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Walter Frosch : la grenouille, le ramoneur et le prince

Walter Frosch est une légende: même s'il n'a pas eu la carrière de George Best, il partage avec celui-ci saillies mémorables et hygiène de vie discutable. 

Auteur : JauneLierre le 16 Nov 2021

 

Inconnu en dehors de l'Allemagne [1], Walter Frosch y est une légende, en particulier au FC Sankt Pauli où il a évolué de 1976 à 1982. Après Willi Lippens dans le numéro 6 de la revue des Cahiers du football, partons à la découverte d'un personnage de roman.

Né en 1950 à Ludwigshafen Rheingönnheim en Rhénanie-Palatinat, il commence à jouer au football à l'âge de cinq ans. Il évolue dès ses seize ans en Première ligue amateur Sud-Ouest au sein de l'Arminia Ludwigshafen avec une licence spéciale de la DFB, avant de signer après la saison 1969/70, à dix-neuf ans, son premier contrat pro avec le SV Alsenborn en Regionalliga Sud-Ouest.

 

 

Son salaire à l'époque: 160 marks de salaire de base, 300 marks de prime de victoire et 10.000 marks d'argent de poche. Auxquels il faut ajouter 160 marks par semaine en tant que ramoneur, plus 40 de prime de lavage car il se douchait toujours à la maison.

Le "club de village" du SV Alsenborn jouit d'une notoriété dans l'ensemble de l'Allemagne, à l'image d'Auxerre ou Guingamp quelques années plus tard en France. Avec seulement 7.000 habitants, ce sont 13.000 spectateurs qui assistent régulièrement aux matches.

Un 400 mètres à trois heures du matin

Pour la saison 1974/75, la DFB procède à une restructuration des niveaux de Bundesliga et refuse d'accorder au club - pourtant qualifié - une licence professionnelle, si bien que le SV Alsenborn et donc Frosch doivent retourner au statut amateur. Au cours de cette saison, "Froschi" la grenouille [2] se fait déjà remarquer au point qu'un reportage lui est consacré par une chaîne locale [3].

 

 

Lors de la trêve hivernale Frosch s'engage aussi avec le FC Kaiserslautern, club de l'élite voisin dont Alsenborn est en quelque sorte la banlieue.

Curieusement, Fritz Walter, idole de Kaiserslautern, recommande le joueur auprès du Bayern quelques jours après la signature du contrat. Sur l'insistance du manager du club de Munich, Robert Schwan, Frosch signe un autre contrat avec le Bayern de Beckenbauer et rejoint la Bavière à l'intersaison.

Frosch montre déjà une certaine confiance en lui, et va jusqu'à gifler son nouveau coéquipier Jupp Kapellmann parce qu'il se moque de lui. Lors d'un entraînement sous la direction d'Udo Lattek, celui-ci lui demande pourquoi il ne centre jamais du pied gauche. Frosch répond:"Parce que les autres ne le font pas non plus.

- Si tu n'as pas envie, pourquoi ne vas-tu pas prendre ta douche? 

- Mais j'y vais."

Évidemment, le FCK a déposé une réclamation auprès de la fédération et, le temps que le contentieux se règle, Frosch part se mettre au vert... à Majorque. "Se mettre au verre", aurait volontiers écrit Antoine Blondin, car Frosch est porté sur la bouteille et la fête. En bon ramoneur, il fume aussi comme une cheminée.

La DFB tranche en faveur de Kaiserslautern et Frosch écope au passage de quatre mois de suspension, si bien qu'il ne fait ses débuts en Bundesliga que le 23 novembre 1974. Avec le FCK, il termine treizième et septième de la Bundesliga et contribue à hisser le FCK en finale de la Coupe 1976, perdue 0-2 contre le Hamburger SV, alors en pleine ascension.

 

 

Frosch commence à bâtir sa légende sur le terrain et en dehors. À la veille d'un match contre Schalke, il veut "ne boire que deux ou trois ouzos chez les Grecs", traîne dans les bars jusqu'à trois heures du matin et finit par défier ses collègues sur un 400 mètres. Il leur donne cent mètres d'avance et remporte malgré tout la course. La récompense: dix litres de bière.

Le matin suivant, quand l'entraîneur et futur sélectionneur Erich Ribbeck demande: "C'est quoi ces yeux rouges?", Frosch répond: "Conjonctivite!" Ses coéquipiers rapporteront qu'une fois, il s'était énervé dans un bar contre un gaillard de deux mètres en le menaçant de coups s'il disait ne serait-ce qu'une "stupidité de plus sur le FCK". Le lendemain, il se présente couvert de bleus à l'entraînement.

