Dans les cartons des Dé-Managers : #61
La confusion du multiplex, le Real Madrid à Cornella, une salade de Bataves, la bête noire de l'AC Milan, Everton, les affluences selon les sports et les coups de pied arrêtés: on traverse l'Europe plus vite que Justin Gatlin.
Changements de dispositifs ou de joueurs, batailles philosophiques et stratégiques, échecs et réussites… Chaque semaine, les quatre Dé-Managers proposent leurs billets d’humeur.
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Un après-midi à Cornella
Raphaël Cosmidis – Un coup de volant vers l’aéroport, une zone industrielle et le voilà, le stade de l’Espanyol Barcelone. Planté en plein Cornella de Llobregat, petite ville dans la banlieue de la cité catalane. Dimanche, le Power 8 Stadium accueillait le Real Madrid. Et malgré le triplé de Cristiano Ronaldo, c’est bien le Barça qui fut sacré champion à la fin du match. “Un triplé rendu inutile par Messi”, écrivait sobrement AS hier.
Finalement battu 4-1 par les Madrilènes, l’Espanyol avait pourtant bien débuté la rencontre par un jeu qui s’entête dans l’axe mais séduit: des combinaisons en une touche de balle, un attaquant-pivot doué de ses pieds (Felipe Caicedo) et quelques noms autour (Javi Lopez, Sergio Garcia ou encore Hector Moreno) qui font des Pericos – les perruches – un joli second couteau de Liga. La formation de Sergio Gonzalez, arrivé à la tête du club l’été dernier, est d’ailleurs toujours en course pour la qualification à la Ligue Europa.
Tenu en échec à la pause, le Real accéléra ensuite, à l’exception de Toni Kroos. L’Allemand est devenu un footballeur étrange à observer depuis que Carlo Ancelotti l’a repositionné devant la défense. Il joue toujours au pas, comme une Formule 1 qui ne passerait jamais la première et gagnerait quand même la course. L’inverse absolu de Cristiano Ronaldo, genre de Terminator intermittent, rôdant sur la pelouse sans participer à la phase défensive, avant de se mettre en marche dès que son équipe récupère le ballon. Le Portugais décroche rarement et n’intègre pas vraiment la circulation de balle du Real. Il guette constamment les espaces et les adversaires vulnérables puis les attaque, les agresse, presque. Ronaldo se rêve en meilleur joueur de l’Histoire du football. Il a plus de chances d’en devenir le meilleur buteur, le plus complet et le plus régulier en tout cas.
De son côté, l’Espanyol n’avait pas le choix. Il lui fallait rester à fond pendant quatre-vingt-dix minutes pour espérer quoi que ce soit. Au coup de sifflet final, ses supporters l’avaient compris. Ils applaudirent longuement, parce que c’était le dernier match à domicile de la saison et que perdre ainsi n’avait rien de déshonorant.
Le multiplex, c’est flex !
Julien Momont – Ah, cette petite musique. Huit notes (si l’on a bien compté) anodines, mais qui font tout le charme des multiplex, année après année. Pourtant, prise hors contexte, elle a un fort potentiel d’insupportabilité, comme toutes celles que l’on entend beaucoup trop souvent. Avec trois journées, la rareté fait le plaisir, me direz-vous. Mais même quand on l’entend résonner vingt-cinq fois comme samedi soir, on en redemande.
Chaque occurrence – qui devient un prétexte facile à des jeux d’alcool; oui, on t’a vu, toi là-bas – suscite espoir et crainte mêlées chez les supporters. Le “But à *quelque part*!” n’apaise généralement personne tant il nous maintient dans l’incertitude. Viennent enfin, les images, la délivrance ou l’effondrement, la joie ou la frustration. Ah c’est beau, un multiplex. Surtout lorsqu’il y a de l’enjeu partout et que la machine s’emballe, comme samedi soir.
Et tant pis si, au final, on ne comprend absolument rien du déroulé de chacune des rencontres, dont on n’a au final qu’un petit aperçu ultra-segmenté sans aucune continuité de l’action. C’est l’ADN de l’exercice: il faut aller vite, rebondir d’un stade à l’autre, et le plus souvent, ce sont les buts qui s’enchaînent qui dictent le déroulé de la soirée. On oublie alors notre oeil de curieux de la tactique, et on se laisse porter. C’est bien aussi, même si on en ressort sans avoir forcément tout bien dicerné du plan de jeu de l’OM à Lille (4-0), incapable de dire si la victoire stéphanoise à Annecy contre l’ETG (2-1) est méritée ou non et si Bordeaux a bousculé l’Olympique lyonnais (1-1). Vivement la semaine prochaine!
On a aimé
L’abnégation du Bayern Munich face à un FC Barcelone plus fort mais battu 3-2 au retour. Pep Guardiola n’a pas réussi à faire pencher tactiquement la balance en la faveur des Bavarois, mais il leur a insufflé une détermination sans failles tout au long de la rencontre, alors même que l’espoir s’amenuisait au fil des minutes. Le relâchement du Barça en seconde période a certes aidé, mais le Bayern est sorti sans jamais renoncer.
Il traîne peut-être une petite caravane, il évolue dans un championnat plutôt faible, mais Kaka continue d’étaler, par éclairs, sa finesse technique. Dimanche soir, contre le Los Angeles Galaxy, champion de MLS en titre, le Brésilien d’Orlando a signé une passe décisive après un délicieux crochet, puis provoqué un penalty en devançait le gardien adverse d’un subtil piqué avant de se faire justice. Ça suffit à notre bonheur.
