Depuis le début de la saison footballistique et radiophonique, l'auteur de ces lignes participait très régulièrement à Langues de Sport, l'émission quotidienne animée par Bruno Roger-Petit sur Europe 1 Sport et consacrée... aux médias sportifs. Un terrain de prédilection, donc, et un cadre idéal pour s'exprimer: la possibilité de parler plus de vingt secondes d'affilée, l'ironie de l'animateur pour donner le ton, la liberté de ce dernier, des débats de qualité sans se départir d'une indispensable légèreté...

Las, en raison d'une brutale réorientation stratégique, toutes les émissions et tous les animateurs laisseront place en début d'année à une radio "tout info", avec du flash, des résultats, de la pub et un peu de musique. Retour à la case Sport FM (1). Adieu Langues de sport. Écourtée, l'expérience n'en laissera pas moins d'excellents souvenirs: l'évocation émue des grands défenseurs sanguinaires avec Grégory Schneider, l'enquête sur l'existence d'autres sports que le foot avec Bénédicte Mathieu, les prises de bec avec Étienne Moatti, les aphorismes hilarants des auteurs de SMS, etc.



Cette déception aurait bien suffi, mais s'y est ajoutée l'annulation inopinée d'un ultime passage dans l'émission, ce vendredi. Motif: Thierry Clopeau, directeur des sports d'Europe 1, ancien rédacteur en chef de France 2 Foot, est tombé sur nos articles de la saison passée consacrés à cette dernière émission et à son impérissable partie débat. Comme il les a trouvés "injurieux" (1), ma participation, qui n'avait pas posé problème jusque-là, est subitement devenue impossible, même pour une petite dernière. L'assistant chargé de transmettre le message était le plus embarrassé des deux.

Bien. Je devrais afficher toute la philosophie requise, négliger cette infortune bien mince. Mais voilà, Thierry (tu permets que je t'appelle Thierry? J'ai l'impression de mieux te connaître, maintenant), pour tout te dire, cette petite brimade – car c'en est une – me touche quand même. Je ne suis pas vexé, mais vois-tu, je suis un peu triste. Pour de vrai. J'avais envie de voir le dernier épisode, de saluer tout le monde. C'est Noël, et toi tu me prives de sapin, alors que justement, je comptais y déposer des exemplaires de "Oui, je crois que bon". Vilain Papa Noël.

Mais peut-être devrais-je te remercier. Après tout, ange vengeur, tu m'épargnes le pire: pour un peu, cédant à la vanité et à une infâme compromission, je me serais presque senti de ce monde. Et va savoir si, un jour, je n'aurais pas fini par trouver bien des excuses à des émissions comme France 2 Foot.



10 raisons de ne pas nous inviter dans les émissions
Petit mémento à l'usage des directeurs d'antenne et des rédacteurs en chef.

10. On refuse de lyncher les arbitres, on ne réclame pas la tête de Domenech et on adore la Ligue 1.
9. Comme on vient de se lancer dans l'audiovisuel, on risque de piquer du matériel.
8. On n'attend pas la fin des émissions pour taper sur les confrères.
7. Le moindre soupçon de copinage avec nous barre toute perspective de carrière au sein du groupe Amaury.
6. Il nous arrive de dire "bite" et "couille", au mépris du CSA.
5. Nos voix chaudes et vibrantes affolent les compagnes des auditeurs.
4. On est tellement pas chers que les consultants se révoltent contre ce dumping social.
3. À force de persévérance, on va finir par convaincre les auditeurs que le débat sur l'arbitrage est idiot. Et de quoi on va parler, après?
2. Un jour qu'il tapera son nom dans Google, le boss va découvrir qu'on a dit du mal de lui.
1. À la moindre contrariété, on cafte tout à nos lecteurs.


(1) Station et fréquence reprises par Europe 1 pour créer Europe 1 Sport.
(2) Un malentendu n'étant pas à exclure, peut-être que Thierry Clopeau s'est, tout comme nous l'an passé, senti quelque peu injurié par les nombreux extraits du "débat" de France 2 Foot que nous avions reproduits (immortalisant les plus grandes envolées de Philippe Lucas), ou par les questions SMS de l'émission, ou par sa chasse aux arbitres et au Laurent Roussey, ou par son Guy Carlier (l'humoriste triste) qui, au lendemain du début de l'affaire Ouaddou, fustigeait comme des collabos des spectateurs innocents ayant eu le malheur de se trouver dans le cadre.