« Ribbeck avait juste peur que je "corrompe" mes coéquipiers »

Tout cela n'entame pas ses performances car en 1976, Frosch se trouve même convoqué en équipe nationale B par Jupp Derwall, alors co-entraîneur (sélectionneur national deux ans plus tard). Le joueur décline l'invitation par sa phrase la plus célèbre: "Walter Frosch ne joue qu'en équipe A ou en sélection mondiale".

Le défenseur dispute cinquante matches pour l'équipe du Palatinat au cours desquels il marquera quatre buts. "Mes performances étaient bonnes, Ribbeck avait juste peur que je 'corrompe' mes coéquipiers. J'étais trop souvent dehors la nuit."

Les choses se tendent aussi vis-à-vis des dirigeants, certains membres du conseil d'administration du FCK s'étant laissés entraîner dans un bar du quartier aux lampes rouges de Kaiserslautern, alors que Frosch était en coulisses avec sa petite amie, propriétaire de l'établissement. La légende voudrait aussi qu'il ait annoncé à Erich Ribbeck qu'il allait coucher avec sa femme.

À l'été 1976, Walter est transféré vers le FC St. Pauli, en 2. Bundesliga. Comme à Kaiserslautern, il devient l'une des pierres angulaires de la défense, et le club enchaîne une série de 27 matches sans défaite, si bien que l'équipe dirigée par Diethelm Ferner réussit à se qualifier pour la 1. Bundesliga à l'issue de la saison 1976/77.

 

 

La saison suivante sera non seulement celle de la première confrontation en 1. Bundesliga, mais aussi celle de la première victoire dans le derby hambourgeois: le 3 septembre 1977 voit le succès historique du club à la tête de mort contre le Hamburger SV au Volksparkstadion sur le score de 0-2. "Nous n'avons pas bu tout une journée avant le match. Après, nous avons bu pendant huit jours."

Mais Walter Frosch et Gino Ferrin, autre pilier de la défense, sont absents pendant des mois pour cause de blessure, ce qui entraîne des problèmes en défense. Frosch revient pour disputer dix-huit matches, mais n'évite pas la relégation au FC Sankt Pauli, qui acquiert à l'occasion le statut de Fahrstuhlmannschaft, littéralement "équipe ascenseur" [4].

La saison suivante, sous la direction de Josef Piontek, futur sélectionneur du Danemark, Frosch mène l'équipe à la sixième place. Le club connaîtra ensuite des problèmes financiers et, la saison 1980/81, la licence professionnelle du club est révoquée, aussi Sankt Pauli se retrouve à disputer l'Amateuroberliga Nord.

« S'il voyait la lumière d'un pub quelque part, il y allait »

À Hambourg comme à Kaiserslautern, le joueur fréquente bien sûr les bars et autres lieux autour de la célèbre Reeperbahn.

Dietmar Demuth, coéquipier à St. Pauli: "Ce qui comptait vraiment pour lui c'était le terrain - même s'il sortait beaucoup le soir. Nous faisions souvent la tournée des bars ensemble. Si je lui disais: 'Rentrons tranquillement à la maison', mais qu'il voyait la lumière d'un pub quelque part, il y allait. Il y a des histoires légendaires sur ces soirées, mais elles ne sont pas vraiment destinées à être connues du public."

Frosch fume toujours, beaucoup, jusqu'à trois paquets par jour. Son hygiène alimentaire n'est pas en reste comme l'évoquera Buttje Rosenfeld, autre coéquipier à St. Pauli: "Lorsque nous nous entraînions deux fois par jour, il se rendait au Schaschlik-Schorsch [5] à l'heure du déjeuner et se régalait d'une grosse portion avec des oignons."

Frosch appartient à cette race de défenseur rugueux, chevelus et généralement moustachus dont nous avons eu quelques spécimens en France à la même époque. Lors de sa première saison au FC St. Pauli en 1976/77, il obtient un record de cartons jaunes - dix-huit ou dix-neuf, car il subsiste un doute sur le nombre.

