Un bon coup de Santiago
La synthèse
Est-ce l'habitude perdue du jeu sur terrain lourd, le décalage horaire ou climatique? Les Bleus entament la rencontre avec des gestes qui semblent un peu ralentis. Desailly tacle d'ailleurs avec un temps de retard Zamoramo, qui réussit un petit pont sur le grand black puis un centre en retrait pour Galdames qui donne un but de retard aux visiteurs. Un but de handicap pour équilibrer les débats? C'est l'impression qui prévaut en voyant les champions d'Europe prendre le dessus sur le pressing chilien et s'offrir de nombreuses positions avantageuses par Vieira, Petit et Trezeguet. Mais les Français sont souvent pris par le hors-jeu, et ratent le cadre quand ce n'est pas le cas. En fin de période, les rouges concluent quelques contres par des frappes pas plus décisives, en dépit d'une grosse domination territoriale blanche.
L'histoire repasse des plats à peine rapportés en cuisine, avec un nouveau but d'entrée de jeu: Lebœuf glisse et Silvestre dans l'urgence offre un très bon contre à Navia. Un but du coude dont le style importe peu aux supporters chiliens, définitivement réchauffés.
A l'orée du dernier quart d'heure, Trezeguet, servi par une excellente déviation de Henry après un centre de la droite de Thuram, réduit le score. Ça tombe plutôt bien, parce les Chiliens semblaient décidés à faire un coup de 3-0 pour finir complètement euphoriques. Mais ça ne suffira pas pour rattraper l'affaire. Le rythme se décompose entre la blessure du gardien et la sortie de Zamorano, et la réussite dans le dernier geste fait à nouveau défaut aux Français (coup franc de Zidane, tête de Marlet…).
87e minute : Zamorano quitte le terrain. Ses coéquipiers essaient vainement de le recoiffer. |
Si l'on craignait de s'ennuyer dans cette ultime saison de préparation à la CM 2002, cette défaite vient raviver un minimum d'inquiétude vitale. Les équipes de l'hémisphère sud réussissent mal aux Bleus qui sont passés deux fois à travers cette année, en comptant le trou d'air australien en Coupe des confédérations. Cette fois, "les Bleus étaient au complet" pour reprendre une expression partout entendue, et qui révèle l'idée commune que le groupe des champions d'Europe est un ensemble fini. Certains piliers ont effectivement justifié leur statut et pris leurs responsabilités, à l'image des gauchers de la bande, Petit et Lizarazu, ou de Pirès qui s'est montré plus actif que brillant. Zidane est encore sous le coup d'une intégration problématique à Madrid, et Vieira n'a pas eu l'influence qu'on lui a connu dernièrement.
Plus que de sérieuses carences dans le jeu on a constaté un manque d'implication collective qui, la chance se défilant, a empêché de faire la différence. Ce qui est passé contre le Danemark a accroché à Santiago. Il reste que ce faux-pas attire l'attention sur les secteurs qui suscitent encore la discussion.
Une attaque moins détonnante
Trezeguet entamait la partie avec ce statut de titulaire qu'il revendique avec constance, et surtout avec un capital confiance gonflé par ses buts avec la Juve et un accueil de star en terre chilienne. Il a certes soigné ses statistiques, mais son inefficacité en première mi-temps ("inhabituelle" comme disent les commentateurs de TF1 à chaque fois qu'il rate le cadre) a coûté cher, alors que c'est bien sur ce terrain qu'il est attendu. Le paradoxe va donc perdurer, et Trezeguet devoir s'accommoder encore de cette position ambiguë. Nous avons eu l'impression, culminante à l'Euro, que cette génération d'attaquants allait tout balayer sur son passage et parachever la dream team tricolore, déjà richement dotée derrière et au milieu. Mais voilà, les attaquants sont de fragiles mécaniques, leurs carrières subissent de fortes fluctuations de fortune. Aussi faudra-t-il que les Henry, Trezeguet, Wiltord, Marlet et Anelka arrivent en pleine forme en juin prochain, quel que soit leur parcours en début de saison. Ces derniers mois, les deux attaquants d'Arsenal sont ainsi apparus moins à leur avantage, et la confiance en notre attaque s'est trouvée amoindrie. Comme le Juventino n'est pas une solution tactique tout terrain, que le néo-Fulhamien doit encore prouver et que le Parisien est en phase de reconstruction, il faut s'attendre à ce que les incertitudes se maintiennent jusqu'au bout concernant ce secteur du jeu. A moins que l'équipe de France ne renoue très vite avec les cartons dont elle nous a gratifiés lors du premier semestre.
Axe rouge
Quant aux questionnements sur la charnière centrale, ils resteront de loin les plus vifs. Mais ceux ont vu trop vite en Silvestre une alternative à Lebœuf immédiatement crédible en sont pour leurs frais. Ce match a aussi bien fait apparaître les lacunes de l'un que souligné celles de l'autre, et c'est bien là le constat le plus alarmant. Alors que Laurent Blanc conclut un transfert à Manchester qui sonne comme une reconnaissance sportive, la question de sa succession en sélection reste plus que jamais posée. Son absence semble réduire le rayonnement de Desailly, et l'on constate que c'est le manque de solution qui favorise les deux actuels postulants, plus qu'une confiance infinie en leurs qualités. Si Silvestre n'est toujours pas recentré par Ferguson (et l'arrivée du champion du monde à Manchester ne va pas dans ce sens), il lui sera difficile d'acquérir le vécu nécessaire à ce poste pour affronter une phase finale. L'option Thuram n'a donc pas fini de revenir sur le tapis, sans parler d'un retour du grand Blanc qui séduira déraisonnablement.
Les observations
Folklore chilien : après la flûte de pan, la flûte de pan-pan.
Zidane ruissèle. Ce n'est donc pas une question de température.
Desailly rend hommage à Zamorano.
A force de se prendre pour des ambassadeurs, les Bleus donnent un peu trop dans la diplomatie.
Thierry Roland a les larmes aux yeux dans le stade de Santiago (Téléfoot). Ce n'est pas en hommage aux victimes de la dictature qui y ont été torturées, mais en souvenir de sa jeunesse et de la Coupe du monde 62.