Toque Final
L’Europe parle espagnol. Quarante-quatre ans après un sacre européen presque anecdotique, la Selección a vaincu ses fantômes en franchissant l’obstacle des quarts, et lavé la douloureuse défaite de 1984...
Auteur : Antoine Faye et Laurent Bischoff
le 30 Juin 2008
Criblée de dettes face à l’histoire, la Roja a soldé ses comptes sur le terrain. "L’Histoire nous en devait une", expliquaient les joueurs, au sortir de la pelouse. L’Espagne a homologué son jeu en mouvement et en toucher de balle. Vêtu du maillot d’Arconada, Palop a rappelé l’Histoire douloureuse de la Selección. Sergio Ramos a amené avec lui la mémoire d’Antonio Puerta, décédé en septembre dernier.
La nalyse
Les hommes d’Aragonés ont mérité leur triomphe. Ils ne furent pas seulement les maîtres d’un match, mais les patrons de la compétition. En finale, l’Espagne a joué selon sa philosophie. Privé de Villa, Luis Aragonés n’a pas improvisé: Cesc est titularisé, et l’équipe se présente en 4-5-1. Rien que de très habituel.
À chaque match sa leçon
Invariable dans son organisation, Aragonés – observateur méticuleux du jeu – a tiré des enseignements de tous les matches de la compétition: l’importance de faire sortir la défense adverse pour jouer dans son dos (Russie et Suède), les permutations déstabilisantes de Silva et Iniesta (contre l’Italie) et l’abandon du couloir droit au profit de Sergio Ramos (contre la Russie). Décidés à couper la transmission entre Senna et ses milieux offensifs, les Allemands ont perturbé les Espagnols pendant une vingtaine de minutes. Le temps que Xavi passe du côté de Senna. Alors, l’Espagne met le pied sur le ballon, et la main sur le match.
Hystérie ibérique
Le premier coup de semonce est déclenché par la tête de Fernando Torres. Le Red expédie sur le poteau un centre impeccable de Sergio Ramos (22e). Dix minutes plus tard, le même Torres poursuit une ouverture de Xavi, se débarrasse de Philip Lahm et trompe Lehmann d’une balle piquée parfaitement dosée. Le genre de but que Thierry Henry marquait avant de prendre sa retraite. La suite est un récital espagnol conduit par Xavi, qui a écrasé la finale de son immense talent.
Menant au score, la Roja se régale: une circulation de balle vertigineuse, des partenaires toujours disponibles, beaucoup de mouvement et l’obsession d’aller marquer un deuxième but. Mais sous la menace d’une possible réaction allemande – notamment à l'heure de jeu après l'entrée de Kuranyi –, l’Espagne se crispe, voyant les occasions filer. Au coup de sifflet final, l’hystérie envahit la péninsule ibérique. Ivres de bonheur et délivrés.
Les gestes du match
• Le petit pont que Torres, enfermé le long de la ligne de touche, arrive à glisser entre les pattes de Metzelder qui laisse passer le ballon, mais pas le joueur.
• L’aile de pigeon de Xavi, dans les derniers instants du match, pour emmener le ballon loin, très loin du centre du terrain.
• La feinte du regard de Fabregas qui remet derrière pour Sergio Ramos. Le centre du madrilène croise l’envol de Fernando Torres, qui expédie le cuir sur le poteau.
• Le tacle en pleine surface de Mertesacker sur Fernando Torres qui rattrape son manque de vitesse.
• La remise de la tête de Güiza pour Senna, en fin de match. Après avoir parcouru quinze kilomètres, le milieu de Villarreal manque la gloire de quelques millimètres.
• Le pressing espagnol dans le camp allemand à la 92e.
• La haie d’honneur espagnole à la fin de la rencontre, l’hommage à Arconada et à Puerta.
L’anti-match de Metzelder
• La déviation qui manque de tromper Lehmann, lequel sauve son camp au prix d’un déhanché remarquable.
• La talonnade involontaire à la réception d’une passe dans le dos, et qui permet aux Espagnols de se montrer dangereux sur un contre.
• Ses vingt-trois montées qui se sont toutes terminées par une perte de balle et un contre Espagnol.
Les observations en vrac
• Maintenant que l’Espagne a gagné quelque chose, on va devoir subir leurs blagues tous les étés sur leurs plages.
• Ramón Calderón a promis à Metzelder une prolongation de dix ans, contre la promesse de celui-ci de ne plus fouler la pelouse d’un seul terrain de la Liga.
• Les milieux espagnols ont mis six matches à comprendre qu’il fallait lancer Fernando Torres en profondeur pour qu’il s’exprime pleinement.
• Ballack n’a pas eu le droit de revenir sur le terrain après son problème d’arcade sourcilière, ou c’est juste qu’on ne l’a pas vu?
• Il a parlé quelle langue Platini, lorsqu’il a félicité Ballack et Casillas?
• L’Équipe nous avait traduit le nom de Nihat: le vendeur de café. Voici celle de Schweinsteiger: le monteur de cochon. On en déduit ce qu’on veut.
• C’est sympa de la part de Platini d’inviter Arconada. Aussi sympa que l'invitation que Zidane lui fera parvenir pour participer au jubilé de France 98.
• Il parait que Zinédine Zidane, invité en tribune présidentielle, aurait envoyé un coup de boule au chef du protocole de l'UEFA qui l'a informé que Materazzi serait assis aux côtés de Sammer.
Le match de TF1
Les deux ans d'expérience qui feront toujours la différence.
Christian Jeanpierre: "On évoquait une certaine fragilité mentale puisque les Espagnols n'ont plus rien gagné depuis quarante-quatre ans mais ils sont nombreux à jouer en Angleterre, ça a dû changer la mentalité". Qui eux, n'ont plus rien gagné depuis quarante-deux ans. Ce qui change tout.
La finale sans Abidal
- Christian Jeanpierre: "C'était du beau, très beau football".
- Jean-Michel Larqué: "Oui, presque trop..."
L'incroyable Hulk
Christian Jeanpierre: "Y a eu un choc, y a eu un choc, Ballack est ouvert".
Le tribun branlant
Christian Jeanpierre: "Celui qui pourrait rentrer, c'est Furiani".
L'obligation contractuelle de mentionner Thierry Henry
Christian Jeanpierre: "Les vingt centimètres, ça fait la différence!"
Le petit coup de brosse à reluire avant les vacances d'Arsène
Jean-Michel Larqué: "Ça c'est typique de ce qu'il a appris en Angleterre!"
Les titres auxquels vous avez échappé
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