Quand peut-on parler d'exploit ? (2)
Minichro – On avait posé la question après le match aller entre l'OL et la Juventus, on la pose de nouveau après le match retour.
La minichronique pose une question, elle n'y répond pas toujours et, à la fin, elle en pose une autre.
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En mars, on s'interrogeait sur la définition de "l'exploit", ses variables, ses critères objectivables. C'était après… OL-Juventus, dont le match retour fait l'objet de la même qualification (trois fois dans l'article de Vincent Duluc, dans L'Équipe, exploit "authentique" et "retentissant" pour les commentateurs de RMC Sport).
Cette fois, le terme semble plus légitime, dans la mesure où une bonne performance à l'aller sans qualification au retour aurait été labellisée "sans lendemain", et n'aurait plus eu grand-chose d'un exploit, sauf à se contenter de peu.
Dans le précédent texte, on distinguait deux types d'exploits: "les uns marquent une victoire dans une grande compétition [ou un titre prestigieux], ils sont certifiés par la hauteur de la marche. Les autres caractérisent une performance improbable contre plus fort que soi".
On y disait aussi que différents facteurs hiérarchisaient les exploits: "le prestige et le stade de la compétition, le prestige et la valeur de l'adversaire, mais aussi la qualité du spectacle et sa dramaturgie". La qualification de l'OL coche plusieurs de ces cases, tout en appelant discussion.
On voit ainsi les éléments de pondération, à commencer par le niveau et l'état physique incertains de cette Juventus, dans les très singulières conditions actuelles qui, d'ailleurs, vont jeter un voile sur les résultats du "Final 8" de Lisbonne.
Le match, intense, n'a pas offert de grand spectacle, le succès des Lyonnais devant plus à leur abnégation qu'à la qualité de leur expression ou à leur maîtrise. Leur faible nombre d'occasions (un tir cadré) et la défaite elle-même ne caractérisent pas un accomplissement sportif.
L'exploit, réel, réside donc surtout dans le fait d'avoir tenu face à un adversaire très prestigieux pour accéder aux quarts de finale d'une compétition qui ne l'est pas moins – un stade rarement atteint par les clubs français. Le fait que ceux-ci n'avaient jamais éliminé la Juventus accentue cette dimension liée au statut du match.
Ces remarques suggèrent, non pour le minorer, mais pour mieux le définir, l'idée d'un "exploit sur le papier", au sens où il se fonde sur des éléments largement extérieurs au terrain. Dans cette idée, on peut en quelque sorte valider l'exploit sans avoir vu le match: une qualification, a priori improbable ou difficile, y suffit.
"Peu importe la manière", finalement, dans l'exploit? Pas tout à fait, car elle va le grandir, mais n'est pas une condition nécessaire. En pareil cas, le prestige de l'adversaire et de la compétition, ou encore la difficulté du défi (inverser une situation de départ très compromise, par exemple) suffisent à le constituer.
Cela suggère aussi que les conditions de l'exploit sont définies avant l'exploit (sauf cas exceptionnel: un score très défavorable en cours de match) alors que, paradoxalement, il est souvent inattendu ou improbable. Un exploit n'est-il pas, finalement, proportionnel à l'espoir qui l'a précédé?