Seuls 36% des internautes parviennent à saisir leur e-mail / password du premier coup. En feras-tu partie ? Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

Mon cher Léon

Le stade Léon-Bollée du Mans a fermé ses portes pour faire place à une Arena sponsorisée. Un habitué prononce l'oraison funèbre.

Auteur : JeanBen le 4 Jan 2011

 

Texte initialement posté sur le forum des rillettes, le mardi 21 décembre.

Bon, on ne sait jamais trop quoi écrire dans ces moments là, tu m'excuseras d'avance pour le manque de tact. C'est avec une tristesse non feinte que je t'écris cette e-lettre. Parce que ce soir, c'est ta dernière. Enfin normalement. Ça fait un moment qu'on t'annonce mourant, mais entre les sous-traitants grecs qui ne savent pas souder un toit, la tempête ou les délais fantaisistes qu'on est prêt à mettre dans un cahier des charges pour avoir un financement, on t'a laissé pas mal de répit. Mais là, ça sent bel et bien la fin pour toi.

Excuse-moi pour le tutoiement, mais je t'ai suffisamment côtoyé pour me le permettre. J'en ai perdu du temps avec toi. Tu objecteras que tu m'avais tout de suite mis dans le bain: un 0-0 contre Bourges un glacial mercredi de décembre, dans un stade désert, abandonné par l'ensemble de mon équipe. Le seul du village à avoir des parents suffisamment inconscients pour me laisser venir te voir. J'avais dû insister pas mal, depuis le temps qu'on m'avait parlé de toi. Déjà tu n'étais pas franchement joli. Tu n'avais pas encore tes horribles tribunes en ferraille qui ne résistent pas au vent derrière les buts, mais t'étais moche quand même. Tu as raison, Le Mans n'a jamais été réputé pour son architecture, on peut dire que tu t'intégrais parfaitement dans le paysage dans ce cas.

leon_bollee_1.jpg


Le plein pour la Coupe

Mais malgré tout ça, je suis revenu. Et pas qu'une fois. Parfois parce qu'on m'y invitait, souvent de ma propre initiative. Tu peux rigoler en repensant à mon éducation footballistique faite à base de Régis "jamais un tacle" Benardeau et Willy "toujours trop de tacles" Bolivard. Ces horribles défaites sur une sortie ratée de Pédémas ou un énième loupé de Bakari. Cette super D2, qui se transformera rapidement en D2, parce que faut pas déconner non plus, il n'y avait rien de super. Tous les ans, tu étais plein pour la venue de l'équipe de D1 qu'on prenait en Coupe. Christophe Cocard qui me fera dire le lendemain dans la cour de récré que c'est l'attaquant le plus rapide de France, voire du monde... C'est ça, rigole, comment je pouvais savoir en 96, sans Internet, que c'est Penaud qui était juste le défenseur le plus lent de France? Puis le Metz de Pires, le Monaco d'Henry et Anderson. À chaque fois on perdait, mais il y avait toujours autant de monde l'année suivante.

Et ne sois pas triste, on en a vécu pas mal des bons moments tous les deux. Ce quart de finale contre les horribles Lavallois. Où tu exploses littéralement sur le doublé de Momo Haddadou. Ces sourires radieux sur les visages en traversant le pont en allant chercher la voiture sur le parking improvisé en bas des murailles du vieux Mans. Et le coup franc de Chiumento qui va nettoyer la lunette de Barthez. La bicyclette de Tulio, après avoir vu Matsui réussir tout ce qu'il voulait durant toute la partie. Les supporters marseillais qui ne maitrisent pas le vent et qui foutent le feu à leur tribune à cause des fumigènes. L'équipe B qui sort l'ogre lyonnais de la coupe Moustache. Cet épique 4-5 contre des Lensois qui iront se faire insulter par banderoles interposées au stade de France. Et puis tu as vu les débuts du petit attaquant ivoirien, tu sais celui qui devrait se muscler un peu s'il veut faire carrière. Drogba, c'est ça. Tu as aussi vu ceux de Thomert et Fanchone, mais on peut pas gagner à tous les coups. Non, tu as eu une belle seconde vie Léon. Il est temps de passer la main.


D'un autre siècle

Alors oui, toi aussi ça te fait sourire qu'on donne le nom du stade à une boite qui a changé de nom pour enlever la référence directe à la ville. Mais le nouveau patron, il a dit qu'il était hyper attaché à la ville, il compte même supprimer les bureaux parisiens, tellement Le Mans c'est chez lui. Et tu connais quelque chose, toi, qui a plus de valeur que la parole d'un assureur? Son argent? Oui, peut-être. Mais bon Léon, faut te rendre à l'évidence, tu n'es plus grand chose dans le monde d'aujourd'hui. Ta calculatrice mécanique? Non mais t'es sérieux? Les frères Wright? Plus personne ne connaît. Si tu demandes dans la rue, il y a plus de chances qu'on te réponde "avant-centres de Derby County" que "pionniers de l'aviation". Et pourtant, Derby County, plus personne ne connaît non plus. Tes voitures? Mais c'est comme les avions, Léon, t'es trop 19e siècle. Avions, voitures, c'est du passé. Et puis ça pollue. Surtout les tiennes. Zéro tracas, zéro blabla, oui c'est ridicule, mais les gens connaissent. T'as pas su évoluer Léon. Et on vous laisse quand même la principale avenue de la ville, à toi et ta famille. Profitez-en jusqu'à la mort de Steevy.

