En OL de boudin
Qui mieux que Jean-Patrick Sacdefiel pouvait rendre "hommage" au sixième titre de l'Olympique lyonnais?
Quelle ambiance, mes aïeux... Quel sacre, quel vent de folie! Je crois que je conserverai longtemps cette une du journal L'Équipe du dimanche 22 avril, qui marque le sixième titre de l'Olympique lyonnais. La photo qui l'orne en dit en effet plus long que le discours que semble s'apprêter à faire, sur l'image, un Gérard Houllier brandissant une flûte de ce que l'on devine être du Champagne – mais qui doit s'être transformé en vinaigre s'il y a déjà trempé les lèvres. En tout cas, cette coupe dorée n'est pas la coupe de la Ligue, les Girondins ayant épargné aux Lyonnais cet excès de fausse gloire.
La scène se déroule au sous-sol d'un hôtel Mercure de la périphérie auxerroise... C'est donc dans ce décor féerique, protégé des sifflets de son propre public, que l'OL a laborieusement tâché de célébrer son abonnement au championnat de France.
Si le "sixième ciel" est de placoplâtre et constellé de néons, c'est à désespérer du nirvana. Sous les sprinklers, dont les détecteurs de chaleur ne risquaient pas de s'affoler (à moins d'être aussi sensibles que les naseaux de Baros), les transports de joie n'ont pas suffi à soulever de leurs chaises trois des cinq joueurs présents dans le cadre, les jambes probablement coupées par l'euphorie.
Gagner sans jouer
Les Lyonnais ont logiquement eu plus de mal à simuler le bonheur qu'ils n'en eurent, le lendemain, à arracher aux ogres ajaïstes un valeureux match 0-0 (leur deuxième de suite, comme pour être encore plus dignes de notre compétition domestique). L'exercice rivalise d'ailleurs de fausseté avec celui des observateurs, qui doivent rendre au champion un hommage tout aussi obligé. "Ils ont gagné sans jouer", remarquent ceux-ci – qui ne croient pas si bien dire.
Dans un championnat à deux vitesses (le point mort et la marche arrière), l'OL n'avait que lui-même pour principal adversaire. Redoutable, à en juger à l'équipe des matches retour. Juninho s'est mis à tirer les coups francs comme mon beau frère et Cris à montrer la nervosité de ma sœur, tandis que Gérard Houllier semblait transmettre à son groupe sa légendaire joie de vivre, formant désormais avec Bernard Lacombe et Jean-Michel Aulas le plus formidable trio de joyeux drilles depuis Pierre Messmer, Edgar Faure et Michel Debré dans le gouvernement Pompidou. Avec la même capacité à s'entredéchirer.
Alors pour cacher la misère, on se rengorge de soi-disant records, comme cette première "dans les grands championnats" que constituerait ce sextuplé. Piteux ménestrels, navrants chroniqueurs! Que du haut des nuées écossaises s'abatte sur vous la foudre vengeresse des Highlands, vous grillant sur place, pauvres volatiles à plumes courtes qui croyez que nos misérables stades peuvent rivaliser en "grandeur" avec Ibrox ou Celtic Park.
Le mot de la fin revient à Tartuffe 1er, roi de céans: "Ce soir, Lyon est entré dans la légende du football français", s'est esbaudi le baudet Thiriez... Qui n'a pas compris que c'était la légende qui était sortie du football français, il y a belle lurette.