Les Bleus sans les vieux
Plus question de reculer le travail de deuil: cette fois, Blanc et Deschamps n'étaient pas absents pour une quelconque blessure, et le vide était sensible. Non que les joueurs aient démérité, mais parce que nous avons mieux réalisé qu'une page de notre propre histoire était déjà tournée. De façon à peine moins plus matérielle, leur absence sur le terrain se fait aussi sentir: c'est un peu d'assurance en moins, des gestes anodins mais qui manquent pour huiler la machine...
Les blessures et les improvisations conséquentes empêchent évidemment de tirer des conclusions, mais l'équipe deux fois sacrée avait une qualité rare sur laquelle reposait sa puissance: cette capacité du bloc défensif à ressortir et remonter le ballon en toute sérénité, à jouer en passes derrière comme des milieux de terrain... Les deux retraités et leur intelligence tactique y étaient pour quelque chose, et leur absence pourrait rompre l'équilibre qui conditionnait cette remarquable assise des Bleus. Ce risque est d'autant plus à prendre en compte que les solutions actuelles, notamment en défense centrale, laissent planer quelques doutes sur le plan technique. La charnière Lebœuf-Desailly bénéficie d'un bail, mais pour combien de temps? Thuram restera en position de candidat, et celle du grand chauve de Chelsea est déjà inconfortable. Sa cote dans le public ou les médias n'a jamais été extraordinaire et il souffre de la comparaison directe avec Blanc.
Quant à Christanval, on maintiendra les doutes exprimés il y a quelque temps (Christanval, programmé et protégé?). On a beau écarquiller les yeux en regardant jouer Monaco, on ne voit pas où est le grand joueur annoncé. Alors qu'il aura tout le temps pour progresser et justifier plus tard des sélections aujourd'hui prématurées (est-ce vraiment lui rendre service que de l'exposer si tôt à la critique?), d'autres défenseurs de la même génération pourraient tout autant prétendre à l'équipe nationale, comme Mickaël Sylvestre ou Philippe Mexès, voire Peter Luccin, sans parler des joueurs comme Eric Rabesandratana, qui semblent étrangement exclus du débat. Enfin, tout cela se discute...
Au milieu, versant défensif, Patrick Vieira a les moyens d'assurer une transition réussie. Il lui reste à ne plus renouer, comme mercredi soir, avec cette habitude de rater une passe qui offre une occasion à l'adversaire, mais on a vu qu'il pouvait être le meneur de l'arrière, capable d'organiser le jeu et de lancer les phases offensives. De son entente avec Zidane dépendra donc grandement la qualité des futurs Bleus.
Du match contre le Cameroun, enflammé par un but superbe et une résistance acharnée de la part des Verts, on retiendra que les Français ont eu du mal à lancer la machine, comme si le terrain gras engluait leurs velléités, et que leurs adversaires ont eu à cœur de montrer que ce n'était pas une victoire olympique et la fête qui l'a suivie qui auraient pu les fatiguer. Insuffisamment approvisionnée ou soutenue (malgré la belle activité de Petit), l'attaque à trois têtes (Wiltord-Trezeguet-Henry) n'a pas fait parler sa puissance. Sept blessés, cela en faisait quelques-uns de trop.
Un bénéficiaire fut tout de même Daniel Dutruel, dont le destin est décidément surprenant. Comment de gardien remplaçant au PSG devient-on titulaire à Barcelone? Et il faut que Barthez, Ramé et Letizi se blessent pour qu'il fête sa première sélection... Le "quatrième" gardien a joué!