Marseille, prends ton temps
Deux défaites. C’est tout le crédit qui aura été accordé à Albert Émon avant que sa tête ne soit mise à prix. Dans un contexte d’impatience exacerbée par certains medias, le salut de l’OM est une nouvelle fois lié aux nerfs de Pape Diouf…
Auteur : Salif T. Sacha et Thibault Lécuyer
le 3 Sept 2007
Mercredi soir, au terme de la prestation insipide livrée par les Marseillais au Vélodrome, la sentence tombe sur RMC: "L’OM doit-il changer d’entraîneur, c’est la question internet du soir". 80% des auditeurs chauffés à blanc se plieront à la ligne éditoriale de L’Afterfoot en confirmant la sentence prononcée par Florian Genton, envoyé spécial au Vélodrome: "La phrase de Pape Diouf la plus forte à notre sens ici, à Marseille, c’est celle-ci: ‘Ce soir c’est la défaite de trop’. Ça veut tout dire (…) C’est vrai qu’Albert Émon, a priori, selon toute vraisemblance, compte ses heures à la tête de l’Olympique de Marseille. Alors la question qui se pose, c’est va t-il partir demain? Va t-il partir après-demain? Va t-il partir après le match contre le Paris Saint-Germain?"
On se tourne alors vers le vieux sage de service pour temporiser. Pas de bol, le vieux sage sur RMC, c’est Jean-Michel Larqué, champion de France toute catégorie de la surchauffe moteur depuis plus de trente ans: "Sauf à faire l’impasse sur le match du Paris Saint-Germain, hein! Peut-être que d’ores et déjà les responsables marseillais ont fait une croix sur le match du Parc des Princes en se disant ‘avec cette équipe-là, cet entraîneur-là, on est cuits, on est râpés, et on ne gagnera pas, autant faire ce que l’on doit faire le plus tôt possible".
Amnésie et vents contraires
Si l’indigence de l’attaque marseillaise fut criante mercredi face à Nice, il faut faire montre d’une sacrée dose de mauvaise foi pour incriminer un technicien dont les ambitions offensives ont été unanimement louées tout au long de la saison dernière. Le vice-champion de France n’avait pas montré plus d’allant face à Lyon (1-4), Lorient (0-1) ou Nantes (0-0), par exemple, ce qui n’avait pas empêché Albert Émon d’atteindre ses objectifs en fin de saison. La qualification en Ligue des champions est, pour partie, le fruit de la résistance de Pape Diouf aux vents contraires. On réclamait déjà son pouce baissé, il y a deux ans, quand Jean Fernandez explosait tous les records de faux départs (malgré Ribéry), ou quand Albert Émon semblait prendre un retard trop important sur la troisième place la saison dernière (malgré Ribéry).
Par chance, l’OM n’est pas dirigé à coups de votes SMS, mais par un président qui savait, après le match contre Nice, qu’une équipe dont sept postes sont renouvelés par rapport à la saison précédente (1) ne peut développer un jeu chatoyant du jour au lendemain. Si la rencontre perdue à domicile fut effectivement catastrophique, c’était du fait d'un manque criant d’implication individuelle plus que d’errements tactiques.
Concédons également qu’il est difficile de développer du jeu avec un Nasri convalescent et un Niang qui joue avec 40° de fièvre et un genou incertain. En ce sens, la soufflante poussée en milieu de semaine – et à laquelle l’ensemble du staff s’est associé – était certainement le meilleur moyen de remobiliser un effectif inhibé, et n'avait pas d'autre objectif que de mettre un groupe devant ses responsabilités plutôt que de le protéger derrière la prétendue (et soudaine) incompétence de l'entraîneur.
Albert Émon n'a pas le profil de ce technicien timoré et impuissant pour lequel on essaye de le faire passer. Tout comme il n’avait pas hésité à laisser Djibril Cissé sur le banc, l’an dernier, lorsque celui-ci posait de sérieux problèmes à son animation offensive, il n'a pas tardé à écarter Zenden pour son début de saison fantomatique, ou Beye pour ses absences à répétition.
Les vertus de la progression
Le contexte dans lequel évolue le technicien marseillais est pourtant difficile: un effectif renouvelé plus que prévu, des blessures qui tombent au plus mal, et des joueurs clefs qui commencent la saison hors de forme. Étrangement, c’est dans un contexte similaire qu’Alain Perrin a débuté sa saison à l’OL, subissant deux défaites lui aussi. Mais on a préféré invoquer le manque de chance des gones. La crise serait-elle moins rentable dans le Rhône que dans les Bouches-du-Rhône?
Il sera toujours temps d’incriminer les plans de jeu d’Émon quand l’OM n’aura pas progressé après que les joueurs auront montré l’implication et la détermination minimales exigées par le haut niveau. L’échantillon du Parc a établi que lorsque l’équipe n’est pas paralysée par la peur de gagner, elle est capable d’en imposer. Encore trop fragile psychologiquement pour savoir enfoncer le clou au bon moment, l’OM a surtout besoin de temps, et de quelques victoires à l’arrachée pour se remettre dans le sens de la marche. Les progrès sont cependant déjà palpables: devant une équipe jouant son va-tout pour arracher un résultat en fin de match, les Olympiens avaient pris deux buts contre Nancy, un seul contre Caen, puis aucun contre Paris.
Pour avoir trop payé dans le passé les méfaits des révolutions internes, l’exigeant public marseillais avait laissé six bons mois à Fernandez pour trouver son animation offensive, avec Niang métamorphosé en ailier gauche de tout premier plan, dans une ligne d’attaque à trois complétée par les arrivées de Pagis et Maoulida au mercato. Il avait attendu la Dubaï Cup du mois de janvier la saison dernière pour voir Nasri enfin éclore et prendre à sa charge une part prépondérante de l’animation. Que les médias s’agitent. C’est en gardant la tête froide que les supporters et la direction du club se donneront les moyens de voir leur équipe progresser.
(1) Mandanda, Faty, Cheyrou, Valbuena et Ziani ne faisaient pas partie de l’équipe, Niang et Zubar n’ont pas évolué à leurs meilleurs postes.