Carlos Alberto 1970, l'offrande du Roi
Coupe du monde: un jour, un but... Le 21 juin 1970 à Mexico, Carlos Alberto est à la conclusion d'un enchaînement de rêve, magnifié par une passe lumineuse du roi Pelé.
Il est 13h41 à Mexico, et même si la finale n'est pas tout à fait terminée, il ne fait aucun doute que le Brésil va remporter sa troisième Coupe du monde. À quatre minutes de la fin, les Auriverde mènent 3-1 et font circuler le ballon devant des Italiens qui ne savent plus trop quoi faire, sinon attendre dans leur camp.
Carlos Alberto en pleine course
Une attaque transalpine sans réelle conviction a rapidement été éventée par l'intervention de Tostão, très replié. L'attaquant de Cruzeiro chipe le ballon et trouve en retrait son libero Brito. Celui-ci donne à Clodoaldo. Puis Pelé, Gérson, de nouveau Clodoaldo retrouvent le ballon, que les Brésiliens se passent et se repassent sur un rythme de bossa-nova. Gianni Rivera se dévoue pour tenter une interception, mais Clodoaldo l'esquive. Domenghini s'interpose à son tour, sans résultat. Clodoaldo l'élimine comme il élimine ensuite Mazzola, puis Juliano. Toute l'Italie aurait pu tenter de lui chiper le ballon qu'il ne l'aurait pas perdu. Il transmet ensuite le ballon coté gauche à Rivelino, posté le long de la ligne de touche.
Le jeune ailier brésilien décide d'accélérer la cadence. Le long du couloir, il envoie Jairzinho en profondeur. L'ailier de Botafogo repique vers le centre en faisant face à Facchetti. Il sollicite Pelé pour un une-deux, mais Pelé ne lui rend pas le ballon. Seul dans l'axe, le roi fixe Burgnich avant de transmettre tranquillement le ballon sur sa droite, sans même jeter un regard. C'est alors que surgit Carlos Alberto, lancé pleine course, qui frappe la balle comme elle vient. Rosato a beau se jeter pour s'interposer, Albertosi peut plonger de tout son long, le ballon va exploser dans les filets.
La Coupe du monde du siècle
C'est le quatrième but brésilien de l'après-midi, le dernier de la Coupe du monde 1970 et sans doute le plus beau. La conclusion d'un magnifique mouvement collectif où pas moins de huit joueurs se sont échangé le ballon depuis le camp brésilien. La conclusion d'une rencontre que le Brésil a largement dominée, et celle d'un tournoi souvent considéré comme le plus beau de l'histoire du foot.
Tous les superlatifs sont en effet utilisés lorsque l'on évoque Mexico 1970 : La plus belle des Coupes du monde remportée par la plus grande équipe de l'histoire et le meilleur joueur de tous les temps. Une édition qui a vu la prolongation du siècle (Italie-RFA), l'arrêt du siècle (Gordon Banks), la feinte du siècle (Mazurkiewicz), le lob du siècle (Viktor) et bien sûr, la passe du siècle. Au risque de briser le mythe, il ne faut rappeler toutefois que de nombreuses rencontres du tournoi furent d'un niveau assez médiocre. Pour les besoins de la télévision européenne, qui commençait à imposer ses vues, les rencontres se déroulaient en milieu de journée. Sous le cagnard mexicain, les joueurs se montraient économes de leurs efforts. La lenteur des débats a ainsi profité aux équipes les plus techniques, parmi lesquelles le Brésil.
Une touche finale pour l'œuvre de Pelé
Celui-ci possède alors l'une des plus belles équipes de son histoire. Il a surtout la chance de détenir un Pelé de vingt-neuf ans, sûr de sa force et de son art. Le Brésilien en est à sa quatrième phase finale, mais c'est la première qu'il dispute sans les handicaps de la jeunesse et des blessures. Tout au long du tournoi, il a marqué des buts et tenté quelques "trucs" comme un lob du milieu de terrain sur Viktor ou une feinte de folie sur Mazurkiewicz. Sa passe à Carlos Alberto, dans les dernières minutes de la finale, est la touche finale de son œuvre.
C'est un geste d'une pureté absolue. Un ballon à ras de terre poussé de l'intérieur du pied. D'autres l'auraient joué de l'extérieur. Certains auraient risqué une talonnade ou peut-être même un tir. Pelé a reçu le ballon, l'a contrôlé deux fois pour fixer son adversaire puis l'a offert à son capitaine de la façon la plus simple qui soit.
Avant de transmettre le ballon, Pelé n'a même pas un regard sur sa droite. Il raconte que seule l'intuition a guidé son geste. Si le roi Edson aime distiller les petits mystères qui font mousser sa légende, les autres acteurs tiennent aussi à tirer la couverture. Le coach Mario Zagalo aime répéter que tout avait été travaillé à l'entrainement. Carlos Alberto, lui, se contente d'expliquer qu'au moment de recevoir le ballon, Pelé avait jeté un regard en coin et savait que son capitaine avait enclenché sa course d'élan. On a beau regarder les images, on ne voit à aucun moment Pelé jeter un œil sur sa droite. En revanche, on voit devant lui Gérson tendre le bras et lui indiquer la marche à suivre. C'est sans doute là que Pelé a pris l'information. Mais peu importe. La passe est tellement pure, tellement précise, tellement majestueuse dans sa simplicité qu'elle n'a besoin d'aucune explication.