon des journalistes du Chronicle(principal quotidien régional), aurait même organisé au moins une réunion avec la Premier League sur ce dossier. 

La forte poussée nationaliste au Royaume-Uni, dans les années 2010, et le Brexit, son principal avatar, ont rebattu les cartes du soft power et de la géopolitique mondiale. Dans cette nouvelle ère du "Global Britain", où les Conservateurs et les médias pro-Brexit (fortement majoritaires) pérorent que l’avenir du pays se jouera loin de la vieille Europe et son carcan bruxellois, les Saoudiens et autres pays du Golfe sont devenus des "amis et alliés" à choyer. 

La ministre des Affaires étrangères Liz Truss l'a confirmé lors de la conférence annuelle du Parti conservateur, la semaine dernière. Une nécessité économico-stratégique également induite par l’obligation post-Brexit de renégocier des centaines d’accords, traités et contrats commerciaux – souvent en position de relative faiblesse, d’où une certaine fébrilité, voire servilité.

Dimanche, Newcastle accueillera Tottenham en championnat, probablement sans l’entraîneur Steve Bruce. L’ancien défenseur emblématique de Manchester United est l’auteur dans les années 1990 de trois polars bien sanglants, tellement barrés et stylistiquement improbables qu’ils sont devenus cultes.

Dans cette délirante trilogie, le héros, un manager en activité, résout des meurtres de vestiaire et combat des mafieux irlandais qui tentent de l’abattre lui et son staff, après que les services secrets britanniques l'ont kidnappé – tout cela en continuant tranquillou à coacher l’équipe première.

Rebondissements en pagaille, assassinats, enlèvements, trahisons, complicités en haut lieu, réunions top secret, crises diplomatiques… On se prend à rêver que les Saoudiens conservent ce bon Steve, au moins dans un rôle "d’écrivain en résidence", à l’instar de Barnsley FC ou Tottenham et leur "poet in residence". Le thriller qu’il pondrait, sans forcément puiser dans son imagination fertile, vaudrait son pesant de muffins.

[1] L’utilisation des réseaux sociaux par Marcus Rashford figure désormais au programme du Brevet des collèges anglais (option "Étude des médias"). 

[2] Feu Steven Thoburn, l’homme "dont les bananes amorcèrent le Brexit", sur les marchés de Sunderland et héros originel des "eurosceptiques" après que l’Union Européenne interdit l’utilisation du système de mesures impériales en 2000.

[3] Jamie Reuben est l’ex directeur du comité de campagne 2012 à la réélection de Johnson comme maire de Londres, et l’un des plus gros donateurs du Parti conservateur au Royaume-Uni . Il fait partie d’un groupe de lobbyistes surnommé "The Advisory Board", soupçonné de bénéficier d’un accès privilégié au Premier ministre et au ministre de l’Économie.

[4] Relations au beau fixe depuis l’élection de Boris Johnson qui a fait reprendre la vente d’armes vers l’Arabie saoudite, un temps gelé grâce à l’association CAAT (Campaign Against Arms Trade) du fait de la situation humanitaire au Yémen.

 

Réactions

  • Mangeur Vasqué le 23/10/2021 à 10h21
    Merci San Antonio et Lionel.

    @ San-Antonio, "La BBC a sorti un documentaire cet été sur les actions (hors des terrains) de Marcus Rashford."

    Effectivement. Ce docu est intitulé “Marcus Rashford: Feeding Britain’s Children” et a été diffusé en décembre 2020 en fait. Il est visionnable ici lien jusqu’au 20 déc. prochain (désolé, géo-bloqué). Je ne l’avais pas vu mais j’viens de mater le début et me garde le reste sous le coude. Le teaser: lien

    Le tout début de ce docu évoque l’explosion des banques alimentaires au Royaume-uni depuis la fin des années 2000, reflétant une paupérisation et inégalité galopantes. Selon la Resolution Foundation lien presque un quart des Britanniques vivaient sous le seuil de pauvreté en 2017-18, et un tiers des enfants (jusqu’à 40 % selon d’autres chiffres).