 

 

Deux matches avant la fin de la saison, il aurait déclaré à la presse hambourgeoise: "Contre Solingen et lors du dernier match contre le Wacker Berlin, je recevrai un carton jaune, ce qui m'en fera vingt, et c'est un chiffre rond, n'est-ce pas?" Notre provocateur est ainsi à l'origine de la suspension automatique après quatre cartons jaunes, que la DFB instaure à la suite de ce record (qu'il détient donc toujours).

Lors du match du FC Kaiserslautern contre Schalke, au lendemain du 400 mètres nocturne, Frosch avait pour adversaire l'international Erwin Kremers. "Dans les premières minutes du match, je l'ai envoyé trois fois au-dessus de la rambarde. Kremers a été remplacé au bout de dix-huit minutes, c'était réglé"...

En 1995 à la veille du derby, au cours d'un échange avec Peter Nogly, défenseur du HSV de 1969 à 1980, Frosch semble se languir du bon vieux temps (vers 3:40): "Aujourd'hui, si tu tacles par-derrière, tu prends tout de suite un jaune ou un rouge, tu es vite exclu. Ce n'est plus possible. Autrefois tu pouvais en dégommer trois."

« Mon plus grand adversaire a toujours été le bistrot »

Pourtant, Buttje Rosenfeld, comme d'autres, loue son état d'esprit: "Son visage caractéristique exprimait la fermeté et le distinguait sur le terrain lors des duels. Pourtant, il n'était pas très lourd, peut-être 70 kg, une silhouette plutôt maigre. Mais à cause de sa combativité, tous les adversaires avaient peur de lui. Il s'est toujours battu à fond - à l'entraînement comme en match." Ne jamais lâcher, telle était sa devise.

Diethelm Ferner, entraîneur de Walter Frosch au FC St. Pauli: "Walter était un bon joueur, mais il n'était ni brutal ni injuste. Il a aussi toujours entraîné ses coéquipiers, parfois avec quelques injures. (...) Ce qui le distinguait avant tout, c'était son optimisme. Je me souviens que nous avions eu un début de saison très erratique. Il est venu vers moi: 'Coach, ne vous inquiétez pas, nous allons monter, nous allons le faire.' Et c'est arrivé. C'était un vrai combattant."

Au début d'une interview à la mi-temps de la Journée des légendes, en 2007 (voir plus bas), on peut également entendre l'arbitre du jour: "C'est un gars correct, je le connais depuis longtemps, il a toujours cherché à jouer proprement et avec fair-play." Frosch jouera 170 matches pour le FC St. Pauli et inscrira 22 buts. Il sera élu dans le onze du siècle par les lecteurs du Hamburger Abendblatt en 2010.

Après un changement d'entraîneur à la saison 1982/83, qui comprenait un rajeunissement de l'équipe, il rejoint l'Altonaer FC 1893 (autre club hambourgeois et rival du FC St Pauli), avec lequel il se hisse en Oberliga Nord, équivalent de la troisième division, en 1984. Après trois saisons et 32 matches d'Oberliga, il met fin à sa carrière.

Il dirige ensuite trois bars et restaurants. "Mon plus grand adversaire a toujours été le bistrot. Dans le passé, en tant que joueur actif, je me battais devant le bar, aujourd'hui je me bats derrière le bar."

Après un premier établissement à son nom, Frosch tient le restaurant Antikes à Hambourg-Lokstedt, où la clientèle apprécie les nombreuses anecdotes de ce personnage unique. Le dernier est le clubhouse d'un autre club de Hambourg, le SC Victoria, qui organise chaque année depuis 2012 un tournoi Walter Frosch, dont les bénéfices sont destinés aux enfants atteints du cancer.

« Je préfère m'en griller une que tirer un coup »

Car Frosch devra lutter pendant des années contre la maladie. Dès 1995, une première tumeur du larynx est diagnostiquée. En 2007, plus de vingt-cinq ans après sa dernière apparition dans le club de Hambourg, il foule à nouveau la pelouse du Millerntor pour la Journée des légendes. Il a arrêté l'alcool, mais fume toujours autant et explique sa "situation" au journaliste à la mi-temps par un changement intervenu précipitamment.

 

 

Fin 2008, sa santé se détériore considérablement: après une défaillance aiguë d'un organe due à une septicémie, il reste dans le coma pendant cent onze jours, doit suivre un traitement médical intensif et réapprendre à parler et à marcher. Même si les tumeurs malignes ont disparu, les radiations ont détruit ses dents et paralysé ses vertèbres cervicales: "Plus possible de faire une tête."

