Dropsy 1981, le repère de Mühren
Un jour, un but - Le 25 mars 1981 à Rotterdam, les Bleus encaissent un but rageant qui complique leur parcours éliminatoire pour la Coupe du monde, et condamne son gardien de but.

Jan Peters reçoit le ballon près du rond central, dribble Alain Giresse et s'avance dans le camp français. À une trentaine de mètres du but, le Néerlandais hésite sur la marche à suivre alors qu'il se trouve face à Larios et Moizan. Mais Léonard Specht intervient et fauche, allez savoir pourquoi, le milieu de terrain d'AZ'67.
Luigi Agnolin, l'arbitre italien, accorde un coup franc aux Néerlandais. La deuxième mi-temps vient à peine de reprendre et le score est toujours à 0-0. C'est Arnold Mühren qui se charge du tir. Malgré la distance, le milieu de terrain d'Ipswich frappe au but. Le ballon prend la direction de la lucarne. Dominique Dropsy se détend, le ballon percute le coin droit de sa cage puis rebondit sur la nuque du gardien français avant d'entrer dans les filets.
L'équipe des Pays-Bas ne peut pas mieux commencer cette deuxième période après avoir souffert lors de la première, où l'équipe de France a multiplié les occasions. Cette rencontre du 25 mars 1981 au stade De Kuip de Rotterdam est l'occasion pour l'équipe de France de prendre un avantage conséquent pour la qualification à la Coupe du monde 1982.
Sans Platini... ni Cruyff
Ces éliminatoires ont idéalement débuté, pour les hommes de Michel Hidalgo, avec un net 7-0 à Chypre suivi d'un 2-0 obtenu au Parc contre l'Irlande. En tête du groupe avec une différence de buts confortable, les Tricolores abordent ce Pays-Bas-France respectueux de l'adversaire, finaliste des deux dernières Coupes du monde, mais sans crainte excessive.
La sélection orange, après deux défaites dans cette phase qualificative, et se trouve déjà au pied du mur. Elle est même dans un tel tourment que le nom de Johan Cruyff est redevenu d'actualité. Le nouveau sélectionneur Kees Rijvers a couché sur sa liste la légende vivante, qui tente alors de se relancer à Levante, en deuxième division espagnole.
L'icône n'a plus porté le maillot orange depuis la fin des éliminatoires de la Coupe du monde 1978, c'est-à-dire depuis quatre ans et demi. Mais le joueur est finalement écarté en raison d'exigences qui pouvaient être satisfaites en d'autres temps, mais que la KNVB ne souhaite plus consentir pour un joueur de 34 ans à la forme aléatoire.
Michel Hidalgo affronte ses propres problèmes. Après leur brillante entame, ses Bleus ont concédé, à Hanovre puis à Madrid, deux défaites amicales contre la RFA (1-4) et l'Espagne (0-1) qui ont plongé le sélectionneur dans une certaine perplexité. Privé de Marius Trésor depuis le début de la saison, il est contraint de se passer à Rotterdam de Michel Platini, dont l'état des genoux a alimenté la chronique durant la préparation du match.

Pour remplacer son numéro 10, le sélectionneur titularise Alain Giresse, dont ce n'est que la sixième sélection en huit saisons. Le Bordelais n'est plus apparu en bleu depuis trois ans et demi et il s'est rendu au rassemblement en maugréant, estimant valoir mieux que le rôle de bouche-trou auquel il est assigné.
Dans les buts, après avoir testé le jeune Castaneda contre l'Espagne, Michel Hidalgo maintient sa confiance à Dominique Dropsy, gardien titulaire des Bleus depuis la fin de la Coupe du monde 1978.
Deux Strasbourgeois au placard
Avec le but bêtement concédé à Rotterdam, le gardien strasbourgeois devient le héros malheureux de la rencontre. C'est à lui, et non à Arnold Mühren, que l'on attribue le but encaissé par les Bleus.
Un contre son camp qui n'améliore pas sa réputation de gardien fébrile, malgré d'évidentes qualités techniques. À une époque où une demi-douzaine de gardiens de première division peuvent prétendre à l'équipe de France, il n'est pas bon de concéder un but stupide.
L'équipe de France court après l'égalisation. Dix minutes après le but de Mühren, Didier Six exécute un coup franc. Son ballon percute lui aussi le montant, mais ne rebondit pas sur Piet Schrijvers. À l'entrée du dernier quart d'heure, le remplaçant Jacques Zimako lance idéalement le même Six, qui rate son contrôle au moment d'ajuster le gardien néerlandais.
La France joue bien, mais elle ne sait plus marquer de buts, clament les commentateurs. Après cette défaite somme toute injuste (1-0), l'horizon s'obscurcit pour les Tricolores alors qu'ils reçoivent un mois plus tard, au Parc, une équipe de Belgique invaincue depuis la finale de l'Euro 1980.
Il s'assombrit notamment pour Dominique Dropsy, à qui Hidalgo accordera un sursis de deux rencontres avant de changer de gardien. Quant à Léonard Specht, vivement critiqué pour sa faute inutile sur Peters qui a provoqué le coup franc, il perdra également la confiance du sélectionneur, d'autant que Marius Trésor sera de nouveau opérationnel pour la fin de saison.
Léonard Specht et Dominique Dropsy rejoindront Bordeaux en 1984. Ils remporteront deux championnats et deux Coupes de France. Si Specht sera brièvement rappelé chez les Bleus par Henri Michel, Dominique Dropsy ne retrouvera jamais l'équipe de France. Il intègrera le staff des Girondins à la fin de sa carrière en 1989. Il est décédé d'une leucémie en octobre 2015, à 63 ans.