    La stricte politique d’austérité des gouvernements conservateurs successifs depuis 2010 est largement en cause. Coupes budgétaires sauvages, réductions des aides sociales à la hache, érosion progressive du “safety net” (filet de protection), démantèlement systématique des systèmes de prévention (telle la réduction draconnienne du nombre et baisse du financement des centres "Sure Start" lien, centres créés en 1998 sous les Travaillistes pour aider les familles en difficulté, lien), appauvrissement délibéré des Local Authorities (en partie responsables des services sociaux), surtout celles dirigées par les Travaillistes, lien et qui ont vu leur financement chuter drastiquement.

    Asphyxier les services publics, pour ensuite aller claironner “preuves à l’appui” que le secteur public ou les autorités locales sont "incompétentes", justifiant ainsi une privatisation ou une externalisation (souvent donnée aux p’tits copains, conservateurs), est l’une des stratégies de conquête (et division) favourites des gouvernements conservateurs.

    Encore marginales dans les années 2000, on compte aujourd’hui environ 2 500 banques alimentaires. 1 300 d’entre elles environ sont gérées par le Trussell Trust, et plus d’un millier sont indépendantes, opérant principalement sous l’égide de l’Independent Food Aid Network. 50,000 volontaires, ainsi que des œuvres caricatives, églises et autres mettent la main à la pâte. Beaucoup d’écoles également organisent sporadiquement des collectes et redistribuent, elles étaient environ 5 000 à le faire durant la pandémie.

    En 2019, Philip Alston, rapporteur spécial à l'ONU sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme, a visité le Royaume-Uni pendant deux semaines, dont Newcastle. Ses constatations sur la pauvreté au R-U sont accablantes, lien

  • Mangeur Vasqué le 23/10/2021 à 11h52
    À ce propos, bon article de Libé là-dessus et sur Newcastle, lien

    Un sujet (les banques alimentaires) qui figure d’ailleurs dans l’excellent “I, Daniel Blake” (2016, Palme d'Or à Cannes), l’avant-dernier film de Ken Loach, entièrement tourné à Newcastle. On y voit notamment la West End food bank de Newcastle, officiellement l’une des plus sollicitées d’Europe : une vingtaine de tonnes de nourriture y est distribuée chaque semaine, le double pendant la pandémie.

    La perversion de la normalisation des choses, même des plus ignobles, fait que l’existence de ces banques alimentaires est devenue pour certains habitants des quartiers pauvres un “service social” de plus, souvent à mettre au crédit des Conservateurs.

    Prenons Hartlepool par exemple (contrairement aux apparences, je ne fais pas une fixette sur cette ville très défavorisée du North East lien), y’avait une partielle là-bas en mai dernier, le député travailliste du coin Mike Hill démissionnant subitement, dans des circonstances suspectes… lien (en passant, y'aurait pas mal à dire sur la lamentable conduite de trop de député.e.s travaillistes ces derniers temps. Encore un scandale à Leicester East y’a une semaine avec la députée Labour du coin accusée de harcélement aggravé, dont des menaces – apparemment documentées – de défigurer à l’acide la maîtresse de son compagnon, lien. Cette députée avait été élue en 2019, suite à la démission dans cette même circo de l’ex ministre travailliste Keith Vaz, accusé au fil des ans d’une liste de méfaits lien. Trop d'autres histoires de ce genre ces derniers temps impliquant les Travaillistes ont terni l'image et la crédibilité du parti qui n'a guère besoin de ça en ce moment, la presse - majoritairement de droite - s'en donnant à coeur joie. Faut vraiment que Labour revoie urgemment leurs "vetting processes", enquêtes préliminaires de probité & exemplarité).

    Bon et bien à Hartlepool, fief travailliste de 90 000 habitants, quand les médias ont rappliqué fin avril/début mai pour interroger les gens du coin et leur demander pourquoi une majorité voulait soudain voter Conservateur (selon les sondages), y’en avait pour dire, comme un Fred qui a eu le droit à son quart d’heure warholien, “qu’au moins les Conservateurs [de + en + influents sur le Hartlepool Borough Council, le Conseil municipal de l’agglo] leur avaient donnés 9 banques alimentaires alors que y’en avait pas une quand les Travaillistes dirigeaient la ville”. [Fred from Hartlepool on LBC today, praising the Tories because.... Wait for it.... They have 9 food banks now, and Labour didn't give them any. lien

