Le journal du jeu #1 : pressing et Clasico
Chaque semaine de football offre son lot d'enseignements: tour d'horizon de téléspectateur. • OL: presser les défenses à trois • PSG: Mbappé, dernier défenseur • Real: Lopetegui mort sans ses idées
Dans un football de plus en plus inégalitaire mais loin d'être linéaire, chaque semaine offre son lot d'enseignements plus ou moins anecdotiques. Tour d'horizon de téléspectateur.
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Presser les défenses à trois…
C'était l'un des thèmes de la troisième journée de Ligue des champions: comment affronter une défense qui relance à trois. Hoffenheim, dont le système avec trois centraux est immuable, faisait ainsi face à des Lyonnais évoluant avec autant d'attaquants. Sur le papier, le risque est énorme pour la défense: qui dit égalité numérique, dit possibilité pour l'adversaire de mettre en place un pressing menaçant sans déformer son système.
Mais l'OL, qui a pourtant vu lors des premières minutes que les centraux allemands n'étaient pas d'une adresse folle quand on les prive de temps, a préféré attendre. Et là, qui dit trois contre trois sur une partie du terrain, dit sept contre sept sur l'autre.
Avec des circuits offensifs très travaillés côté Hoffenheim, et un Fabian Grillitsch libre d'organiser le jeu au milieu, il était de suite plus difficile pour les Lyonnais de défendre. On peut évidemment noter les erreurs de l'arrière-garde, mais c'est l'attitude plus haut sur le terrain qui rend la mission ardue, en facilitant le jeu entre les lignes.
Lyon, baladé pendant une bonne partie de la rencontre, est pourtant passé à quelques minutes de la victoire, rappelant la force de ses individualités contre une équipe obligée d'avoir un plan de jeu abouti pour exister à ce niveau – et même s'y hisser, vu son manque de talent. Une fois encore, le score ne disait pas grand-chose du contenu.
Le résultat comptable est lui identique à celui du PSG, autre club embêté par la structure adverse lors de cette journée européenne et qui a arraché un nul 2-2. Comme contre Liverpool, autrement plus agressif sans ballon, Naples a défendu à quatre et relancé à trois, refusant là aussi la supériorité numérique dans une zone pour la créer dans une autre.
Sur le long terme, c'est finalement très logique: le talent individuel parisien étant dans tous les cas difficile à stopper, il vaut mieux travailler sa remontée de balle et conditionner les joueurs à vite récupérer celles qui sont perdues plutôt que de réfléchir au modèle de barbelés à installer.
Plus facile à faire quand on a les habitudes de jeu napolitaines et un personnel adapté? Oui, mais Sassuolo avait par exemple longtemps embêté la Juventus (défaite 2-1 en septembre) en relançant systématiquement court pour donner au match le tempo souhaité. Même si c'est une passe ratée qui avait précipité la chute.
… Et défendre les côtés
Que Kylian Mbappé ne défende pas n'est pas nouveau, et l'attitude était même encouragée par Didier Deschamps cet été. Que cette attitude passive persiste à Paris est déjà moins logique, en tout cas si l'on se penche sur le système mis en place. Là où l'asymétrie avec Blaise Matuidi ailier gauche et le gros travail abattu par les attaquants français compensaient largement une impasse dans le replacement, le dispositif parisien n'est pas forcément en mesure d'absorber plusieurs vagues.
Surtout dans un milieu à deux Rabiot-Verratti où personne n'a un volume de jeu suffisant pour défendre des transitions bien menées. Dans le fond, l'émergence d'Adrien Rabiot et le départ de Matuidi vont finalement mal à l'évolution du jeu parisien, le premier collant mieux à Laurent Blanc et le second à Thomas Tuchel. En tout cas, ce Tuchel-là.
Le début de seconde période face aux Napolitains l'a rappelé: si l'entraîneur allemand a une force, c'est de préparer son équipe à défendre haut à la perte du ballon. Le contre-pressing, terme qu'il utilise très régulièrement (ce qui rend heureux les fans de la première heure du mot gegenpressing), permet ainsi d'étouffer l'adversaire dans son camp pendant de longues séquences.
Et, sur ces situations, outre l'importance de la phase d'attaque qui doit permettre de jouer haut, il faut que tout le monde ait une attitude agressive dès l'erreur commise.