Lors d'un match à domicile du FC St. Pauli, les supporters brandissent une banderole portant sa devise: "Niemals aufgeben Walter Frosch!" Ne jamais lâcher.

Il s'en sort, mais c'est un simple sursis car, de ce combat, on sort rarement gagnant, et sa dépendance à la cigarette est trop forte: "Je préfère m'en griller une que tirer un coup." En 2012, il fait une dernière apparition au Millerntor et, en 2013, un arrêt cardiaque le plonge dans un état végétatif durant plusieurs semaines.

Walter Frosch décède le 23 novembre 2013 à la Schön Klinik Hamburg Eilbek à l'âge de soixante-deux ans. Il est enterré à Ludwigshafen-Rheingönheim, sa ville de naissance.

 

 

Frosch aura eu une trajectoire de comète, incandescente comme les cigarettes qu'il fumait, qui est allée de pair avec une forme d'autodestruction. Mais son état d'esprit volontaire, doublé d'un talent footballistique indéniable, lui aura permis, même brièvement, d'évoluer à haut niveau.

Conscient que sa carrière aurait pu être tout autre et, interrogé à ce sujet, il répondait: "Je n'ai aucun regret. J'ai appris à connaître Dieu et le monde grâce au football et je me suis beaucoup amusé." Il laisse aussi une trace particulière dans l'histoire du football allemand: Walter Frosch, bester Mann!

 

[1] Achtung, toutes les sources et tous les liens de cet article n'existent qu'en allemand.

[2] En allemand, "Frosch" signifie grenouille et "einen Frosch im Hals" est l'équivalent de notre "chat dans la gorge".

[3] Voir aussi l'autre version publiée par la SWR pour le 70e anniversaire de sa naissance.

[4] Le FC St. Pauli restera au mieux trois saisons en 1. Bundesliga, la dernière montée datant de 2010 suivie aussitôt d'une relégation.

[5] Sorte de kebab du coin, le chachlik ou chachlyk est une spécialité de brochettes de viande marinée et grillée populaire dans les pays de l'ex-URSS.

 

Réactions

  • OLpeth le 16/11/2021 à 09h24
    Superbe bio d'un footballeur atypique comme on les aime, l'anecdote du 400 m est priceless. Ah on en fait plus des comme ça ma bonne dame...

  • Julow le 16/11/2021 à 09h53
    Superbe article, merci ! La photo de l'équipe à genoux (mais joyeuse) devant son portrait est impressionnante. La hype Sankt Pauli (chez les gauchistes de Berlin, qui en même temps trouve Union trop... Berlin Est, trop prolo...) m'agace beaucoup, mais voilà qui donne envie de les aimer d'amour.

  • El Mata Mord le 16/11/2021 à 09h58
    Magnifique article à propos d'un joueur "hors normes".
    Une sorte de Gainsbourg sportif de haut niveau.
    Merci JauneLierre.

  • Delio Onnisoitquimalypense le 16/11/2021 à 17h20
    Merci, super article! Le nom de Frosch ne m'était pas inconnu grâce à un fan de Sankt Pauli (plus alterno que footeux mais connaisseur de l'histoire du club), son histoire est à la hauteur de la légende.
    Des légendes pour les photos seraient bienvenues : quel est l'uniforme des gars qui l'entourent sur la photo où il porte un haut de forme?

  • Tonton Danijel le 16/11/2021 à 20h49
    Ah le revoilà enfin cet article! Bravo Toni... euh, Jaunelierre.

  • Mangeur Vasqué le 16/11/2021 à 21h07
    Excellent, merci Jaunelierre pour cet article sur ce footballeur hors norme dont j’avais vaguement entendu parler mais sans plus.

    Comme souligné dans le chapô, y’a du George Best dans ce Walter Frosch, ou même du Frank Worthington lien, extraordinaire joueur malheureusement disparu en mars dernier à seulement 72 ans, Alzheimer, again… (une maladie qui touche les footeux de manière disproportionnée et suscite des débats au Royaume-Uni & Irlande depuis une bonne décennie. Jeu de tête d’ailleurs désormais interdit à l’entraînement pour les U12 lien).

    RIP Frankie, un personnage incroyable sur lequel j’avais fait un focus sur lui dans un article Teenage Kicks sur les footballeurs bourlingueurs britons lien (portrait #2). Il est quasi inconnu en France donc à découvrir si vous ne connaissez pas, il vaut le détour.

