La Gazette sur le gazon, numéro 58
Cragnotti reprend sa cagnotte?
Sergio Cragnotti, l'emblématique président de la Lazio, menace de se retirer du club en cédant ses parts, arguant d'une certaine lassitude ("Je ne me sens plus à ma place dans le monde du football" – AFP 05/07). Son accablement est compréhensible, tant il est devenu difficile de diriger une entreprise aussi compromettante. S'il a été relativement épargné par la commission de discipline de la fédération italienne dans l'affaire des faux passeports (au contraire de Recoba et des autres joueurs incriminés), la Lazio a été condamnée à une lourde amende (6,5 MF) et n'a pas redoré son blason. Les graves manifestations racistes à répétition des Ultras pèsent certainement de tout leur poids dans cette décision, en regard des proportions prises par le phénomène, et les départs imprévus de Veron et Nedved ont mis le coup de grâce.
La Lazio est l'un des premiers clubs à avoir été coté en bourse, et l'on pourrait donc observer in vivo les effets du départ brutal d'un actionnaire majoritaire. Le club romain a effectivement des acquis et des actifs, mais les éventuels repreneurs, instruits de l'expérience de leurs prédécesseurs, risquent d'être plus circonspects.
Le Calcio est terrible pour les nerfs, que l'on soit entraîneur ou dirigeant. C'est peut-être pour ça qu'il y a tant de médecins dans le foot italien.
Dopage à la Juve : l'orage se rapproche
L'enchaînement est tout trouvé puisque le nouvel entraîneur de l'AS Monaco se retrouve une nouvelle fois au centre de l'enquête sur le dopage initiée à l'été 98 suite aux déclarations fracassantes de Zeman. Les taux d'hématocrite de Didier Deschamps en 1995 font en effet l'objet d'un grand nombre de pages dans les rapports judiciaires. Il refuse pour le moment de s'exprimer à ce sujet. Il n'a pas tord, les premières pages des médias sportifs sont presque toutes entières consacrées à l'éventualité du transfert de Zidane au Real. La profession attend que les choses prennent une tournure plus grave pour parler d'un dossier qui implique deux champions du monde emblématiques —notons tout de même que L'Equipe a consacré une pleine page à l'affaire, très informative. Les charges contre la Juve du futur procès commencent à être connues, avec de lourdes présomptions sur un dopage organisé à l'EPO, la révélation d'un dopage par le fer (?), et le recours à des fraudes pour acquérir des substances prohibées. Le degré de médicalisation de l'encadrement turinois a semble-t-il atteint des proportions démesurées…
Nous reviendrons sur le dossier.
Cannabis, dopage et hypocrisie
Restons dans le dopage, et passons du gazon à l'herbe. Le gardien de Nîmes Yoann Bouchard, a rejoint deux de ses illustres devanciers, puisque comme Bernard Lama et Fabien Barthez, il a été contrôlé positif au cannabis.
Mettons les pieds dans ce plat, en nous insurgeant contre le classement indu du cannabis dans la liste des produits interdits. D'abord parce que si une chose est certaine, c'est bien que la consommation de cannabis avant une performance physique est radicalement déconseillée. Les spécialistes sont formels. Ensuite, l'objection selon laquelle la fumette permettrait de lutter contre le stress est également sujette à caution. Un mauvais trip et bonjour le moral à deux jours du match.
Le sport a toujours véhiculé des valeurs hygiénistes, liant la santé du corps et celle de l'esprit, avec tous les relents des idéologies qui se sont emparées de ce thème au cours de l'histoire moderne. Ici, les instances ont partie liée avec une majorité morale qui préfère réprouver et réprimer plutôt que de regarder la réalité en face. Celle du cannabis comme celle, bien plus spécifique au sport de haut niveau, du dopage.
Les instances s'offrent un certificat de conformité en sanctionnant ce genre de pratiques, assimilées à des délits en dépit du bon sens alors qu'elles devraient relever de la sphère privée. Pendant ce temps, les contrôles complaisamment organisés sont largement inefficaces pour la vraie triche chimique. Pourtant, selon le juge Guariniello, chargé en Italie des instructions sur les affaires de dopage (voir plus haut), il suffit de chercher pour trouver. Tout le problème est de le vouloir vraiment, au lieu de faire semblant.
Abyss
On n'en finit pas d'allonger la corde des spéléologues chargés de sonder la profondeur du trou d'ISMM-ISL, et l'on parle désormais d'un milliard et demi de pertes (AFP 04/07). Les créanciers s'affolent presque publiquement de l'ampleur du désastre et, plus gênant pour la FIFA, ils évoquent la possibilité de récupérer les "actifs" constitués par les droits de diffusion des Coupes du monde 2002 et 2006 —soient 6 milliards de francs, récemment cédés à Kirch —, dont la Confédération mondiale ne va pas se départir aisément, la gestion de cette affaire lui coûtant déjà beaucoup sur tous les plans.
Comme sur le plan politique, puisque cette nouvelle menace s'ajoute aux manœuvres de Gerhardt Aigner et de l'UEFA pour déstabiliser Blatter à la veille d'un congrès décisif… L'intersaison, c'est la haute saison pour les pouvoirs du football.
Le "géant du marketing sportif", numéro 1 mondial, s'est écroulé du jour au lendemain pour des raisons qui restent très nébuleuses à ce jour (on parle "d'investissements hasardeux"), en provoquant un séisme dans l'économie du football. Il employait à peine 600 salariés.