Si le niveau de jeu d’une équipe se mesurait à son aura médiatique, un titre de L2 des Verts vaudrait bien une Coupe de la Ligue sochalienne. Lors de la précédente accession, le magazine
But avait salué l’exploit par l’apparition d’une édition locale. Cette saison, c’est
Le Foot qui a pris le relais. Avec ce
"pavé dans la mare de But", le groupe Robert Lafont (1) s’attaque à un adversaire à sa taille. Car dans la presse footbalistique, le groupe Amaury écrase la concurrence. Ainsi, seul France Football réussit le grand écart entre le degré zéro de l’info people, une couverture large de l’actualité et des reportages fouillés (ne restait plus que les miettes d’amour et d’eau fraîche pour les autres). Robert Lafont lutte donc sur le podium avec Foot Edition / Sporever, regroupement des deux échoués du service public (2).
But Mag’ est leader sur la proximité avec cinq éditions à Lens, Lyon, Marseille, Paris et Saint-Étienne. Il revendique une diffusion à 100.000 exemplaires. En face, le débit moyen d’un Robert Lafont se situerait entre 30.000 et 50.000 exemplaires par titre (3). Et, des titres dans le foot, il en édite un nombre quasiment incalculable entre les éditions spéciales, les hors-série, les "événements" et les magazines.
"Le Foot", "Le Foot Spécial", "Le Foot Événement", "Le Foot Interview", "Le Foot Hors-série", "Le Journal du football", "Foot Revue"… Des tas de titres, mais un air de famille… |
Mais qui est Bob ?
Pas franchement novice dans le secteur, Robert Lafont s’est positionné sur "
Le Foot" en 1992. À raison d’au moins un nouveau titre par an depuis 1998, Bob sort du papier glacé foot plus d’une fois par semaine. Auto-proclamé self-made-man (4), "Astérix" ou "Don Quichotte" de la presse, il surfe sur une imagerie populaire voire populiste, et dit combattre
"la presse éternelle et monopolistique" affirmant que son "groupe sera toujours du côté de la justice, du mérite et de la liberté". Son modèle économique s'appuie sur un schéma simple: effet volume par la multiplication des titres et contenu peu coûteux. Comme le patron considère qu’un journal doit être un bel objet, c’est sur la variable salariale qu’il gagne. Accusant les lois sociales et les journalistes d’avoir "plombé" le quotidien Le Sport, Bobby publie aujourd’hui des journaux presque intégralement sous-traités avec la même base rédactionnelle que les gratuits: agences de presse, pigistes… pour
"accroître la souplesse" comme il dit. Le foot dans tout ça? Et bien, c’est un bon filon pour qui veut faire du
"grand public" et un instrument de communication prisé même du grand patron:
"Nous sommes à la mi-temps d’un grand match ! Et je suis vraiment dans le match. On n'a pas trop mal joué. On a raté des occasions. On en a mis, on en a pris, des buts, mais, pour l’instant, nous faisons match nul… Nous sommes l’outsider qui peut gagner le match contre une grosse équipe".
Mais qu’est-ce qu’il y a dans "Le Foot Saint-Étienne"?
Alors, c’est quoi ce
"mensuel d’information et d’investigation, différent de l’intérieur […] qui concilie l’image d’une certaine classe, d’un certain élitisme et celle de supports de presse à la portée de tous"?
Pour l’élitisme, on trouve deux articles de fonds relativement instructifs, un sur le retour de la formation, un autre sur le partenariat avec Arsenal. Rien de révolutionnaire, mais c’est toujours plus d’actualité que le gros plan fait par
But sur le "buteur en or" de la saison passé — le sympathique Patrice Carteron désormais plus présent dans le vestiaire que sur le terrain. Dans
Le Foot, Patrice rejoint d’ailleurs l’équipe de chroniqueurs "mythiques", entre Rocheteau sur la première page de texte et Robert Nouzaret assez logiquement relégué sur la dernière.
