La Coupe de l'UEFA s'alourdit d'une phase de poules et les clubs ne relâchent pas leurs pressions sur les équipes nationales. Un an après la Coupe du monde de l'épuisement, les calendriers se moquent autant de la santé des joueurs que de l'intérêt sportif…
La Coupe de l'UEFA victime d'enflure
Longtemps retardée, objet de tensions au sein de l'UEFA, la réforme de la Coupe de l'UEFA a finalement été décidée par la confédération européenne. Sans surprise, la compétition va basculer vers un système de poules qualificatives à partir de la saison 2004/2005. Un tour préliminaire à élimination directe (64 équipes auxquelles s'ajouteront les recalés du 3e tour préliminaire de Ligue des champions) qualifiera 40 clubs qui se répartiront en 8 groupes de 5 équipes. Les 3 premiers de chaque poule, soient 24 équipes, rejoints par les 8 recalés du premier tour de Ligue des champions, disputeront des 16e de finale. Au total, 221 matches et 16 journées qui se dérouleront le jeudi les semaines de LdC, le mercredi le reste du temps. Du lourd…
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Imitant la Ligue des champions, elle n'aura donc plus qu'un vague rapport avec la notion de "coupe". Faute d'avoir défendu ce principe originel en rendant attractive une vraie compétition qui aurait trouvé sa valeur et son identité dans les joies de l'élimination directe, l'ex C3 n'a pas remplacé la mythique Coupe des coupes, ni trouvé sa place à côté de l'écrasante Ligue des champions. L'élimination prématurée est un risque que ne veulent plus assurer les clubs, lesquels préfèrent toucher des tickets de présence richement dotés.
C'est donc sa rentabilité insuffisante pour les clubs, péché rédhibitoire, qui l'aura condamnée. Avec une attractivité en chute libre, la désaffection des télévisions s'est traduite par une baisse des recettes accompagnant celle des audiences. En assurant au minimum cinq matches à ses participants (quinze au maximum pour les finalistes), la compétition nouvelle leur garantira au moins des revenus suffisants… sans garantir son intérêt sportif, une nouvelle fois dilué dans une flopée de rencontres dont les enjeux et la qualité seront très aléatoires.
Blatter veut rétrécir les championnats
Une nouvelle fois, l'imagination semble donc sans limites dès lors qu'il s'agit de plomber les calendriers. Sepp Blatter, auteur de la Coupe des confédérations et promoteur d'un éventuel championnat du monde des clubs qui défendit autrefois une Coupe du monde biennale, n'est pas le plus crédible des dirigeants pour lutter contre cette surcharge. Encore faut-il remarquer que ces initiatives furent essentiellement motivées par la nécessité d'occuper le terrain — c'est-à-dire le calendrier — pour ne pas laisser les clubs l'envahir entièrement. Une sorte de stratégie du
containment, face à des clubs avides et à des confédérations — UEFA en premier lieu — qui se font généralement le relais de ces clubs. Les difficultés rencontrées pour imposer un calendrier harmonisé au niveau mondial, qui n'existe actuellement que comme une trame dégageant des dates pour les équipes nationales, en témoignent (voir notre tableau dans
Des années de 600 jours).
La dernière initiative du président de la FIFA a donc peu de chances d'être couronnée de succès. Il voudrait en effet imposer aux fédérations et ligues nationales de limiter leurs championnats d'élite à 16 clubs. Une proposition, qui sera soumise au congrès de Doha en octobre prochain, déjà repoussée sans grand ménagement par la Ligue allemande qui a renvoyé le Suisse à ses études, imitée .
Peut-être Blatter, en politique roué, espère-t-il simplement inciter l'Espagne, l'Angleterre et la France à passer de vingt à dix-huit clubs. Une mesure que le championnat français appliquera de toute façon, celle-ci n'ayant été retardée que pour des raisons politiques (voir la
Gazette 92).