    Stan Bowles était un peu comme ça aussi. Y’en avait un paquet dans ce genre dans les années 1960-70 surtout, un peu l’âge d’or des “mavericks” du foot anglais.

    Je me souviens d’ailleurs d’un témoignage vintage de l’immense Jimmy Greaves lien (lui aussi disparu récemment, j’avais retracé son parcours Tottenham dans cet article sur le Hall of Fame des Spurs lien) raconté dans une émission radio foot vintage de Talksport consacrée aux saisons des clubs londoniens dans les Seventies. C’était toujours un énorme plaisir d’entendre le regretté “Greavsie” nous emmener flâner “down Memory Lane”. Il avait notamment évoqué la saison 1976-77 dans les clubs londoniens, où, la même saison dans le Grand Londres, t’avais les "mavericks" alcolos suivants, du lourd :

    - Jimmy Greaves donc, fortement sur le déclin en 1976 (de type gosier en pente avec gros dénivelé) mais qui jouait toujours dans un petit club de l’est londonien près de chez lui. Ça se faisait pas mal à l’époque, des grands joueurs ou même légendes vivantes comme Greaves qui faisaient des piges ou terminaient leur carrière dans des clubs semi-pros/amateurs, histoire de cachetonner ou ils faisaient ça pour garder la forme, ou pour rendre service à un ami manager/proprio. George Best d’ailleurs fit ça, relativement tôt, 27-28 ans, à Cork et dans le micro club de Dunstable Town, managé par son grand pote Barry Fry, un frappadingue total et l’un des entraîneurs les plus excentriques de l’histoire du foot anglais (Best et Fry s’étaient connus au centre de formation de Man United au début des années 1960, Fry l’avait pris sous son aile et une douzaine d’années plus tard Best lui avait renvoyé l’ascenseur, juste pour quelques matchs. Best avait d’ailleurs convaincu l’ex international anglais Jeff Astle de le rejoindre et piger pour Dunstable, histoire de donner un coup de main à son poto Barry. D’ailleurs, en parlant de Jeff Astle, dont la mort fut en 2002 fut causée par “chronic traumatic encephalopathy” CTE, cf cet article du Monde lien, le CTE est une maladie neurodégénérative liée à la répétition de chocs/traumatismes crâniens, sa famille ne cesse de faire campagne depuis presque 20 ans pour faire reconnaître le lien entre le football pro et ce type de maladies. Leur long combat est à l’origine de l’interdiction du jeu de tête chez les jeunes).

    - George Best, de retour temporaire en Angleterre pour une “stint” (pige) à Fulham en D2 (payé au match, 500 £/match), avant de repartir au Los Angeles Aztecs, dont le co-proprio était d’ailleurs Elton John… (les anecdotes du duo Elton John-Graham Taylor lien à Watford, que “Rocket Man” racheta en 1976 et alors en D4, sont priceless… Une fois, après une victoire particulièrement importante, ça devait être celle de la montée en D2 en 1979 ou D1 en 1982, le duo était tellement bourré qu’ils firent le tour du quartier en sonnant chez les gens qui leur offrirent coup sur coup. Ils finirent ivres morts dans un jardin).

    - Stan Bowles à QPR, footballeur suprêmement doué et un cas aussi celui-là, malheureusement atteint d’Alzheimer depuis 2015.

    - Don Shanks, QPR, même profil que Bowles (alcool, vie dissolue, PMU, jeu & addiction bookmakers).

    - Charlie George, le sosie de Dominique Grimaud : lien. La légende Gunner n’était plus à Arsenal en 1976 (mais à Derby County) mais en tant que Londonien pur sucre il revenait souvent dans la capitale. Idem : alcool, jeux/paris, teufs. Il picolait souvent avec les supps Arsenal d’ailleurs, dans les pubs autour d’Highbury, il avait grandi dans ce quartier.

