Paillettes et nostalgie: les Bleus entre deux pièges
Etrange mise en scène, à l'occasion des oscars du football sur Canal+: l'arrivée grotesque des "Bleus" en hélicoptère et à Disneyland. A deux mois de l'Euro, il serait temps d'arrêter le folklore mondialiste.
Auteur : Jamel Attal
le 25 Avr 2000
Passons sur le choix (pour la deuxième année consécutive) de Disneyland comme lieu de la cérémonie, le camp de concentration du bonheur étant par ailleurs partenaire de l'équipe de France, justement. Mais on se demande ce qui pouvait justifier un tel déploiement de moyens, Gilardi comme au cirque annonçant l'événement à grand renfort de mines ébahies et de propos enthousiastes. Ne lésinant pas sur le grotesque, la réalisation nous inflige la musique d'Apocalypse Now sur fond d'hélicoptères, à moins que ce ne soit le contraire. S'il s'agissait de glisser un peu d'ironie dans le spectacle, c'est raté, Wagner ne faisant que renforcer le ridicule de la situation. Les internationaux n'auront en fin de compte débarqué en fanfare que pour assister à la fin de l'émission et répondre à deux interviewes express.
Plus inquiétant, on se demande qui est ainsi célébré. Les champions du monde, ou bien le groupe rassemblé à Clairefontaine en vue d'un match amical? Canal joue de la confusion, la chaîne diffusant dans la foulée un montage des scènes de liesse du 12 juillet. Restons mesurés, les 18 de France-Slovénie ne sont pas les 22 du Mondial 98 ni même ceux de l'Euro 2000. Ils ne sont même pas encore vainqueurs de la Slovénie! La fièvre de l'hommage qui tient sous son emprise la France du foot depuis deux ans devrait se calmer un peu: le temps passe et les compétitions ne se gagnent pas avec des souvenirs.
En 1998, une équipe de France critiquée avait fait front uni et s'était préservée des pressions extérieures. En 2000, une équipe de France adulée ne sera-t-elle pas fragilisée par le fétichisme médiatique dont elle est l'objet? Jacquet avait réussi à tenir les ego sous surveillance, et à écarter les tentations médiatiques (rappelons-nous un Euro 92 catastrophique à cet égard). Espérons que Lemerre est bien conscient de ces dangers.