Lille bande mou
Le Stade de France, transformiste, avait revêtu pour Lille-Lyon son costume de fille de joie. Ce fut finalement une maison aussi close que la tactique initiale de Claude Puel.
"La tolérance? Nous avons des maisons pour ça!" jactait jadis un écrivain français célèbre, anagramme palindrome de Claude Puel (1). La citation s’est, depuis, élargie pour griffer l’ensemble de la Ligue 1, devenue une sainte-nitouche incapable de passer à l’acte lorsque les conditions s’y prêtent. En matière de foot, la tolérance a aussi ses limites, et les acteurs de Lille-Lyon n’échappent pas à la critique.
Des préliminaires festifs
Tout était pourtant réuni, samedi, pour faire de cette rencontre un beau rendez-vous d’amoureux: des préliminaires festifs orchestrés de l’élégant Bertignac, une escouade de pom-pom girls en furie, un panard de 80.000 places et la lumière des sifflets d’Alain Hamer, touriste luxembourgeois toutefois un peu moins déluré que ses compatriotes de Pigalle. Même le Live de lequipe.fr, pour varier les appellations du Stade de France, se fendait d’une "enceinte dionysienne". On passera outre la faute d’orthographe pour saluer l’hommage au dieu grec de la débauche.
Claude Puel l’a pourtant jouée dur en alignant trois milieux défensifs en les personnes de Cabaye, Dumont et Mavuba. Une tactique prudente, voire prude, un peu surprenante dans un tel contexte. Jouer bas et laisser l’initiative à l’adversaire, c’était faire le lit des ambitions d’un OL pourtant très médiocre dans son Kamasutra, mais dont le but résulte d’une partie à trois (Benzema, Clerc, Fred) brillamment conclue par le Brésilien. Lors des quatre dernières journées, Lille a accumulé trois 0-0 significatifs (à Bordeaux, à Monaco et contre le PSG).
La formation de Puel fait déjouer ses adversaires à défaut de les faire jouir. Un constat confirmé la veille du match par Alain Perrin, missionnaire envoyé par l’OL: "Elle est très gênante, ennuyeuse à jouer, comme Nancy dont elle a un peu les mêmes valeurs avec une présence défensive, un pressing sans relâche". En résumé: une Italienne.
Le puceau à l’oreille
Face à des Lyonnais experts en la matière, capables d’accélérer le rythme et de frapper fort dès qu’ils le décident, les Dogues n’ont jamais été dangereux en première période. Hormis sur un loupé de Bastos consécutif à un déboulé du Guinéen Youla– brouillon, mais qui a mouillé le maillot –, le tableau des occasions lilloises est désespérément resté vierge. Pas forcément la faute des joueurs, alors menottés dans le schéma castrateur de leur entraîneur, et qui ne se libéreront qu’une fois la pause pipi terminée.
Avec quatorze nuls depuis le début de la compétition, les Lillois ont le cul entre deux chaises. Tièdes, quand il faudrait lâcher les chevaux. L’attaque, Puel n’a jamais été porté sur la chose. À sa décharge, les départs de Mathieu Bodmer et Kader Keita n’ont pas été compensés par les recrues de l’intersaison (Maric, Yanes, Taharovic) et l’inefficacité chronique des titulaires.
Pour autant, l’hôtel de passe de samedi semble avoir été abordé avec trop de timidité pour en réussir la conquête; un peu comme si Perrin alignait Belhadj devant Réveillère à Barcelone pour attendre tranquillement de se faire transpercer.
Bien conscient de cette erreur, Claude Puel a changé de position peu avant la mi-temps en faisant rentrer Pierre-Alain Frau. Une décision beaucoup trop tardive d’après Brigitte Lahaie, la consultant vedette de RMC: "Frau est un joueur pénétrant qui aime s’infiltrer dans les brèches adverses pour filer seul contre tous. Mais sa rentrée, qui intervient après quarante-quatre minutes d’attouchements stériles sur la cage lyonnaise, n’a pu redresser une situation compromise dès l’entame. Comme si glisser son PAF au milieu d’une partie suffisait à redresser un tête-à-tête aussi peu érectile".
Fauvergue n’avale pas
La pilule est d’ailleurs difficile à avaler pour Nicolas Fauvergue, remplaçant d’un Kluivert absent des ébats, mais un peu livré à lui-même. "Patrick est frustré", déclare ainsi l’attaquant lillois sur le site d’Eurosport. Une défaite amère pour un joueur en délicatesse avec Puel, et qui a failli quitter le club cet hiver pour les Glasgow Rangers.
"Quand on voit Patrick (Kluivert) en première mi-temps, totalement esseulé... Je pense que c'est un problème tactique, mais c'est un avis personnel. Je ne suis pas là pour critiquer le coach ou le staff technique. Mais quand on est attaquant, qu'on est seul avec très peu de ballons négociables, c'est difficile".
Alors qu’ordinairement, une telle performance se consume en silence, en contournant le regard déçu de ses partenaires, Fauvergue la joue communication au sein du couple: "On peut en discuter entre nous tant qu'on veut. Tant que ce n'est pas avec le coach, et qu'il ne décidera pas lui-même de changer sa tactique de jeu, ça ne pourra pas bien se passer. Je lui ai dit "Coach, il faut passer en 4-4-2 parce qu'on perd 1-0 et je reste encore tout seul devant'". Avant d’ajouter, comme pour synthétiser le drame: "C'est difficile de rentrer dans de telles conditions".
Réveillé dimanche matin avec une gaule de bois, le LOSC est désormais plus près du pubis de la Ligue 1 que de son ventre mou.
(1) La solution est : Paul Claudel.