Oeil tranquille pour penalty réussi
Invité : When Saturday Comes – Des chercheurs ont testé l'efficacité de la méthode de concentration visuelle baptisée "Quiet Eye" dans l'exercice des tirs au but.
Un nouvel article de When Saturday Comes traduit sur les Cahiers du football, issu du numéro d'avril. Titre original: Spot Check.
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Au cours des dernières années, plusieurs recherches ont porté sur la meilleure façon d'exécuter un penalty avec succès, avançant telle ou telle théorie, comme celle recommandant de tirer fort au centre du but ou celle qui déconseille de tirer deux fois de suite au même endroit (puisque les entraîneurs des gardiens étudient les habitudes des tireurs). Une nouvelle vient d'être développée par les docteurs Greg Wood et Mark Wilson de l'Université d'Exeter.
Point de fixation
Les deux chercheurs ont en effet décidé de mesurer en quoi la méthode dite du "Quiet Eye" (QE – "œil tranquille"), une technique de concentration visuelle et d'entraînement qui consiste à fixer un point durant un temps donné avant et pendant l'exécution d'un geste, permettrait d'améliorer le taux de réussite des tireurs de penalties. De précédentes recherches menées dans des disciplines comme le golf et le tir avaient indiqué que les sportifs ayant suivi un entraînement au Quiet Eye ont moins de chances de perdre leurs moyens sous la pression. Aussi les deux universitaires ont-ils scindé en deux un groupe de vingt footballeurs universitaires pour les soumettre à un entraînement aux tirs au but.
Les deux groupes furent équipés de systèmes portables de "eye tracking" et informés que l'endroit optimal où expédier la balle, pour battre le gardien, était l'une des deux lucarnes. Mais tandis que les membres du premier groupe pouvaient s'entraîner à tirer les penalties comme bon leur semblait, ceux du second suivaient un programme spécifique. Ce dernier leur enseigna, selon la méthode QE, comment coordonner leur regard et leur cible en s'entraînant à fixer une lucarne avant d'y diriger leur tir. Pour évaluer la correspondance entre l'intention et la réalisation, il était demandé aux tireurs de fixer celui-ci durant une seconde ou deux avant leur course d'élan, pour permettre aux chercheurs d'identifier le point-cible, avant de ne plus fixer que le ballon (voir la vidéo). [2]
L'habileté plutôt que la loterie
Alors que le groupe qui s'était entraîné sans consigne ni méthode particulière n'enregistra aucune progression de ses résultats au cours de a phase d'entraînement, le groupe "QE" améliora très significativement son efficacité, avec des frappes beaucoup plus précises. Après cinq semaines d'entraînement, les deux groupes participèrent à un concours de tirs au but dont l'équipe gagnante emporterait un prix de mille livres sterling. Pour augmenter la tension et se rapprocher des conditions de stress d'un match, il fut dit aux cobayes qu'ils allaient affronter un gardien de but différent de celui qui avait participé à leur entraînement: un gardien supposé avoir joué à un meilleur niveau, par ailleurs spécialiste de l'exercice. L'équipe QE perdit une partie de son avantage, mais conserva une précision supérieure.
(photo : cc Wikipedia / Markus Unger)
"Ce que nous présumons, c'est que la méthode du Quiet Eye peut améliorer la coordination entre la vision et l'action – viser et tirer – et qu'elle présente des avantages supplémentaires en termes de maîtrise, au travers de la conviction que la réussite du tir va plus dépendre de l'habileté du tireur que d'une simple loterie", explique Wilson. "La méthode a un puissant effet psychologique dans la mesure où, l'anxiété étant corrélée à l'incertitude, elle tend à les réduire. Choisir un point-cible et y adresser son tir oriente la concentration du tireur vers un objectif positif, et l'aide à écarter des pensées moins productives comme celles envisageant la possibilité d'un échec: 'Oh m..., j'ai peur' ou 'Que va-t-il se passer si je rate?'"
Avantage psychologique
Tout aussi importante est la présomption que l'entraînement "QE" aide aussi les tireurs à faire abstraction des techniques de déconcentration employées par certains gardiens. Dans un précédent protocole de recherche, Wilson et Wood avaient établi qu'un gardien bougeant pour distraire les tireurs abaisse significativement leur efficacité: durant les expériences, les portiers recourant à divers moyens de ce genre (mouvements de bras par exemple) haussaient à près de 21% la fréquence de leurs parades, contre 9% aux gardiens restant immobiles.
"La réalité est que le tireur bénéficie d'un net avantage, mais les footballeurs et les commentateurs laissent souvent penser que l'exercice accorde autant de chances au gardien", estime Wilson. Quoi qu'il en soit, cette nouvelle étude suggère qu'entreprendre un entraînement spécifique avec la méthode du Quiet Eye permet de rétablir l'avantage, dans la mesure où les tireurs qui savent pouvoir mettre dans le mille, même quand ils subissent une forte pression, vont se présenter au point de penalty avec un surcroît de confiance qui ne peut qu'augmenter leurs chances de réussite. Après "On joue comme on s'entraîne", on tire les penalties comme on s'y entraîne?
[1] Technologies de suivi du regard, notamment utilisée en marketing ou en publicité, et pressenties pour les prochaines générations d'ordinateurs et terminaux mobiles. [NdT].
[2] Le détail de la méthodologie est exposé dans l'étude, consultable en anglais. Elle est relativement complexe, explique certains choix et comporte de nombreux dispositifs de mesure non précisés dans l'article [NdT].
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