Exercice obligé pour un magazine communautaire, il faut saluer les supporters et l’unique membre de la rédaction, Julien Gournbeyne, éditote dans
But Sainté sur "le retour du peuple vert". Pour donner la réplique,
Le Foot va plus loin et consacre un article au "deuxième club de la Loire": Andrézieux, ce qui fait de
Le Foot le premier Mag sur l’ASSE qui ne se vendra pas à Roanne! Chez
But, la rédac se limite aux correspondants locaux et la couleur terroir est renforcée par la photo du souriant Patron du Glasgow, "le rendez-vous de tous les Stéphanois", comme dit la pub.
"Une certaine classe" chez
Le Foot, c’est ne jamais jouer sur les stupides rivalités ancestrales. Avec un Gerland "qui n’aime pas Paga", Elber qui aurait pu signer en 1991 ("12 ans plus tard, chez l’ennemi lyonnais") et surtout Hellebuyck qui affiche en couve un "je ne retournerai jamais à l’OL". Difficile de certifier la "différence de contenu" avec
But, qui préfère montrer un duo de restaurateurs adversaires au stade, amis à la Ville, dans un reportage tout aussi "accessible à tous".
Vendre du papier, c’est aussi vendre du rêve. Les deux magazines communautaires ressortent le même scoop (?): en cas de montée, tout le monde restera. En termes de fantasme, même modeste,
Le Foot arrive en tête. Là où Rey achèterait les modestes Sibidé et Ba (le Lavallois, pas le pré-retraité),
Le Foot ferait venir dans la ferme du Forez quelques has been de second rang: Chanelet, Prince et André (tout court, pas Luiz).
Remplir trente pages avec "des infos qu’on trouve nulle part ailleurs" sur un seul club, c’est quand même difficile. Alors, on sombre doucement dans le pathos.
But, c'est un peu un journal intime de correspondant local perdu avec un axe populaire et de jolies photos... On tombe aussi un peu dans le people, mais bon, c'est moins flagrant.
Le Foot, c'est plus prétentieux, mais ça n'a pas plus de personnalité…
Allez, pour finir, un petit bréviaire
Catherine Breillat supporte les goals
Marlène Janot "Arrêtez de parler de sa taille". À force de l’appeler Janot Siffredi il croit qu’il peut faire du cinéma.
superstition
Patrice Carteron : "Le même slip de bain, pendant six ans". Quand je l’ai enlevé, j’ai compris qu’une vie sexuelle sans mouches était possible.
déveine
Stéphane Hernandez : "Il y a un an, un ami m’a fait découvrir les courses hippiques. Depuis je suis devenu accro (…) à ce jour, je n’ai rien gagné". Si ton ami te fait découvrir les casinos, méfie toi un peu.
on ne se refait pas
Jérémie Janot (à propos de Besançon) : "Une équipe dopée par l’espoir de maintien". Et à la fin de la saison, c’est Stéphane Paille qui se fera arrêter pour le deal?
(1) Robert Lafont, qui n’a rien à voir avec l’éditeur, s’est notamment fait connaître par l’expérience du quotidien
Le Sport qui devait concurrencer
L’Équipe. Selon lui, l’échec de prestige se serait soldé par une réussite financière.
(2) En novembre dernier Patrick Chêne (Sporever / Foot365 / Sport FM) a pris une participation dans Olivier Rey (Foot Editions /
But) avec l’objectif de "créer le deuxième groupe plurimédia dans le domaine du sport en France, avec l'écrit, la radio et Internet".
(3) Les querelles de chiffre sur les ventes de presse écrite ressemblent aux recensements des manifs. Quoi qu’il en soit, la quasi-intégralité des ventes de
But proviendrait bien de la diffusion de ses cinq "éditions locales", ce qui rend l’offensive Robert Lafont particulièrement ciblée et opportune.
(4) Mais qui est le vrai Bob ? simplement un gars sorti d’une école de commerce qui considère que la presse est un marché comme les autres, ce qui lui a permis de devenir capitaine d’industrie en commençant en 1984 par une couverture sur Tapie pour le premier "Entreprendre". L’ensemble des citations en italique du monsieur sont issues du site
www.entreprendre.fr.