Panne décence
En guise de vengeance sur la perfide Italie, nous mettons en ligne la Chronique de Jean-Patrick Sacdefiel du numéro de juin, dans laquelle le chroniqueur exprimait son aversion pour une certaine publicité huileuse – et révélait aussi un pan caché de sa vie sexuelle...
Bien que n’éprouvant plus la moindre surprise à voir les footballeurs se transformer en hommes-sandwichs destinés à promouvoir les fleurons de la consommation de masse, j’avoue tout de même n’avoir pu réprimer un haut-le-cœur en tombant au détour d’une page de magazine sur cette publicité faisant figurer une brochette d’internationaux transalpins dans l’ambiance interlope d’un vestiaire crasseux.
Si le carrelage entartré recèle apparemment de quoi déclencher des septicémies foudroyantes par simple contact avec la voûte plantaire, notre quintette, lui, brille au point qu’il semble avoir été récuré juste avant la prise de vue. Épilés tels des cyclistes, huilés comme des moules à gaufre, figés dans une pose à destinée à mettre en évidence leur renflement sub-pubien, les jambes subtilement écartées, ils forment un tableau proprement effarant.
Des millénaires de civilisation picturale, depuis les grottes de Lascaux, pour déboucher dans la repoussante intimité de ces douches de gymnase vétuste, il y a de quoi désespérer. Le spectacle annuel de Cris en slip couinant sa joie devant les tribunes de Gerland est déjà très éprouvant, mais si en plus des fabricants de sous-vêtements organisent ce genre d’exhibition crypto-gay... Et le fait d’avoir pudiquement placé Gennaro Gattuso au fond à droite de la scène ne constitue pas une circonstance atténuante.
Accessoires érotiques
Mes détracteurs auront tôt fait de m’accuser d’homophobie, mais ils se fourrent le doigt... où bon leur semble. Je n’ai ainsi aucune honte à confesser quelques pulsions anciennes et chastes pour mes pairs de l’internat (je précise pour les jeunes générations qu’ils n’ont rien à voir avec les paires de l’Internet). Mais mes fantasmes liminaires datent d’une époque où la virilité s’exprimait à grands renforts de pilosité : barbes à la Breitner, rouflaquettes à la Bonhof, tignasses à la Neeskens, moustaches à la Mazzola, etc.
J’avoue tout aussi volontiers le trouble juvénile ressenti quand je constatai, en 1977, que la tache de sueur sur la poitrine de Dominique Bathenay formait indubitablement un cœur. Mais alors là, le spectacle de ces footballeurs lustrés comme des rampes d’escaliers, jolis comme des filles, réduits à l’état d’accessoires érotiques pour rombière décatie a de quoi me renvoyer au niveau de tolérance d’un milicien texan.
Certes, les Italiens ont toujours perdu une partie de leur influx à veiller au rétablissement de leur coiffure après un tacle... Mais de là à se retrouver en si fâcheuse posture, plantés comme des godemichés dans un pot à vaseline, il y a une marge qu’une mâle dignité aurait dû s’interdire de franchir. Mais comment s’en étonner, à une époque où les vigoureuses odeurs de sueur et d’arnica ont été remplacées dans les backrooms d’un football décadent par les fragrances débilitantes des crèmes de beauté?