Folle soirée
Rendons hommage, sans trop chercher à l'expliquer, à l'incroyable scénario de Monaco-La Corogne… Avec en bonus une correspondance à Louis II et un bréviaire spécial.
Auteur : Pierre Martini et Curtis Midfield
le 6 Nov 2003
Sans que l'on comprenne exactement pourquoi, il y a des matches qui basculent dans l'irrationnel. À notre époque, l'irrationnel, ce sont des scores dignes des années 30 ou des cours de récréation, aujourd'hui que les blockhaus-équipes étriquent les scores et rendent impossibles les carrières de ces attaquants un peu médiocres mais pittoresques qui avaient encore leur place dans un football jadis moins scientifique et moins impitoyable. Mais en football, c'est bien connu, tout est possible, même deux buts de Thuram en demi-finale de Coupe du monde. Mais si un parieur a misé sur un 8-3, il devrait toucher une dotation spéciale de plusieurs millions d'euros (à réinvestir en principauté, évidemment). Quant à Javier Irureta, il peut plonger dans des abîmes de perplexité. "Ce résultat est difficile à expliquer, ce fut une partie étrange. On a eu beaucoup de difficultés pour s'adapter au terrain instable [NDLR: le sol bougeait ou quoi?]. (…) Dans ma vie, c'est le match le plus difficile à comprendre" (AFP). On lira avec curiosité les analyses dans la presse spécialisée, pour voir si (au-delà d'une prévisible surenchère de titres à base d'atomisation ou de pulvérisation) certains se sont risqués à avancer des explications rationnelles. Parce qu'à 4-0, on se demandait déjà comment cela pouvait être possible, sachant que La Corogne dominait assez outrageusement, avec une possession de balle supérieure et une maîtrise extraordinaire au milieu et en attaque, où des joueurs aussi remarquables que Tristan ou Valeron faisaient à peu près ce qu'ils voulaient. D'ailleurs, à 4-2, on ne rigolait plus trop, tant la défense monégasque semblait vouloir se mettre au niveau de son homologue galicienne et reproduire une scénario à la parisienne (les Bleu et Blanc s'étaient imposés 4-3 après avoir été menés 3-0 par le PSG au Riazor)… Mais grâce à un providentiel mélange de cagades d'anthologie et de gestes superbes, ce score de babyfoot a tourné en faveur des Rouge et Blanc. Dans ces circonstances, nos commentateurs sportifs, qui ont usé jusqu'à la corde tous les superlatifs pour des occasions nettement plus banales, ont bien du mal à faire passer le caractère exceptionnel, presque poétique, de ce genre de soirée. Ainsi Denis Balbir s'est-il rendu compte qu'il ne pouvait pas hurler plus fort. Pas grave, nous avons assisté à une partie extraordinaire, impossible à ranger parmi d'autres grands moments européens des clubs français (Saint-Étienne-Kiev, OM-Milan, Bordeaux-Milan…), parce que trop atypique et sans grandes conséquence sportives (il ne s'agissait après tout que d'un match de poule et les jeux ne sont pas faits dans le groupe C). Inclassable aussi parce que ce scénario improbable ne fut pas dépourvu d'effets purement comiques. J'y étais, j'ai tout vu par Curtis Midfield Notre correspondant permanent à Monaco ayant eu la bonne idée d'aller voir le match, il nous a fait part de ses observations. "Prso, il est pas dans un bon soir, on dirait qu'il a déjà un point de côté". C'est ainsi que nous avons cru bon d'interpréter le début de match du Croate. Une intuition erronée, à comparer toutefois avec la très mauvaise inspiration de nos voisins de gradins — arrivés avec un quart d'heure de retard et revenus à leur place dix minutes après la reprise. Autant dire qu'ils avaient raté cinq buts. À soirée exceptionnelle, phénomènes paranormaux. Car si les tribunes latérales de Gerland ont bien été prises, il y a deux saisons, de trépidations verticales compulsives, il était difficile d'imaginer que celles de Louis II verraient un jour, au bout de trente minutes de jeu, une holà effectuer un tour complet… L'événement était d'ailleurs tellement au-delà du réel que le spectacle s'étendit dans des endroits improbables. Le responsable du tableau d'affichage dut ainsi réaliser des prouesses, et tester trois "mises en page" différentes pour parvenir à faire tenir les noms des buteurs. Tout en réussissant à souhaiter un joyeux anniversaire à Dado Prso. On peut donc faire des miracles à Monaco, comme métamorphoser Édouard Cissé en joueur de haut niveau capable de décocher une splendide frappe du gauche. Et si ça se trouve, cette nuit, les trois préfabriqués de La Turbie se sont transformés en centre d'entraînement de club de L1. De notre correspondant sur le forum Réaction de leo - mercredi 5 novembre 2003 - 22h18 "Il est mystique ce match, un des signes que la fin des temps est proche..." BRÉVIAIRE SPÉCIAL MONACO-LA COROGNE expérience génétique Qui a greffé la défense de Laval sur l'équipe de la Corogne? minutage Un peu plus et le résumé était aussi long que le match. open de Monaco 6-2 en 49 minutes, ça faisait déjà un premier set assez accroché. saine lecture Les Monégasques ont lu les bons conseils du numéro 1 des Cahiers du foot pour faire exploser le nombre de buts par match. deux poids, deux mesures Porato mécontent : "Moi, quand j'en prends trois, on m'envoie jouer en CFA". formule 1 Une équipe forte en contre opposée à une équipe qui ne sait pas jouer les hors-jeu, c'est la recette des soirées réussies. longueur de banc C'est dans ces circonstances que l'on se rend compte de l'importance d'avoir un troisième gardien meilleur que les deux premiers. comparatif Sachant que Les Manceaux n'ont mis que deux buts à Monaco, mais n'en ont encaissé que quatre, peux-t-on dire que le MUC est supérieur à La Corogne? anticipation Les dirigeants monégasques avaient demandé aux spectateurs de s'habiller en rouge et blanc. Il savaient que le Père Noël allait venir? arm pas strong Molina, c'est le seul sportif qui est moins bon après son cancer des testicules qu'avant. impasse Comme quoi c'est payant de zapper la Coupe de la Ligue. mauvais souvenir Ils ont bien fait de ne pas s'arrêter à 7-2, parce qu'en Ligue des champions, c'est le genre de score qui porte malheur. retour sur terre bosselée Didier Deschamps : "La réalité on va vite y retomber, samedi à Ajaccio". conclusion Vive l'exception fiscale monégasque !