La Gazette, numéro 5
rock'n'Rool
Cyril Rool s'était lancé en août, sur les prières son entraîneur, dans le pari de ne pas prendre de carton rouge cette saison. Le milieu lensois avait vite précisé qu'il ne compterait pas les expulsions dues à deux jaunes consécutifs. Samedi après-midi, il a réalisé un excellent match contre le PSG, sans avertissement, mais sans réussir pour autant à se montrer très discret sur le plan de la discipline. L'échauffourée dans le couloir, au moment où il répondait aux questions de Laurent Paganelli, restera dans les annales, moins pour les gestes échangés que pour les paroles, qui nous rappellent que le foot pro est un jeu de sales gamins surpayés.
Comme Canal+ a tendance à jeter un voile pudique sur tout ce qui fait tâche (que les caméras soient présentes ou pas), repassons le ralenti de cette action.
Alors que Rool parle devant la caméra, une bousculade ou une altercation semble se déclencher hors-champ (impliquant vraisemblablement Diouf — et Luccin selon L'Equipe), et les joueurs qui se dirigent vers les vestiaires se déportent vers l'interviewé. En écartant Diouf, Talal El-Karkouri pose son coude sur l'épaule du Lensois, qui n'apprécie pas du tout ce qu'il prend pour une provocation. "Enlève ton coude, toi, enlève ton coude... Après tu prends des coups de tête... Comment ça enculé, mais c'est lui, à chaque fois il met le coude c't enculé!" Là-dessus, l'attroupement se disperse, Laurent Robert vient faire la bise à son ancien partenaire des espoirs et les esprits se calment, après cette saynète instructive. En fin de rencontre, et sur le terrain cette fois, Jimmy Algerino écopera d'un carton jaune, après avoir eu l'arcade ouverte par notre ami... Mais le pari de Rool tient toujours.
Chelsea, quartier riche mais pas tranquille
Wiltord met en route son compteur en Angleterre. Quelque chose nous dit que bientôt, on dira qu'Arsenal a la meilleure attaque au monde... Pendant ce temps, Chelsea, malgré l'arrivée de Claudio Ranieri, plonge dans un inquiétant psychodrame après une défaite à domicile contre Leicester. Malgré quelques titres (C3, Cup et coupe de la league), les résultats de l'équipe londonienne sont restés en deçà des moyens qui lui ont été alloués. Modèle du club richissime avec sa collection de stars dont sont presque exclus les Anglais eux-mêmes, Chelsea devra trouver des ressources morales qui ne s'achètent pas. Lebœuf, sifflé par le public mercredi en coupe d'Europe, fait figure de bouc émissaire, comme si son exposition médiatique outre-Manche commençait à se retourner contre lui. Pourtant, Vialli ne s'était pas mis à dos son seul défenseur central. La semaine prochaine, Chelsea se rend à Manchester... Courage, Marcel!
réforme des transferts
Le monde du football est censé plancher sur la réforme du système des transferts, la Commission européenne ayant laissé à l'UEFA et à la FIFA jusqu'au 31 octobre pour rendre sa copie. En France, sous l'égide de la Ligue, les différentes instances essaient d'aligner leurs points de vue. C'est particulièrement difficile entre l'UCPF (l'organisation des dirigeants) et l'UNFP qui représente les joueurs et ne voit pas d'objection à une abolition pure et simple du système actuel. Comme les clubs s'accrochent à l'espoir d'en préserver l'essentiel, les points de vue sont difficiles à rapprocher. On n'est d'ailleurs pas sûr que les dirigeants réalisent bien que l'intransigeance des fonctionnaires européens est réelle, et qu'ils ne se contenteront pas de légères retouches...
Leur stratégie à court terme, déclarée par Gervais Martel lors du CA de la Ligue du 15 septembre, est de solliciter les politiques, et particulièrement Lionel Jospin. "J'ai décidé de saisir les pouvoirs publics au plus haut niveau" a annoncé le président de l'UCPF et vice-président de la Ligue. Peut-être inspiré par les conflits autour du prix de l'essence et le climat social, il se réserve même "le droit d'une action forte dans les semaines qui viennent". Fichtre, une grève des présidents, un blocage des entrées du ministère de la jeunesse et des sports?
Ce recours un peu désespéré vers le gouvernement (en tâchant de passer au-dessus d'une ministre peu encline à les écouter), outre qu'il est assez ironique de la part de libéraux convaincus, n'est pas non plus très cohérent. Martel somme Jospin de lui "faire connaître sa position sur les problèmes des charges fiscales et sociales qui pèsent sur nos clubs", comme si ce dossier avait un rapport direct avec le contentieux bruxellois.
Pourtant, si une réforme radicale intervient, l'industrie du football sera certes contrainte à une petite révolution, mais qui ne changera pas beaucoup les rapports de force actuels et permettra un net assainissement (voir notre article du 05/09). La panique croissante des dirigeants n'annonce pas forcément des catastrophes pour tout le monde...