Allez Léon, il est temps de se quitter, le temps de ta seconde mort est arrivé. Je t'avoue que la première m'avait très peu marqué. Et t'inquiète pas, il restera des vieux cons comme moi qui continueront de faire croire qu'un Le Mans-Amiens le 3 janvier derrière tes buts, pas protégés de la pluie et du vent, c'était autre chose que les écrans géants du MMArena. Qu'un vrai stade, il doit être en centre-ville, pas derrière la rocade. T'imagines, toi, un stade avec un vrai parking? On est d'accord, c'est n'importe quoi. Donc de ce côté-là, ne t'inquiète pas, question vieux con, j'y arriverai. Car finalement, c'est sûrement ça qui me fait le plus mal dans ta mort. Bourges, c'était il y a dix-neuf ans. Quasiment jour pour jour. Pourtant le siège glacé de ta tribune Chancel, je t'assure que je m'en rappelle comme si c'était hier.

Bonne mort mon Léon.

leon_bollee_2.jpg
Photos : Wikipiedia / Trowa Barton

Réactions

  • le 04/01/2011 à 19h36
    (et c'est BeUnardau, hein...)

  • Marf le 04/01/2011 à 19h40
    Bravo et merci pour ce texte, même s'il me rapproche un peu plus encore de la disparition de ce bon vieux Nungesser, et ce sera pas dans l'Atlantique Nord cette fois !

  • Etienne Mattler le 04/01/2011 à 19h46
    Cette fois, on reste en compétition avec les Lavallois pour être les derniers des Mohicans des stades furieusement seventies en Pays de Loire... (enfin Jean Bouin, c'est plus un stade furieusement fifties, àa la réflexion).

    Sinon, après avoir joint ma voix mélodieuse au concert de louanges, j'ai une question liée à la super D2 : il me semble que vous aviez à un moment un gardien de but, en concurrence avec Pédemas, qui était avocat ou dentiste ou chercheur en astrophysique, enfin un truc pas courant : ça repose sur une réalité ou c'est juste mon cerveau qui déraille ?

  • PlazaAthenee le 04/01/2011 à 20h37
    Merci pour ce texte

  • Gengis Oliver le 04/01/2011 à 22h13
    Quel club n'a pas rêvé d'un Randstad ?
    OK, je sors !

  • Hydresec le 04/01/2011 à 22h42
    Merci JeanBen. Outre la grande émouvance que m'a causée ton texte, tu m'a grandement facilité la tâche quand viendra l'heure de poster la nécro de Jean-Bouin (avec l'aide d'Étienne, Sue & co, parce que je n'y suis pas depuis 19 ans jour pour jour, non plus).

  • Pan Bagnat le 05/01/2011 à 01h28
    Grandiose. Dire que ça va me faire pareil quand ils vont virer le Ray...

  • Sens de la dérision le 05/01/2011 à 08h03
    Ils l'ont déjà viré. Snif. Je veux mon Ray !

  • losc in translation le 05/01/2011 à 13h51
    Un grand bravo pour ce sympathique témoignage.
    Il l'est d'autant plus pour moi qui ai vécu deux ans "à l'ombre" de Léon Bollée avant de revenir dans mes contrées nordistes, et, honteux je suis, je n'y ai pas déposé le moindre orteil. J'en retiens quand même l'aspect désuet du stade, sans être pourri. D'ailleurs, les fameux spectateurs qui prenaient la passerelle d'enfer depuis les pieds de la vieille ville pour se rendre au stade (en passant devant mon immeuble) étaient globalement calmes, chantaient gentiment. Les forces de l'ordre aussi étaient détendues, et ma foi ce n'est pas désagréable. On évitait ainsi, en particulier, les concours de rétroviseurs explosés pour fêter une victoire ou protester contre une défaite...
    Je crois que le projet sur le site ressemble à celui d'Highbury, avec des logements créés en lien et place du stade.
    Pour la MMArena, je confirme que ce n'est pas vraiment très loin du centre, avec une connexion rapide avec le tram. Et cela relève d'une certaine logique avec le rapprochement du basket et du circuit des 24h, qui restent les sports majeurs dans le coin.

    Enfin, tout comme lien, les lillois ne seront, eux, pas nombreux à regretter le stadium lors de la transition vers la Jenlain Arena (ou Welsh Stadium, ou Pot'je Vleesch Arena, ce n'est pas encore fixé). Moche, petit, froid, avec une piste bleue électrique qui fait mal aux yeux... Ce stade n'a rien d'un stade de foot. Par contre, je cours encore très régulièrement dans la Citadelle, et je passe à côté de notre Grimonprez, qui est consciencieusement en train de se faire démonter. Et ça fait un peu drôle, d'autant que si l'enveloppe a vieilli, nous pouvons maintenant constater que les parties internes de la structure sont encore en bon état. Là, il y a des souvenirs...

La revue des Cahiers du football