Le prêt, et après ?
Alors que le nombre de prêts augmente, regardons qui prête qui, à qui, et si ça marche... Petite étude sur les joueurs prêtés par les clubs de Ligue 1, et leur destin incertain.
"Le Bonheur est dans le prêt". Combien de fois n’a-t-on lu ce jeu de mots facile en période de transferts? Mais la maxime se vérifie-t-elle pour les nombreux joueurs qui reviennent de prêt et reviennent gonfler en ce moment les rangs de clubs qui ne veulent plus forcément d’eux? Chiffres à l’appui [1], étudions comment le modèle de prêt a évolué ces dernières années et tentons de dessiner le portrait-robot du joueur prêté version 2013.
S’il reste encore marginal à l’orée des années 90, le prêt de joueurs se développe peu à peu afin de permettre aux clubs formateurs de laisser s’aguerrir leurs joueurs encore un peu verts pour intégrer l’équipe première. Dans les années 2000, la concurrence des clubs étrangers, puis la nécessaire rigueur économique ont placé le modèle de prêt au cœur de la stratégie des clubs français. Ces deux dernières saisons, la nécessité pour les dirigeants de contrôler leur masse salariale a contribué à une augmentation continue du nombre de joueurs prêtés par les clubs de L1.
Cette augmentation est essentiellement due à la période de transfert estivale, le nombre de prêts réalisés en janvier restant moindre (en dépit d'une croissance lors de la saison passée), ce qui laisse penser que ces derniers relèvent d’une nécessité plus sportive qu’économique. En bonus, le nombre de prêts par club de Ligue 1.
Pour corroborer ce sentiment, il est instructif de se pencher sur les destinations de ces joueurs.
On note une nette hausse de la part des prêts intra Ligue 1 en hiver (23% des transactions contre 6% en été), confirmant que le prêt hivernal relève essentiellement d’une logique sportive et répond à un besoin du club acquéreur. D’ailleurs, lors de la saison écoulée, la plupart des joueurs qui ont changé de maillot en janvier ont eu un temps de jeu significatif dans leur nouveau club: Mollo à Saint-Étienne, Raspentino à Brest, Chalmé à Ajaccio, ou encore Tinhan et Mulumba en L2.
Autre élément frappant, les destinations les plus prisées lors de la fenêtre estivale sont les divisions inférieures (L2 et National rassemblent plus des deux tiers des prêts). Cela relève ici à la fois d’une logique de poursuite de la formation (l’âge moyen dépasse tout juste les vingt-et-un ans) et d’impératifs économiques, les clubs cherchant plus que jamais à rationaliser la taille de leurs effectifs.
Enfin, les prêts vers l’étranger s’inscrivent dans une démarche inverse à la précédente. Si leur nombre s’accroit significativement en hiver [2], on note une moyenne d’âge supérieure à vingt-six ans. Ce sont pour la plupart des joueurs qui ont connu leur heure de gloire dans leurs clubs, mais dont ces derniers se débarrassent pour des motifs économiques (Helder, Bastos), ou pour des rendements insuffisants au vu de leur potentiel (Lugano, Jussiê, Emeghara).
Y a-t-il une carrière après le prêt ?
Pour bon nombre joueurs de retour de prêt, la reprise de l’entraînement est synonyme d’interrogations. Quel sort leur réserve le président? Tiendra-t-on seulement compte des performances réalisées la saison pensée? Entrent-ils dans les plans de l’entraîneur? Et si celui-ci est nouveau, va-t-il rebattre les cartes de l’effectif? Pour aiguiller ces âmes en peine, dressons le bilan des retours de prêt 2012, et voyons si la mode est davantage au Leiti N’Diaye ou au André Ayew.
On pouvait s'en douter: plus des trois quarts des joueurs prêtés sont indésirables la saison suivante. Les plus chanceux sont à nouveau prêtés ou trouvent un club plus accueillant, à un échelon inférieur. D’autres restent sur le carreau avec une carrière souvent compromise. Dans cette dernière catégorie, on trouve étonnamment moins de joueurs expérimentés désabusés (David Bellion, et à la limite Fabien Robert) que de jeunes pousses en quête de temps de jeu.
Inversement, qui sont les joueurs qui arrivent à s’imposer en L1 au terme de leur prêt? Pas de recette miracle, pas de progression spontanée et inattendue: ce ne sont ni plus ni moins que des joueurs qui glissent du haut de tableau vers des clubs moins prestigieux. Les Bordelais (Krychkowiak, Ayité, S. Sané) et les Lyonnais (Yattara et Reale) sont les principaux représentants de cette catégorie.
En fin de compte, un seul joueur déjoue les statistiques en s’imposant dans un club plus huppé que celui de son prêt. Mais pour ce cas bien précis, il faudrait bien un article complet pour comprendre le phénomène. Sacré Mustapha Bayal.
[1] Source : soccerway.com.
[2] Et encore, le pourcentage estival est dopé par le départ à Mouscron de quatre jeunes Lillois.