France-Chili, sous le signe de l'oubli
Le France-Chili de ce soir à Montpellier ne laissera sans doute pas une grande trace dans l’histoire du foot. D’ailleurs, qui se souvient des France-Chili?
Auteur : Richard N.
le 10 Août 2011
France-Chili, ou Chili-France, dans l’histoire du foot, ça ne représente rien. Quatre confrontations en un peu plus de soixante-dix ans, une seule en Coupe du monde, un match olympique ajouté à l’arrache pour faire le nombre… Serait-ce suffisant pour en faire un article?
Un match tous les trente ans
L’équipe de France existe depuis 1904, et celle du Chili a été créée six ans plus tard. La distance entre les deux pays n’a pas permis à leurs footballeurs de se mesurer rapidement sur un terrain de foot. Il a fallu l’avènement de la Coupe du monde pour arranger le coup. Le 19 juillet 1930, Français et Chiliens se rencontrent dans le flambant neuf Centenario de Montevideo, inauguré la veille. Les Tricolores ont disputé quatre jours plus tôt un combat homérique contre l’Argentine et accusent une fatigue d’autant plus légitime qu’ils en sont à leur troisième match alors que les Chiliens n’en ont joué qu’un seul. Alex Thépot, le gardien français, a beau arrêter le premier penalty de l’histoire de la Coupe du monde, il ne pourra rien après l’heure de jeu devant "El Chato" Subiabre, qui marque le seul but de la rencontre.
Ce sera le seul match officiel entre les deux équipes. Malgré quatre Coupes du monde communes (1966, 1982, 1998 et 2010), jamais plus les deux sélections ne se croiseront pour un enjeu mondial. Et comme celles-ci ne cherchent pas particulièrement à s’affronter "en amical", elles attendront trente longues années avant de se retrouver.
À côté de l’Histoire
Lorsqu’il apprend qu’il doit organiser la Coupe du Monde 1962, le Chili consent à faire sortir son équipe de son isolement et l’envoie en tournée en Europe. C’est dans ce cadre qu’elle croise l’équipe de France le 16 mars 1960 au Parc des Princes. La rencontre tourne au carnage: les Chiliens, fatigués et un peu dépaysés, se font manger tout cru par une équipe de France encore euphorique de son épopée suédoise de 1958. Score final: 6-0, buts de Kaelbel, Vincent, Grillet, Muller et un doublé du grand Justo Fontaine. Difficile d’imaginer, à ce moment-là, que le troisième du Mondial 1958 vient de passer le témoin à son successeur.
Les deux équipes, à nouveau, ne se revoient pas durant une bonne trentaine d’années. Cela aurait pu être le cas fin 1973 si la France avait dominé l’URSS dans son groupe qualificatif pour le Mondial allemand: les hommes de Georges Boulogne auraient affronté le Chili en barrages. Se seraient-ils rendu pour le match retour à Santiago dans l’ambiance survoltée du coup d’état du général Pinochet? Ou auraient-ils boycotté le match comme l’ont fait les Soviétiques? Non seulement la saga des France-Chili est d’une extrême platitude, mais en plus, elle rate ses rendez-vous avec l’Histoire.
Sur le chemin de la médaille
Une affiche France-Chili réapparait un peu par hasard au beau milieu de l’été 1984, durant le tournoi de foot des Jeux Olympiques de Los Angeles. Le premier tour se dispute dans la plus grande discrétion à Annapolis, Maryland, loin de Carl Lewis et Pierre Quinon. L’équipe de seconds couteaux montée par Henri Michel est longtemps menée au score avant que Jean-Claude Lemoult n’égalise en seconde période. Le match nul (1-1) qualifie finalement les deux équipes pour le second tour. Si le Chili coince en quarts, la France marche sur un chemin étoilé et s’en ira décrocher la médaille d’or au Rose Bowl de Pasadena. Un bel été.
France et Chili ne s’affrontaient donc qu’une fois tous les trente ans. Pas vraiment de quoi créer une rivalité durable. Depuis peu, les deux équipes semblent avoir décidé d’accélérer un peu le mouvement: elles se rencontrent désormais une fois par décennie! On retrouve donc les deux équipes le 22 mars 1994 au stade de Gerland. Deux équipes à vrai dire un peu traumatisées: d’un coté, la France qui vient de se prendre contre la Bulgarie une baffe qui la prive du Mondial américain. De l’autre, une sélection hors-la-loi ou presque, temporairement bannie de la FIFA et interdite de Coupe du monde depuis une fumeuse supercherie au Maracana (lire "Le coup du condor"). C’est le deuxième match du sélectionneur Aimé Jacquet. Papin, Djorkaeff et Martins répondent à "Bam Bam" Zamorano pour une belle victoire 3-1.
Hélicoptère
Le même Zamorano retrouvera les Bleus en septembre 2001 pour un match particulier, celui de sa dernière sélection. C’est la première fois que l’équipe de France se rend à Santiago. On se souvient moins du score (2-1 pour la Roja) que des polémiques qui ont entouré la rencontre. L’équipe de France est alors championne du monde en titre et se fait un devoir d’honorer son statut aux quatre coins de la planète. Seulement, les escapades dans les contrées de l’hémisphère sud (Australie, Chili, Afrique du Sud…) plaisent très moyennement aux clubs, lassés de voit leurs très chers frenchies gaspiller leur énergie dans des voyages sans intérêt. Comme s’il avait voulu chasser la polémique par une autre, le sélectionneur Roger Lemerre se distingue en conférence de presse à l’évocation du Général Pinochet : "Les dictatures sont parfois nécessaires". Bref, à oublier, une nouvelle fois.
Le France-Chili de la Mosson, ce 10 août 2011, sera donc seulement le cinquième de l’histoire. Les hommes de Laurent Blanc, comme ceux de Claudio Borghi, savent qu’ils joueront sans pression excessive. Qu’ils gagnent ou qu’il perdent, aucune importance, puisqu'on oublie toujours les France-Chili?