La fougue et la créativité des U17 français, en quarts de finale de l’Euro de la catégorie, contre l’Italie (3-0) samedi. Il y a onze ans, les Nasri, Ben Arfa, Ménez et Benzema (remplaçant) étaient sacrés contre l’Espagne. Leurs héritiers s’appellent peut-être Odsonne Edouard, Jonathan Ikoné et Bilel Boutobba (Marseille), tous très en vu face aux Italiens.
On ne sait pas trop
La Roma a fini par battre l’Udinese (2-1), mais les hommes de Rudi Garcia n’ont une fois de plus pas vraiment convaincu. Ils n’ont été dangereux que par intermittence, souffrant d’un manque chronique de présence devant le but à force de mobiliser énormément de joueurs lors de la phase initiale de construction. Malgré tout, les accélérations d’Iturbe et l’activité de Rajja Nainggolan ont permis d’obtenir une victoire précieuse. Le derby romain, en forme de finale pour la deuxième place de Serie A, s’annonce explosif.
On n'a pas aimé
La fragilité de la défense de la Fiorentina, sortie logiquement par Séville mais après un match retour au score plutôt sévère (2-0). Marcos Alonso, côté gauche, n’est pas une référence mondiale, mais c’est toujours mieux que José Maria Basanta, complètement à côté de la plaque dans l'axe.
On l’a évoqué la semaine dernière, la MLS a encore de gros progrès à faire, notamment en terme d’homogénéisation de son niveau, qui reste largement très disparate. Ce week-end, le champion en titre, le Los Angeles Galaxy, a ainsi été épatant de nullité défensive. Aucune agressivité sur le porteur de balle, des boulevards laissés de tous les côtés: bref, un non match complet (0-4) face à une équipe pourtant loin d’être géniale.
Manchester United-Arsenal (1-1), qui n’a pas été, dans le jeu, à la hauteur de l’enjeu (bataille pour la troisième place de Premier League). Devenus plus pragmatiques depuis quelques semaines, les Gunners sont moins enthousiasmants mais se découvrent aussi beaucoup moins – même s’ils restent à la merci d’un oubli défensif, comme sur le but d’Ander Herrera dimanche. En face, MU a été fidèle à l’image un peu austère qu’il a renvoyé toute la saison.
L'infographie de la semaine
Les équipes les plus efficaces sur coups de pied arrêtés, offensifs comme défensifs, selon le CIES, qui a sorti son rapport mensuel, en forme de bilan statistique de la saison.
Les déclas
"Les gens sous-estiment le football. Ils pensent que c'est simple. Mais non: c'est un sport complexe. Vous devez avoir une bonne technique et, dans le même temps, analyser la position de votre adversaire et celle de vos partenaires. Regarder la balle, la contrôler et la porter vers l'avant. Tout ça pendant que l'adversaire essaie de vous perturber. Plus le niveau monte, plus les espaces se rétrécissent, comme le temps d'action et de réaction. (...) Vous devez donc être très astucieux pour comprendre comment utiliser ces espaces disponibles. (...) La zone d'occupation du jeu était vingt mètres plus large il y a vingt ans. Aujourd'hui, vous allez trouver dix-huit joueurs – huit de votre équipe et dix adversaires – dans un espace très restreint de chaque côté du rond central. Le temps dont vous disposez pour trouver la bonne solution est très court."
Marco van Basten, dans une belle interview à L’Équipe Magazine.
"Complimenter un joueur pour avoir couru le plus de kilomètres dans un match est la chose la plus stupide à faire. Un joueur est sur le terrain pour jouer au football, pas pour courir. Quand je vois le nombre d’attaquants mal utilisés… Au lieu de courir vers un défenseur, ils lui courent après. Mais vous pouvez éviter cela en mettant la pression sur le ballon et l’adversaire avec l’équipe toute entière. Comme Barcelone et le Bayern essaient toujours de faire."
Johan Cruyff, dans sa chronique hebdomadaire pour le journal De Telegraaf.
La vidéo de la semaine
Le pressing et le repli d’Everton, avec Roberto Martinez à sa tête, ici contre Manchester United.
L'anecdote
Domenico Berardi a marqué trois buts à Milan ce week-end et trente en Serie A dans sa carrière. Pas mal, surtout que l’attaquant de Sassuolo n’a que vingt ans, et qu’il est le plus jeune à atteindre cette marque depuis cinquante ans (cela inclut donc Baggio, Del Piero et les autres). Son avenir est cependant incertain puisqu’avec la venue de Paulo Dybala, la Juventus, qui le détient en copropriété, est déjà très bien fournie en attaquants.
Le bonus
Quelles sont les ligues professionnelles qui attirent le plus grand nombre de spectateurs? Les quatre championnats majeurs européens se placent dans le top 10, derrière la NFL, large leader. À noter toutefois que le classement n’inclut pas les compétitions universitaires, sans quoi le football américain NCAA serait au-dessus du lot, avec notamment neuf facs qui font plus de 90.000 spectateurs de moyenne.
La revue de presse (presque) anglophone
Garry Monk a fait de Swansea l’une des belles surprises de la saison en Premier League.
Faire la fameuse “passe de trop” est-il si préjudiciable? Si elle est bien faite, non: elle génère relativement plus de buts.
Plongée dans les notes d’un commentateur de foot.
Retour sur la première saison réussie de Ronald Koeman à Southampton.
Pourquoi Memphis Depay a sûrement fait le bon choix en signant à Manchester United? Parce qu’il a besoin de Louis van Gaal.
Analyse du (prévisible?) déclin statistique de Gareth Bale.