Dalmat, monsieur 50%
Ballon de Plomb 2007, la campagne – Stéphane Dalmat a consciencieusement gâché son talent en n'étant même pas la moitié du footballeur qu'il aurait dû être...
Auteur : Étienne Melvec
le 27 Nov 2007
Au terme de sa carrière, Stéphane Dalmat pourra écrire un manuel intitulé "Comment réussir sa vie en ratant sa carrière", qui pourrait devenir un succès de librairie. De toutes les raisons pour lesquelles il nous énerve, le principale résulte certainement du sentiment de gâchis qu'il inspire.
Car tranchons ce débat tout de suite: Dalmat est un bon footballeur. Sur le papier. Et en disant cela, on pense forcément au papier des nombreux contrats qu'il a signés. Toujours en situation d'échec sportif, il a réussi à conserver une valeur marchande, comme s'il devait toujours y avoir des entraîneurs et des dirigeants pour penser "Ce n'est pas possible, il va se réveiller, c'est forcément une bonne affaire".
Footballeur à temps partiel
Car l'air de rien, Dalmat va sur ses vingt-neuf ans (en février) et a fêté ses dix ans de carrière en août dernier. Une carrière d'intensité relative: au cours des sept saisons précédant son arrivée à Sochaux, il a disputé une moyenne de 16,4 matches de championnat par saison – en comptant ceux où il a été remplacé ou est entré en tant que remplaçant). Pas même la moitié: à ce rythme, il pourrait jouer encore dix ans.
Grand voyageur, il a aussi profité de la vie en évoluant dans quatre des cinq championnats majeurs du continent, traversant dix clubs sans inscrire à son palmarès autre chose qu'une Coupe de la Ligue avec Lens (1999). Sa spécialité: signer des contrats de longue durée et partir au bout d'un an, sur la lancée d'un début de carrière qui l'a vu traverser la France comme une boule de flipper, de Châteauroux à Paris en passant par Lens et Marseille en moins de trois ans.
Après trois saisons de stabilité paisible à l'Inter, une nouvelle frénésie de voyages le saisit: Tottenham, Toulouse, Santander, Bordeaux et enfin Sochaux accueillent l'enfant prodigue. À titre de comparaison, son ancien compère Peter Luccin n'a évolué qu'en France et en Espagne, dans sept clubs (avec deux fois trois saisons consécutives – Celta Vigo et Atletico) et en présentant une moyenne annuelle de 31 matches de Liga depuis son départ en Espagne.
Joueur virtuel
Encore coté, Dalmat? De moins en moins haut, tout de même. Sa stratégie du parachute lui a certes permis de ralentir sa descente, mais Sochaux est bien loin de Milan. Il faut aussi se rappeler les attentes suscitées et assumées par le garçon il y a dix ans (1). Le voilà donc revenu au football des humbles, dans un club dont le président semble sortir tout droit des années 70. Là, comme à son habitude, il effectue un bon début de saison, inscrivant même deux buts. Problème: la scène se passe dans un club qui s'installe dans la zone de relégation.
Il n'y a d'ailleurs aucune surprise à voir Dalmat évoluer sporadiquement à un très bon niveau. Joueur virtuel ou homme invisible au sein des effectifs, il sait tout de même faire illusion sur les terrains. On dit ainsi qu'il a une bonne frappe, mais il marque à peine un but par an en championnat. Doué d'une excellente technique dramatiquement sous-employée, il fait figure de Okocha mou, joueur flottant sans poste bien défini dont l'impact sur le jeu est finalement jugé insuffisant par l'entraîneur – son manque apparent de motivation ne faisant que renforcer l'inutilité de son talent.
On ne pourra pas, non plus, s'étonner de le voir se dissoudre littéralement au fil de la compétition. À Toulouse (2004/2005) et Bordeaux (2006/2007), il disparaît mystérieusement du groupe au cours des matches retour. Si vous vous êtes encore dit, au printemps dernier, "Mais au fait, il est où Dalmat?", ce candidat est pour vous. Car auparavant, une presse unanime aura écrit une nouvelle série d'articles sur son "retour", agrémentés d'interviewes dans lesquelles il assure avoir pris un nouveau départ.
D'évidence, Stéphane Dalmat aurait pu être un tout autre footballeur. Mais le garçon qui avait pris conscience à seize ans de son "don" et que l'on présentait comme le futur de l'équipe de France a préféré traverser sa carrière en gérant petitement le crédit reçu à ses débuts de professionnel. Sans connaître une seule sélection et en décevant les uns après les autres tous les espoirs placés en lui. Au point de devenir l'ombre du footballeur qu'il aurait dû être. Un demi-footballeur. Voire un Ballon de Plomb.
> Le bureau de vote du Ballon de Plomb 2007
(1) Lire "Stéphane Dalmat, dix-neuf ans, est déjà demandé par les plus grands" (L'Humanité, septembre 1998).