José Anigo cache son piètre bilan sportif sous un florilège de déclarations évitables. À défaut de titres, l'OM prend-il goût pour les pitres?
À peine dix jours après sa prise de fonction et une élimination en Coupe de France face au PSG (1-2, au Stade Vélodrome), José Anigo gratifiait la presse d'un remarquable regard sur le travail de son prédécesseur:
"Pour moi, le schéma tactique, ça se prépare en début de saison, on a un mois pour ça. Aujourd’hui je découvre un effectif qui n’a pas travaillé tactiquement". Digne d'un Vahid Halilhodzic prenant le pouvoir à Rennes, le Marseillais entamait en force ses relations avec un public qui n'en demandait pas tant. Jamais à court d'arguments, il va ainsi tout faire pour esquiver ses propres responsabilités dans la mauvaise saison olympienne. Et la presse — est-ce la chance du débutant? — va l'épargner. Dynamique, souriant, complice, communiquant, il est l'antithèse parfaite d'Alain Perrin. Un soulagement pour son président, un bonheur pour des journalistes enclins à recueillir les confidences et les petites phrases bien piquées. Luis Fernandez a un clone, ne manquent que quelques altercations avec le corps arbitral pour peaufiner le personnage. Rendez-vous l'année prochaine?
Anigo dit, Anigo redit, mais qu'est-ce qu'il y a sous ton grand chapeau ?
Christophe Bouchet lui-même reconnaît quelques débordements verbaux chez son employé, mais atténue la critique en affirmant que, l'ancien minot regrette ses emportements dès le lendemain. Encore un peu et Anigo deviendra tellement caricatural que plus personne ne lui en voudra de tenir des propos acerbes et outranciers. La vie est ainsi faite qu'on aime faire rentrer les gens dans des cases bien établies, peu importe si la caricature Anigo fait passer le Marseillais moyen pour une grande gueule sans limite mais avec un gros accent.
Pourtant, après la dernière journée du championnat 2003-2004, José Anigo a dépassé les limites permises par son auditoire. Le gentil clown s'est transformé en Hulktra pour sourire de la descente en L2 de l'En Avant Guingamp, n'y voyant qu'un juste retour des choses relativement au rôle de Noël Le Graët dans l'affaire OM-VA et dans la rétrogradation olympienne qui en avait résulté. Indigne d'un cadre de grand club. Qu'il soit supporter de son équipe, c'est la moindre des choses. Qu'il relise le passé pour n'en faire qu'une sombre histoire de règlements de comptes en est une autre. Suppose-t-il que le président guingampais a lui-même indiqué à Christophe Robert comment faire pousser de l'argent dans un potager? José est tout à coup moins drôle.
Anigo, nigaud et demi
Etait-ce prémédité, comme une façon de ne pas revenir sur vingt matches de championnat aux résultats médiocres et sur une élimination sans gloire en Coupe de France? Rien ne peut décemment le prouver, mais cela n'empêchera pas un retour sur une fin de saison qui n'a pas permis au Marseillais de faire mieux que son prédécesseur (27 points sur 60 possibles contre 30 sur 54 pour Alain Perrin). L'état de grâce a pourtant duré, les performances de son groupe en coupe d'Europe lui permettant de calmer la frustration des supporters et de garder jusqu'au bout un espoir de qualification en coupe de l'UEFA, dernière possibilité de remplir l'objectif minimum donné par son président le 14 janvier 2004 (à cette époque, Christophe Bouchet parlait encore de Ligue des champions, Marseille, avec deux matches en retard, n'étant qu'à huit points de Lyon et du PSG, Monaco étant quasiment sacré champion avec ses seize points d'avance sur les joueurs olympiens).
Mais voilà, l'OM n'a pas gagné à Göteborg, et peu importent les circonstances de la défaite, l'équipe de Marseille ne verra l'Europe qu'à la télévision. Étrangement, la pilule est passée.
Remise Anigo
La saison prochaine est lancée depuis un bon moment à Marseille. Avant la finale de la Coupe de l'UEFA, Didier Drogba a annoncé son intention de rester la saison prochaine. Benoît Pedretti a signé, Déhu l'a rejoint, les noms circulent, parfois ronflants. Mais quid du jeu particulièrement défensif prôné par Anigo? Ce dernier ayant dès le début décrété que le travail tactique de l'arrière-garde serait son gros œuvre, qu'il ne pouvait faire qu'avec les moyens du bord, les cartes qui vont lui être distribuées feront de lui l'unique responsable du fonds de jeu olympien. Saura-t-il bouleverser un univers dans lequel il ne prend pas trop de risques, qui ne fait pas de vagues et qui a au moins l'avantage d'avoir fonctionné durant plusieurs journées (peu de buts encaissés, mises à part les débâcles bastiaises et rennaises, bien entendu)? Ou bien refera-t-il du "droit au but" autre chose qu'un objet de remplissage pour le nouveau logo?
En première ligne, sans aucune excuse, José Anigo va enfin pouvoir donner la pleine mesure à son personnage, mais il ne pourra plus compter sur l'innocence du public. Reste maintenant à savoir s'il va apprendre l'histoire et s'apercevoir que tout club pris en flagrant délit de corruption est automatiquement rétrogradé dans la division inférieure, quel que soit son statut. Comme il dit si bien:
"Quand on veut avancer, on ne peut pas pleurer sur son sort"...