Turquie dans l'Euro : c'est pas gagné
Matchbox : Portugal–Turquie, 2-0. Il est toujours un peu compliqué de s’enflammer pour ces matches amicaux d’intersaison. Il faut bien reconnaître néanmoins que le plan des Turcs…
Auteur : Olivier Tomat
le 8 Juin 2008
Portugal–Turquie : 2-0
Buts: Pepe (61e), Meireles (90e+3)
La nalyse
Il est toujours un peu compliqué de s’enflammer pour ces matches amicaux d’intersaison. Il faut bien reconnaître néanmoins que le plan des Turcs – lesquels avaient ostensiblement décidé de ne pas jouer leur Euro sur ce match-là – a fonctionné à merveille une mi-temps durant. Leur attentisme serein a en effet été conforté par les surprenantes difficultés de Portugais qu’on annonce, du simple fait de l’impressionnante densité de qualité offensive individuelle, comme de gros favoris de cet Euro. Mais la sélection de Scolari peine pour l’instant, bien plus qu’il y a deux ans, à se donner une dimension collective à la hauteur.
Montée rageuse
Rien de bien excitant à se mettre sous la dent durant une quarantaine de minutes, hormis les corners, sur lesquels l’arrière-garde turque fait preuve d’une fébrilité étonnante... Jusqu’à ce que le messie Ronaldo, absent jusque-là, décide de changer de côté et de conférer un peu plus de verticalité au jeu. Peu à peu, l’emprise portugaise se confirme, portée par un très propre duo axial Moutinho-Petit (ce dernier, éternel remplaçant du naufragé Maniche, a montré de surcroît une capacité à distiller du jeu long absolument délicieuse). Elle laisse à penser que l’irrémédiable finira par se produire... fût-ce sur une montée rageuse de Pepe, à la conclusion d’une remise parfaite de Gomes.
Incapables de se rebeller, les Turcs sombreront insensiblement, pas malheureux sur deux montants trouvés par l’avant-centre portugais et laissant filer leur seule occasion par l’agaçant Tuncay, jusqu’au doublement du score anecdotique (mais fort joli) du remplaçant Meireles.
Le Portugal est mieux parti, sinon dans le jeu, au moins sur le plan comptable, qu’il y a quatre ans. Et le mystère de la valeur de la Turquie reste pour l’instant entier.
Le joueur à suivre
Keplér Laveran Lima Ferreira, dit Pepe: une énigme. Toujours difficile de savoir si on est en présence du (futur) meilleur défenseur axial du monde ou d’une nouvelle recrue improbable du FC Metz. Pour parler lyonno-brésilien, un mélange détonnant entre Edmilson (chevauchées offensives et absences dans le placement) et Cris (densité colossale au marquage et faiblesse spectaculaire dans la relance). Très clairement à son avantage dans ce match (en plus du but, un autre but de la tête refusé pour hors-jeu), parfois décisif défensivement (un retour à la course sur Nihat), le Madrilène a montré des signes inquiétants de mésentente – de placement – avec son compère Ferreira, qui auraient pu être coûteux devant des attaquants adverses un peu plus concernés.
Le joueur à arrêter de suivre parce que, bon, on n’a pas idée de la pression que ces gens-là endurent, ma bonne dame.
Nuno Miguel Soares Pereira Ribeiro, dit Nuno Gomes. Peu importe qu’il ait marqué 28 buts en 69 sélections. Nuno Gomes, qui a toujours l’air d’avoir vingt-et-un ans et donc une bonne marge de progression, semble perpétuer le cliché éternel de l’avant-centre inutile, voire néfaste à l’éclat de cette si talentueuse sélection. Qu’il ait été de tous les rares bons coups – et l’auteur d’un relais décisif, sublime de justesse, à un moment crucial du match – ne changera rien à l’affaire: sa participation trézéguienne au jeu et son incroyable malchance devant le but (un poteau et une barre) entretiennent l’écrasante légende. On serait lui, on commencerait sérieusement à déprimer.
Les 3 gestes du match
• Le détournement du bout des doigts de Volkan Demirel qui permet au poteau d’arrêter la course du coup franc quasi-parfait de Cristiano Ronaldo.
• Le renversement parfait, lui, de quarante mètres de droite à gauche et de la ligne centrale à l’entrée de la surface de Joao Moutinho. En dépassant six défenseurs turcs, il a pour seul défaut de trouver l’individualisme de Simao Sabrosa.
• L’enchainement appui dorsal sur dernier défenseur / demi-tour de Joao Moutinho, qui lui permet de décaler subtilement Raul Meireles pour le deuxième but.
Les 2 antigestes du match
• Le raté de justesse de Gokan Zan qui, trompé par un rebond anodin d’un ballon que les défenseurs turcs se refilent comme s’il était contaminé, tente de le dégager, mais se contente de désintégrer le tibia de Simao Sabrosa... en se blessant sur l’action.
• Le geste défensif de Nihat Kahveci qui, au moment où son coéquipier Tuncay Sali s’apprête à allumer une mine de vingt mètres plein axe, l’en empêche au moyen d’un subtil coup de pied dans la cheville.
Le plan marketing de Frédéric Thiriez qui s’effondre
Au moment ou Mevlut Erding se prend les pieds dans le tapis en s’administrant un auto-croc-en-jambe sur sa seule action du match, commentaire sur ITV de David Pleat: "This is Mevlut Erding, he plays for Sochaux… in France… hé hé hé".
Les observations en vrac
• Deco, Pepe, Colin Kazim-Richards, Mehmet Aurelio: Michel, le 6+5, il sera extensible aux équipes nationales?
• On connaît maintenant la reconversion professionnelle à venir de Nuno Gomes: VRP en piscines.
• C’est bien la peine de laisser Quaresma sur le banc sous prétexte qu’il ne lâche jamais son ballon pour mettre le même en plus petit sur le terrain.
• Les grands joueurs sont ceux qui savent être au rendez-vous des grandes compétitions: meilleur départ de la saison pour Cristiano Ronaldo, qui s’effondre sur effleurement adverse au bout de 24 secondes.
• Si la Turquie joue ses deux prochains matches à Genève, il est statistiquement impossible qu’on échappe au jeu de mot sur Servet.