C'est en cela que Lionel Messi, qui symbolise à sa façon ces génies offensifs qui passent la plupart du match à marcher, est si important dans la structure du Barça.
Quand le plan de jeu est de récupérer immédiatement le ballon très haut, idée installée sous Johan Cruyff et renforcée par Pep Guardiola mais un peu moins systématique depuis le passage de Luis Enrique, l'Argentin ne s'épargne pas les courses pour harceler l'adversaire ou couper une ligne de passe. Un effort bref et pas forcément intense, qui est d'abord une question d'état d'esprit et de discipline tactique. C'est celui-là que Mbappé, comme Neymar d'ailleurs, ne peut s'épargner.
La plus grande question pour Paris en Ligue des champions, et qui restera essentielle tant que n'existera pas la possibilité de jouer dans le camp adverse pendant tout le match comme le fait souvent Manchester City, concerne la capacité à défendre autrement, quand les espaces sont plus grands.
Mbappé resté haut mercredi, Meunier a dû gérer Mario Rui et Fabian Ruiz. Comme Pavard contre Nico Schulz et Leroy Sané il y a deux semaines. Comme, aussi, Davide Calabria, latéral droit milanais pas aidé par Samu Castillejo et toujours dépassé par le duo Junior Firpo-Giovani Lo Celso dans le 3-5-2 du Bétis jeudi en Ligue Europa. Même en cas de rectificatif à la pause, s'il suffit de passer à trois pour créer de tels déséquilibres…
Clasico et improvisation
À défaut de sauver sa tête, sur le point de tomber depuis une bonne semaine, Julen Lopetegui pouvait utiliser le Clasico pour défendre une dernière fois ses idées. Confisquer la balle à l'adversaire et installer un jeu placé, ce qui est plus facile à faire contre Levante que Barcelone mais loin d'être impossible vu l'état de forme de nombreux Catalans. Et pourtant, l'ancien sélectionneur espagnol a fait l'inverse, disposant son équipe dans un bloc médian réactif, avec la volonté de faire subir à l'autre ce que le Real vit chaque semaine.
Sauf que Madrid n'est pas construit pour jouer de la sorte. Symboliquement (le Real est la place historique du beau football en Espagne depuis les années Di Stefano), dans les profils (Toni Kroos et Luka Modric ne couvrent plus beaucoup de terrain) et les habitudes (leur coach a toujours pensé la phase défensive par l'attaque).
Alors le bloc médian a été facilement transpercé, Sergio Busquets et Arthur ayant tout le temps d'orienter le jeu dans le rond central, et la faiblesse actuelle de la paire Varane-Ramos étant aggravée par le match de Nacho, latéral qui se recentre sans raison et manque de vitesse pour stopper Jordi Alba.
Si le Real a mieux attaqué la seconde période, passant dans un 3-5-2 qui a étouffé les Catalans, il n'a été tenté qu'à cause du score très défavorable, la viabilité du trois contre trois permanent à l'autre bout du terrain était forcément sujette à caution. Au lieu de mourir avec ses idées, Lopetegui, qui a vu son équipe s'incliner 5-1, est mort avec des idées qui n'étaient pas les siennes. Et même en cas (d'improbable) victoire qui aurait justifié son choix du jour, on se serait sans doute dit qu'il avait fait fausse route tout ce temps.
En vrac
Sébastien Haller, pourtant remplaçant à Nuremberg (nul 1-1), continue à marquer avec Francfort et confirme qu'il a pris de l'avance sur les autres attaquants tricolores dans le profil de pivot-finisseur, lui qui est dans le top 3 des buteurs et passeurs de Bundesliga. Suso, principal danger offensif de Milan, a combiné but et passe décisive contre la Sampdoria (victoire 3-2). Face à Everton Paul Pogba a converti en deux temps un penalty dont la course d'élan était encore pire que les précédentes (victoire 2-1 de Manchester). Le Borussia se procure énormément de situations en transition mais son nul 2-2 contre le Hertha doit autant à son incapacité à en convertir certaines qu'à celles laissées à l'adversaire. Buteur contre-son-camp du dos contre le Torino (nul 1-1), Alban Lafont remet la Landreau au goût du jour. Si Tottenham a perdu 1-0 contre Manchester City, les galères techniques de Kyle Walker et Benjamin Mendy et le terrain de Wembley défoncé par un match de NFL la veille ont nettement tiré le match vers le bas.