La bataille des calendriers
L'occasion a également été belle, pour le G14, de lâcher son habituelle bordée de contrevérités par la voix de Thomas Kürth, son manager général, du genre
"les clubs sont défavorisés", imité par notre Gervais Martel national:
"Si le rythme des matches fait courir un risque aux internationaux, alors que M. Blatter supprime des matches internationaux, à commencer par ces matches amicaux inutiles" (L'Équipe 12/07). Martel omet de dire que c'est exactement ce que fait le calendrier harmonisé. En France, l'inutile Coupe de la Ligue n'est bien sûr pas remise en cause, et en Europe, on fait mine d'ignorer les conséquences de l'hypertrophie des coupes européennes depuis quelques années…
Cet été, de nombreuses formations européennes vont disputer de lucratives tournées en Asie ou aux États-Unis (1), mais bien entendu, ces coupes en chocolat ne sont pas "inutiles" comme le sont les matches amicaux des sélections nationales, visés par les clubs tout au long de la saison dernière (voir
Qui veut la peau des internationaux?, les
Gazette 85 et
87). Le G14 revendique ainsi une indemnisation des clubs par les sélections lorsque que les internationaux sont absents ou blessés sous leur maillot national, l'inverse n'étant évidemment pas envisageable. (voir la
Gazette 83).
Ce lobbying qui mobilise la mauvaise foi la plus éhontée ne va pas baisser d'intensité dans les mois à venir, et le calendrier restera un champ de bataille décisif pour les futurs équilibres entre le football de club et le football de sélections.
Le dopage, la blessure et la mort
Une question se repose (au contraire des joueurs). Celle de l'incitation pure et simple au dopage que constituent les rythmes actuels de compétition. Compte tenu d'enjeux économiques de plus en plus pressants dans des grands clubs, force est d'admettre une nouvelle fois que toutes les conditions sont réunies pour que soient systématisés les recours à une douteuse médecine de la performance. Et tout est réuni pour que les spectateurs en restent dupes, même si l'évolution actuelle finit par prouver par l'absurde l'existence du dopage dans le football…
L'absurde, c'est aussi le constat que pour les joueurs, la blessure est le dernier moyen d'obtenir une coupure bienfaisante… Elle devient de toute façon de plus en fatale. Même si les causes apparentes en sont toujours accidentelles, comment croire qu'elles surviennent par hasard? Comment s'étonner l'an passé, des blessures de Zidane ou Pires, ou, cette saison de celle de Vieira? Le capitaine d'Arsenal avait pourtant tiré la sonnette d'alarme dès la fin de l'été dernier, mais la politique de son club consiste à tirer sur la corde, quitte à ce qu'elle rompe (2), sans cesser d'accuser les sélections d'être seules responsables de l'épuisement des internationaux.
La mort de Marc-Vivien Foé le mois dernier aurait pu relancer le débat, et Sepp Blatter, non sans cynisme, a tenté d'en exploiter l'opportunité. Mais faute d'éléments probants (analyse toxicologique négative, cadences plutôt clémentes pour le Camerounais à Manchester City, diagnostic final d'une malformation cardiaque…), l'exemplarité de ce drame reste à prouver. On sent pourtant qu'il faudra une catastrophe ou un scandale de grande ampleur pour que les instances sportives réussissent à imposer et à s'imposer un retour à la raison…
Il semble que personne n'ait retenu les leçons d'un Mondial 2002 faussé et terni par l'épuisement des joueurs issus des championnats majeurs (voir
La Coupe est vide et
Une inquiétante Coupe du monde). On attendra donc l'Euro 2004 pour faire un nouveau point…
(1) Quelques exemples : Manchester, Barcelone, la Juventus, l'AC Milan et le Celtic participent au "USA Tour" du 22 juillet au 5 août. Lyon, Besiktas, Eindhoven ou encore le Munich 1860 sont en Corée pour la "Peace Cup", du 15 au 22 juillet. Chelsea, Birmingham City et Newcastle visitent la Malaisie pour la "Premier League Asia Cup" du 24 au 27 juillet.
(2) Se déclarant "carbonisé", il avait fait part début septembre de son intention de demander du repos à son entraîneur, celui-ci répliquant que Vieira était en pleine forme. En 2001/2002, Vieira avait disputé 52 matches comme titulaire, n'étant remplacé qu'une fois en cours de match.