    Résultat des courses : les Conservateurs ont emporté haut la main la partielle dans cette ville défavorisée.
    lien

    Un mot sur Ken Loach (d'ailleurs récemment viré du parti travailliste par Keir Starmer, pour motifs futiles, lien - le parti n'a pas autre chose à foutre que de virer des gens comme Loach ?) puisque j'ai mentionné son film "I, Daniel Blake ", Loach qui est entre autre supporter et “director” de Bath FC (D6), club intéressant de non-League mais qui a du mal à décoller dans celle ville huppée de 200,000 habitants dominée par le rubgy à XV (sport prisé de la bourgeoisie en Angleterre, 60% des internationaux du XV de la Rose par exemple étant issu d’écoles privées, aux frais de scolarité exhorbitants).

    Non sans humour, le film met l’accent (via son acteur principal, le formidable Dave Johns, lien) sur l’injustice et le côté Kafkaïen du système social britannique. Les diverses indemnités/allocations et aides diverses sont souvent difficiles à obtenir et à toucher dans la durée, au-delà de 3 mois quoi. Même se faire verser les allocs chômage (pourtant peu généreuses : elles sont plafonnées à 320 £/mois) pendant plus de quelques mois relève du parcours du combattant. Ou toucher des allocs adulte handicapé ou condition médicale grave. Toutes ces démarches sont notoirement difficiles, et les sanctions courantes et brutales.

    Beaucoup d’affaires ont été mises à jour ces dernières années, typiquement de gens atteints de graves maladies ou handicaps qui se sont vus injustement refuser ces aides, souvent sous le prétexte ridicule “qu’ils pouvaient travailler”, et qui sont décédés peu après.

    Pas mal de ces allocs sont gérées depuis 2010 par des sociétés privées, telle les notoires Capita et la française Atos, qui se gavent sur la bête publique.
    lien

    Tout est fait pour décourager et complexifier les inscriptions et procédures, alors beaucoup finissent par renoncer à faire ces démarches. Ça permet aux gouvernements d’annoncer des chiffres bas, et sans cesse en baisse, favorisant les comparaisons avec les gouvernements précédents et internationales. Le data étant king, il convient de “game the system” comme disent les Britanniques, de bidouiller, de tricher.

    Telle la fumisterie des chiffres du chômage et des données des “actifs”, respectivement officiellement pré Covid “historiquement bas” à 3-4 % et historiquement haut à 33.5 millions de "travailleurs actifs". Outre les difficultés liées aux démarches, les gvts successifs ont tellement “désincentivisé” l’inscription chômage que peu s’inscrivent. La prolifération des contrats zéro heure et divers stratagèmes d’escamotage* complètent l’illusion.

    [*Par exemple travailler ne serait-ce qu’une heure par semaine suffit à être catégorisé comme “actif”, et donc à ne pas figurer sur les stats chômage tout en étant compté comme travailleur actif, lien […] “BBC Reality Check asked the Office for National Statistics (ONS) whether working just one hour a week was all that was needed to be officially classified as employed? The ONS confirmed that was the lien

  • Mangeur Vasqué le 23/10/2021 à 12h33
    "T'as déjà pensé à faire un podcast ? Je suis sérieux, le podcast c'est l'avenir, tout le monde aura bientôt le sien alors autant commencer par ceux qui ont des choses intéressantes à raconter !!"

    Je n’aurais malheureusement plus la disponibilité suffisante pour podcaster sur le foot anglais. Je ne suis plus impliqué dans ce domaine (foot anglais) comme j’ai pu l’être par le passé. Je ressens parfois quelques solides frémissements mais c'est passager.

    Cet article est mon premier pour les Cahiers depuis 2015, j’en ai commis un en 2018 pour le Guardian sur notre bonne vieille Coupe de France, lien, également publié dans The Observer (la version dominicale papier du Guardian), mais ce sont des “one-offs” sur des sujets bien précis ou insolites. Je n’écris plus sur le football anglais depuis 2015, par manque de temps et aussi de motivation. Monter un podcast intéressant et qui tient la route exige une bonne dose de travail, d’engagement et de passion disons. Peut-être que la flamme reviendra un jour, qui sait.