    - Bobby Moore, en fin de carrière, entre deux clubs US de la NASL, comme Best chez les Cottagers de Fulham. En France, Moore a une image lisse, style gendre idéal et on ne l’associerait pas de prime abord aux suscités, mais c’était pas le dernier pour picoler et faire nawak… Selon l’impayable Harry Redknapp, son coéquipier à West Ham, sa devise était “Win or lose, on the booze” : qu’on gagne ou perde, on picole. “C’etait le roi des picoleurs”, a dit de lui Redknapp, et vu le contexte hyper alcoolisé du foot anglais de l’époque ce titre honorifique en jette, au moins autant que son titre de Champion du monde 1966. Arrêté plusieurs fois pour conduite en état d’ivresse, une fois après avoir fait un tout-droit sur un rond-point, il avait abandonné sa Jaguar en plein milieu du truc. Il conduisait ses grosses Jags ou autres tellement souvent bourré qu’il se mettait une casquette de chauffeur pensant que la police ne contrôlerait pas un chauffeur au volant de ce genre de caisse. D’ailleurs il fut souvent stoppé mais c’était une telle célébrité que la police le laissait repartir, à pied ou en voiture. Mais contrairement à George Best ou même Jimmy Greaves, Moore savait choisir ses moments pour se mettre minable, jamais les veilles de match, etc. Par contre, tout comme Best, faut pas déconner avec ces trucs-là trop longtemps. Mort jeune : à 51 ans, double cancer du côlon & foie.

    - Rodney Marsh, également pigiste à Fulham entre deux clubs US où la saison NASL se terminait fin août. C’est d’ailleurs Marsh, qui avait débuté à Fulham et pote de beuverie de George Best, qui avait branché Best sur le bon plan Fulham. Le proprio du club, en D2, voulait faire un gros coup avec ces deux entertainers, surtout pour faire chauffer la billetterie vu que les clubs vivaient surtout de ça à l’époque (et des ventes de joueurs). Ça fonctionna, la brève présence de l’extraordinaire trio Best-Marsh-Moore lien fit tripler l’affluence (surtout grâce à Best) même si elle ne fit pas monter le club en D1. Le Nord-Irlandais se refit un peu la cerise sportive chez les Cottagers, avant de repartir se la couler douce en Californie.

    Donc : wow. Ils se retrouvaient tous régulièrement dans les pubs de King’s Road, où Best avait un appart et une boutique de fringues. Ben, j’aurais pas voulu être fut de bière ce jour-là dans le coin, mon espérance de vie se serait mesurée en heures.

    Bon et désolé si mon poste a des allures de nécrofest et bulletin service Addictologie & Alcoologie de CHU.

  • Mangeur Vasqué le 16/11/2021 à 21h41
    Une mention aussi pour le joueur anglais culte qui se rapproche peut-être le plus de Walter Frosch : Robin Friday, aka “The greatest footballer your never saw” lien, en moins ingérable quand même et plus “compétent” puisqu’il a évolué au haut niveau, ce que le lifestyle de Friday évidemment lui interdisait. Et plus, il n’est pas mort à 38 ans d'un arrêt cardiaque dû à une overdose comme ce bon Robin. A part ça, pas mal de similarités.

    Malheureusement, le film sur Robin Friday lien ne s’est jamais fait.

    Quand j’ai entrepris de traduire ce formidable bouquin lien dont j’ai mis ma trad’ sur Teenage Kicks, l’essentiel du livre en tout cas pour les raisons que j’explique dans les commentaires sous la première partie, j’avais contacté l’un des deux co-auteurs, Paolo Hewitt lien (l’autre étant Paul McGuigan du groupe Oasis). Hewitt m’avait gentiment répondu, on avait échangé quelques courriels et il était à fond sur ce projet de film, le script était prêt, il avait trouvé les sites de tournage, la plupart des acteurs/trices, etc. et parlait même de persuader Russell Brand lien (une grosse vedette ici) pour jouer Friday ! Il lui manquait “juste” m’avait-il dit quelques autorisations et le bouclage du financement. Il avait promis de me tenir au jus si ça sortait, etc. Visiblement, c’est tombé à l’eau. Dommage... Le sujet ferait un putain de film en tout cas.

  • Sens de la dérision le 17/11/2021 à 08h27
    Merci pour l'article, j'aime particulièrement le bout de vidéo et cette voix abominable qu'on n'imagine pas venant d'un maigrichon comme ça.
    Et merci aussi à Mangeur Vasqué évidemment !

  • JauneLierre le 17/11/2021 à 20h17
    Le choix des photos est celui de Dame Rédac' (et il a contribué à rendre l'article plus digeste). Comme pour celles que j'avais proposées, il est probable qu'aucune légende ne figurait sur les articles sources. La question des droits doit aussi entrer en compte je présume.

  • JauneLierre le 17/11/2021 à 20h22
    Dans la première vidéo incrustée, le journaliste présente Frosch comme un "mélange de Nobby Stiles ( lien) et de Jason King ( lien) "

La revue des Cahiers du football