Le foot langui sous Roche
La Roche-sur-Yon, chef lieu de la Vendée, rêve de devenir une place forte du football. Elle possède un joli stade mais son équipe peine à retrouver l’ambiance des folles soirées de D2 dans les années 1980.
Le stade Henri-Desgrange ne manque pas de surprendre le promeneur quand il flâne dans les rues de La Roche-sur-Yon. Une immense tribune à deux niveaux s’élève jusqu’au ciel et donne à croire, vu de l’extérieur, qu’un club immense y a élu domicile.
À l’intérieur, la tribune majestueuse fait face à une autre, toute petite, certainement un vestige d’une autre époque. Autour de la pelouse se love une piste de vélodrome qui donne certes la réponse au pourquoi du nom du stade, mais éloigne le public des choses du terrain. La grande tribune a été érigée en 2004 et avait porté la capacité de l’enceinte à 9.000 places. Le projet avait pour objectif de relancer le foot dans la ville de Napoléon. Malheureusement, la Roche Vendée Football est toujours, en 2018/19, en National 3, cinquième niveau du football français.
Old Firm sur Yon
Pourtant, la Vendée est une terre de foot et son chef-lieu a connu de belles heures, notamment avec la rivalité qui opposait les Rouges du FC Yonnais aux Bleus de l'AEPB. Le premier a vu le jour dès 1932 et a élu très tôt domicile au stade Desgrange. Le second est créé après la guerre, en 1947, dans un village voisin, le Bourg-sous-la-Roche. Au cours des années soixante, ce village est absorbé par la grande ville et en devient un quartier [1]. Ainsi, à l’instar d’autres villes moyennes comme Vannes ou la napoléonienne Ajaccio, La Roche-sur-Yon (45.000 habitants dans les années 1970-80) abrite deux clubs de haut niveau amateur.
C’est en 1975, le jour de la Toussaint, que les rivaux se rencontrent pour la première fois. 4.000 spectateurs sont entassés dans le petit stade Eugène Ferré du Bourg-sous-la-Roche pour une rencontre de Division d’Honneur remportée par le FCY (1-0), but sur penalty de Jean-François Gautron.
En dépit de cette défaite, l’AEP Bourg accède à la troisième division à la fin de cette saison 1975/76. Le FC Yonnais le suit un an plus tard et, durant une décennie, les deux clubs se disputent le leadership du foot vendéen sur les terrains du groupe Centre-Ouest de la D3. Cette rivalité est plutôt saine puisque les deux clubs terminent souvent ensemble en première partie de tableau. En 1983, le FC Yonnais se classe deuxième derrière la réserve du Toulouse FC. C’est le ticket pour la deuxième division.
L’OM et Saint-Étienne mordent la poussière
L’aventure de la D2 démarre dans l’euphorie. Pour le premier match à domicile, le 30 juillet 1983, les Yonnais reçoivent l’Olympique de Marseille, qu’ils surclassent 2-0, buts de Pasquereau et Founini sur penalty. L’exploit n’est pas mince puisque cet OM des Bracci, Rubio, Boubacar, Olarevic et autres Pascal ne concèdera qu’une seule autre défaite au cours de la saison, et terminera en tête pour retrouver l’élite.
Le FC Yonnais terminera en revanche à une 17e place synonyme de relégation. Malgré onze victoires, l’aventure est déjà terminée. La D2 reste toutefois à la Roche puisque l'AEP Bourg vient d’accrocher l’accession. Comme son rival un an plus tôt, l’AEPB a terminé deuxième derrière la réserve du TFC. Si le FCY s’est payé l’OM, l’AEPB s’offre son gros morceau de début de saison, l’AS Saint-Étienne, tout juste relégué. Ce 26 août 1984, devant 10.144 spectateurs, les hommes de Christian Letard s’imposent 2-1 (deux buts de Philippe Bausson) face aux Castaneda, Oleksiak et autres Roger Milla. Mais le parcours de l’AEPB est tellement similaire à celui du FCY un an plus tôt que les Bourgadins terminent également à la 17e place. C’est le retour en D3.
Fusion sans effusion
Contrairement au FC Yonnais, l'AEPB ne reste pas longtemps à l’étage inférieur. Il obtient une nouvelle accession dès 1986. Le club bourgadin assure cette fois son maintien et signe un long bail dans l’antichambre de l’élite. Disposant de peu de moyens, incapable d’attirer un grand nom même en semi-retraite, l’AEPB occupe souvent le bas de tableau, arrachant son maintien d’un petit point (1987/88) ou étant repêché à cause de la faillite d’un concurrent direct (1988/89).
En 1989, la municipalité yonnaise propose de fusionner les frères ennemis. L’AEPB absorbe le FCY et devient La Roche Vendée Football. Un mariage arrangé qui n’apporte rien de significatif sur le plan sportif. La Roche VF reste sur le fil du rasoir et se bat chaque année pour assurer son maintien.
En 1992/93, l’ancien international François Bracci succède à Jean-Paul Rabier à la tête de l’équipe. Un grand nom qui déçoit très vite. L’équipe vendéenne perd ses sept premières rencontres dans un contexte où chaque point compte un peu plus que d’habitude. La deuxième division procède en effet à un sévère écrémage pour passer de deux groupes à un seul. Ainsi, pas moins de quatorze clubs (sept par groupe) sont relégués en fin de saison. Une montagne de trop pour la Roche VF qui n’a remporté que trois petites victoires en tout et pour tout. C’est le début d’une longue dégringolade d'une formation qui se retrouve finalement en DH en 2007. Et qui, après un récent sursaut de quatre saisons de CFA2, se retrouve de nouveau aujourd’hui en Nationale 3.
Vendée terre de foot ?
Ils sont nombreux aujourd’hui à regretter la fusion de 1989, nécessaire aux yeux des politiques, mais qui n’a finalement apporté aucun bénéfice sur le plan sportif. Le FC Yonnais et l’AEP Bourg ont grandi dans une rivalité qui était leur moteur. La Roche VF d’aujourd’hui manque d’émulation. Ce ne sont pas les bons clubs susceptibles de s’ériger en rivaux qui manquent en Vendée. Notamment Les Herbiers, équipe de National 2 qui a défrayé la chronique en 2018 en atteignant la finale de la Coupe de France 2018. Mais aussi Le Poiré-sur-Vie et Luçon, même s’ils ont dû déposer le bilan, respectivement en 2015 et 2016.
Le stade lui-même est aussi un motif de déception. Il est né de quelques hésitations politiques qui souhaitaient à la fois un beau stade pour le foot et le rugby, mais aussi un vélodrome dans une région qui aime beaucoup le cyclisme sur piste. Il ne satisfait finalement ni les amateurs de ballon (rond et ovale), ni les passionnés de vélo, qui ne voient que trop rarement leurs champions tourner sur la piste.
Récemment, une fusion avait été envisagée entre la Roche VF et le club de Luçon. Reverra-t-on un jour l’OM ou Saint-Étienne mordre la poussière à Henri-Desgrange?
[1] C’est en 1964 exactement que La Roche-sur-Yon absorbe le Bourg-sous-la-Roche, mais aussi la commune de Saint-André d’Ornay, fief de l’Etoile Sportive Ornaysienne dont la section féminine, créée en 1978, deviendra l’un des clubs majeurs du foot féminin en France. Il s’appelle aujourd’hui l’ESOFV La Roche-sur-Yon.