    Et pour finir sur Dave Johns (l’acteur principal de “Moi, Daniel Blake”, lien), natif de Newcastle, était inconnu nationalement jusquà ce film qui le révéla, a 59 ans, et pour cause c’était son premier. Ancien maçon, il était cependant connu sur la région et un peu au-delà mais uniquement pour son stand-up. Johns a également joué dans un récent film de foot, The Keeper (pas vu), lien et
    lien sur le gardien allemand Bert Trautmann lien. J’ai un peu parlé de Trautmann dans Teenage Kicks par le passé et l‘excellent Richard Coudrais a fait sa nécro pour les Cahiers en juillet 2013, lien

    Ken Loach : je conseille également son film suivant, "Sorry We Missed You" (2019, "Désolé de vous avoir manqué"), un coup de gueule sur l’ubérisation de la société et le capitalisme sauvage. Également tourné sur Newcastle et banlieue, Gateshead en particulier.

  • Ba Zenga le 26/10/2021 à 14h33
    Excellent, article très instructif (et malheureusement, effrayant aussi). Merci Mangeur.

  • Ba Zenga le 26/10/2021 à 14h41
    (je confirme aussi pour Sorry We Missed You que j'ai vu récemment et qui est révoltant et bouleversant. La scène sur le football est assez cocasse.)

  • Mangeur Vasqué le 28/10/2021 à 23h27
    Merci Ba Zenga.

    "(je confirme aussi pour Sorry We Missed You que j'ai vu récemment et qui est révoltant et bouleversant. La scène sur le football est assez cocasse."

    Ah ouais, la scène avec le livreur et "vedette" du film (le Mancunien Kris Hitchen) qui porte un maillot Man United (à Newcastle donc...) et se prend une leçon de morale par un client Magpie. Excellent en effet !

    Comme je l’écrivais ici y’a quelques jours, le 23/10, Ken Loach adore le football, il est supporter & “director” de Bath FC et aime mettre en scène ce sport, eg “Looking for Eric” bien évidemment, excellent ce film.

    Son deuxième film (culte), “Kes” (1969) contient aussi quelques scènes de football dont une (de 8 minutes) non moins culte, lien et lien

    Kes est un film émouvant sur Billy Casper, un ado "différent" et chahuteur qui vit mal son adolescence chez lui et à l'école (système scolaire particulièrement cruel, bien restitué dans le film), qui grandit à la fin des années 1960 dans une communauté ouvrière près de Barnsley, South Yorkshire (grosses communautés minières alors, eg le formidable “Brassed off” a été tourné à 10 kms de là).

    Film sur l’altérité, la camaraderie, la difficulté d’identification à cet âge-là, le fort besoin d’appartenance aussi, etc., et la longue scène du match de foot (sport qui peut véhiculer tout ça) saisit bien tous ces sentiments.

    Pas mal de ces scènes ont été tournées dans le village de Hoyland (entre Sheffield et Barnsley, South Yorkshire). Barry Hines, le dialoguiste, était originaire de Hoyland. “Kes” est adapté de son roman, “A Kestrel for a Knave” (Une Crécerelle pour un Valet), ce gamin Billy Casper un peu rebelle qui un jour d’école buissonnière trouve une crécerelle blessée (symbolique bien sûr), l’apprivoise et… Bon, je vais pas te spoiler le truc si tu l’as jamais vu !

    J’ai habité un an dans cette petite ville de Hoyland au milieu des 1990 et enseigné à quelques kms de là jusqu’en 2001 (j’avais cependant déménagé à Sheffield), avant de partir pour le North East. Y’avait encore quelques mines à l’époque dans ce coin,1990-1995, et les stigmates de la longue grève des mineurs 1984-85, ainsi la gestion un peu ad hoc de "l’après-mines" se faisaient toujours beaucoup sentir. Le problème n’était pas tant d’avoir fermé ces mines mais de les avoir remplacées par, well, pas grand chose (quelques centres d’appel…). Ça commençait cependant à bien amorcer la transition et régénération vers 1995-2000, pas mal aidée par l’Union Européenne, notamment via le EU South Yorkshire Objective 1 Programme.

La revue des Cahiers du football